Le nouveau numéro de Moyen-Orient sera peut-être difficile à exploiter en classe. Il se concentre en effet sur le rôle des armées arabes face aux révolutions du Printemps arabe. C’est aussi l’occasion de faire un point sur cet acteur institutionnel incontournable du Maghreb et du Mashrek. Le dossier central le précise : il s’agit de faire un état des lieux des armées arabes, un léger paradoxe quand on se rend compte sur les cartes que l’essentiel des forces armées de la région sont (à l’exception de l’Égypte, numéro un dans la catégorie avec 917 000 hommes) turques, iraniennes et israéliennes.

ARMÉES D’HIER, ARMÉES D’AUJOURD’HUI

Dans le monde arabo-musulman, l’armée à toujours été, depuis la fin de la colonisation, un acteur politique incontournable, qualifié d’  « État profond ». Le nombre de dirigeants arabes issus des rangs de l’armée ou de la police est là pour le rappeler : Nasser, Sadate et Moubarak en Égypte, Kadhafi en Libye, Hussein en Irak, Ben Ali en Tunisie ou encore Boumédiène et Zeroual en Algérie. Les années 90-2010 furent leur apogée, car l’Occident les considérait comme des remparts efficaces contre l’Islam radical ou encore l’immigration clandestine. Les révolutions arabes ont porté un coup important aux armées, mais sans les réduire au silence total, ne serait-ce que parce que les nouveaux dirigeants issus des votes démocratiques ont besoin d’elles pour assurer l’ordre. On le voit très bien en Libye, en Égypte et en Tunisie. Le retrait de l’armée n’est peut-être que provisoire. En Égypte, elle reste très populaire.

DIVISIONS INTERNES

Dans d’autres pays, l’armée est fortement divisée, d’abord parce que les forces de maintien de l’ordre sont éparses. La Libye post-Kadhafi voit ainsi s’affronter l’armée régulière, la police et les milices populaires issues de la révolution qui refusent de désarmer. Entachée par son soutien à Khadhafi, l’armée ne parvient pas à incarner un idéal national mais à mal par l’opposition entre l’ouest et l’est du pays durant la guerre civile. C’est une situation proche en Syrie, où les forces armées sont structurées par le facteur religieux attisé par la situation dramatique du pays. L’armée régulière est désertée par les sunnites qui rejoignent l’Armée syrienne libre où émergent dans certains brigades des éléments jihadistes radicaux.
En Algérie la situation reste stable et l’armée reste à clé du pouvoir, même si elle ne dispose plus « du même statut ni de la même liberté d’action » qu’auparavant.
On notera aussi le cas des armées des pays du golfe persique dont les dépenses militaires sont importantes (Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis) mais qui manquent de soldats, ce qui les rend encore dépendants de leurs alliés militaires, au premier rang desquels on trouve les États-Unis. Il y a enfin le dilemme de l’armée palestinienne qui maintien l’ordre dans des zones occupées par l’armée israélienne.

HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE

Mis à part ce volumineux et intéressant dossier sur les armées arabes, le nouveau numéro contient trois articles qui pourront être utilisés dans le cadre du programme d’histoire-géographie.

Farida Souiah, du CERI, fait le portrait des Harragas, ces jeunes gens algériens qui « brûlent » les frontières au péril de leur vie pour réaliser l’objectif de leur vie : partir à tout prix. En 2007, les Harragas ont été l’objet d’une fatwa qui assimile la harga à un suicide. L’article décrit bien les mécanisme de préparation au départ, ce que l’auteur appelle le « savoir-migrer ».

Dans un autre article il est question de « lutte géographique » menée par l’Ecomusée des paysages de Battir, un village palestinien dont les paysages ruraux sont menacés par la construction du mur de séparation. La réhabilitation des sites, des gestions liées au développement durable deviennent ainsi une façon pacifique de montrer son identité face à Israël.

Enfin Frederico Cresti, de l’université de Catane, revient sur la colonisation italienne en Libye, dans ce qu’il nomme « un épisode atypique ». L’originalité est que le territoire libyen ne sera presque jamais en paix. Arrivés tard et de façon très volontariste dans la course aux colonies, les Italiens mettent 21 ans à pacifier le pays (1911-1932), s’installent dans sur les meilleures terres de Cyrénaïque et ne peuvent créer que des structures administratives provisoires renversées par la campagne africaine de 1941-1942.

Et puis, comme toujours, les brèves, les entretiens et les référence bibliographiques et webographiques.

Mathieu Souyris, Nouvelle-Calédonie.