Un éclat d’obus, un poignard et une maquette relatant une attaque au gaz subie en 1915 : trois objets, trois objets seulement a-t-on envie de dire, pour parler de la Première Guerre mondiale. Dans ce livre, l’historien se confronte à un type de source inhabituel, l’objet, alors qu’il est souvent écrasé par la masse des archives écrites disponibles.

Une entrée par les objets

Stéphane Audoin-Rouzeau avoue qu’il ne connait pas assez les objets au moment où se met en place l’Historial de la Grande Guerre. Ces objets forment pourtant des points d’entrée minuscules mais qui peuvent dire beaucoup. C’est donc dans une forme de micro-histoire qu’il embarque le lecteur.

Un éclat parmi d’autres

L’éclat dont il est question lui a été offert en 2003. L’explosion a détaché cet éclat. L’explosion d’un obus pouvait être si violente qu’elle pouvait tuer sans qu’aucun éclat n’ait pénétré le corps. Les plus importants projectiles entrainaient la mort bien avant l’arrivée à l’ambulance de première ligne. Le fait qu’il ait été transmis montre qu’il y a une vie des objets de guerre pendant la guerre et après la guerre. De 1914 à 1918, l’armée française a consommé 331 millions d’obus. Par ailleurs, on peut estimer qu’un quart du milliard d’obus tirés sur le front ouest n’a pas explosé.

Un poignard parmi combien d’autres ?

Sa longueur totale est de 33 centimètres dont 21 pour la lame. Le soin avec lequel ce fourreau fut recouvert de tissu ne peut manquer d’attirer l’attention. Il s’agit de rendre l’arme silencieuse par exemple pour qu’elle serve de nuit. Il ne s’agit pas du couteau réglementaire distribué par l’armée mais bien d’un exemplaire unique. La littérature allemande et française d’immédiat après-guerre ne fut pas silencieuse sur la question du couteau. Après enquête, on peut noter que ce type d’arme était très présent dans l’armée française.

Une maquette sur une attaque au gaz

Il s’agit d’un tableau-maquette de grande taille figurant un secteur du front de Champagne en 1915. Les matériaux sont banals pour cette maquette d’un mètre de haut et soixante-dix centimètres de large. Cet objet est un témoignage. Un texte de douze lignes est accolé à l’objet et commence par «  Souvenirs de mes 21 ans ». Il y eut une cinquantaine d’attaques allemandes au gaz menées entre 1915 et 1918. Cet objet permet de voir ce qui se passa après l’attaque avec le poste de secours. Omniprésent dans les souvenirs, le gaz a fait environ 500 000 morts et blessés, ce qui ne représente que 3 % du total des victimes du front occidental. S’agit-il au final d’un objet cathartique, d’un objet de deuil ?

Pour une histoire des objets

En conclusion, Stéphane Audoin-Rouzeau rappelle que les objets ne peuvent évidemment prétendre résumer à eux seuls la guerre. L’objet de guerre est avant tout source et, trop souvent, ils ont été présentés décontextualisés par le fait même qu’ils sont entrés dans des collections. L’objet peut permettre de voir ce qui n’est pas visible dans les livres.

Ces trois témoins peu ordinaires restituent à leur façon un peu de la vérité du terrain. Ils ne se substituent pas à d’autres approches mais viennent enrichir la compréhension de ce premier conflit mondial.