Alors que Paul McCartney repart cette année pour une nouvelle tournée mondiale qui passera par la France, Frédéric Garnier sort un ouvrage qui peut se poser comme un ouvrage de référence sur le plus grand groupe de pop (?), de rock (?) de l’histoire : les Beatles. Cinquante ans après leur séparation, cet ouvrage a pour ambition non pas seulement de retracer leur parcours, mais de relater et d’expliquer leur impact social, politique, économique et leur héritage musical.
Frédéric Garnier est un journaliste et écrivain qui travaille à Géo Histoire. Spécialiste de la culture pop et collectionneur de disques, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Blur vs Oasis et Blues Brothers: le retour des hommes en noir.
L’ouvrage, très dense, bourré d’informations et d’anecdotes qui surprendront même les aficionados les plus assidus des Fab Four, est découpé en 28 courts chapitres chronologiques. Les 24 premiers s’étalent de la rencontre et la formation définitive du groupe à l’annonce par Paul McCartney de son départ en 1970. Les suivants évoquent les héritages, la mémoire et les querelles autour de ces deux thèmes depuis cette séparation brutale, tout aussi prévisible pour les membres du groupe et l’entourage proche qu’inattendue et explosive pour l’opinion publique mondiale.
En quoi ce livre se différencie de la kyrielle de biographies, plus ou moins panégyriques, sortie sur les Beatles? Fondamentalement, c’est la volonté de l’auteur de contextualiser, pour chaque album voire chaque chanson (mais est-ce possible avec plus de 200 titres au catalogue?), ces œuvres dans leur époque.
Évidemment, tout le monde connaît les débuts difficiles de ce groupe puis l’explosion de la Beatlemania; les succès en Angleterre, puis en Europe; la conquête de l’Amérique… Peut-être moins nombreux sont ceux qui ont en tête les échecs, comme le film Magical Mystery Tour, les critiques qui se multiplient contre parfois l’image lisse de parfaits et gentils garçons ou à l’opposé contre les délires psychédéliques liés aux expériences de psychotropes et autres excès. Encore moins, l’ensemble des querelles qui ont abouti à la séparation du groupe et que d’aucuns résument parfois à un nébuleux « C’est la faute de Yoko Ono ». Ainsi, chacun trouvera son bonheur dans cet ouvrage si fouillé, enrichi de nombreux témoignages récents, de photos et de documents pertinents.
Mais, ce qui fait réellement la force de ce livre, c’est donc sa volonté de replacer les Beatles dans leur époque. A la fois comme suiveurs, mais le plus souvent en rupture. Les Beatles, c’est un groupe qui vient de l’Angleterre victorienne et industrielle, une Angleterre qui disparaît, en partie dans les années 60. Un groupe qui surfe et à la fois impulse la culture de masse, celle de la pop-rock, de la société de consommation, de la rébellion contre l’autorité paternaliste. Tout en cultivant une image de parfaits gentlemen, de gendres idéaux, tout du moins au début, en opposition avec les Rolling Stones notamment.
Et l’auteur de nous laisser avec une question sans réponse à la fin de la lecture de ce livre. Les Beatles sont-ils des avant-gardistes ou des moutons?
Leur consommation de drogue, à l’initiative de Bob Dylan, s’inscrit-elle dans le mouvement Peace and Love et le mouvement contestataire? En sont-ils des précurseurs, des modèles? De même pour le mouvement Peace and Love dont John Lennon deviendra l’étendard même, et surtout, après sa mort? Un titre comme Helter Skelter est-il une innovation ou une pâle copie, un hommage ou une manière de mettre la lumière sur le mouvement punk, dont le groupe emblématique, les Sex Pistols, rejette tout lien avec les Beatles? Ou un moyen de montrer que le groupe est capable de tout jouer et de tout créer?
L’éventail de ces sous-questions serait trop long à détailler. Une seule chose est certaine: ce livre se dévore et il nourrit véritablement. Il a cette force de vous plonger dans un morceau d’histoire et de société, de vous faire ressentir des atmosphères, des joies et des tensions.