En 1936, un journaliste allemand, Andreas Kuppler, est envoyé couvrir les jeux olympiques d’hiver organisés par le IIIe Reich à Garmisch-Partenkirchen.  Dès 1934, suivant les injonctions de son patron de presse, il avait pris sa carte au NSDAP afin de pouvoir suivre les compétitions sportives, tout en étant conscient qu’ « il s’agissait d’une vaste opération de communication, une vitrine pour le régime » (p.10). Lors des JO, il découvre la compagnie de journalistes américains, le jazz, les cocktails et … Susanna Rosenberg.

Voilà le point de départ de la bande dessinée écrite à plusieurs mains parue chez Delcourt / Mirages en cette fin d’année 2020 : la désobéissance d’Andreas Kuppler. Eric Corbeyran adapte le roman du même nom de Michel Goujon, Manuel Garcia dessine et Degreff y apporte sa touche de couleurs. La Cliothèque avait déjà recensé d’excellentes bandes dessinées de Corbeyran comme celles abordant le monde viticole ou la première guerre mondiale.

 

Une BD sur la résistance allemande

La résistance allemande est surtout connue en France par l’opération Walkyrie ou par les actions des étudiants de la Rose Blanche car l’action de Sophie et Hans Scholl est présentée dans divers ouvrages de littérature (jeunesse surtout). La désobéissance d’Andreas Kuppler aborde la résistance allemande en se démarquant d’une lecture française de la résistance. Andreas n’est pas un espion, n’est pas un saboteur, n’est pas un résistant actif, n’est pas un héros. C’est un homme qui lutte « contre une effroyable maladie : le nazisme.  Des bactéries très agressives avaient attaqué son cerveau. Elles s’y étaient enkystées, altérant ses capacités de jugement et sa volonté. Contre toute attente, il avait résisté » (page 39).

désobéissance goujon résistance
Page 38

A l’instar des personnages de l’ultime roman de Hans Fallada, Seul dans Berlin (1947), Andreas tente de s’extirper de l’endoctrinement national-socialiste et de sa machine à broyer. On suit ainsi le cheminement intérieur d’Andreas : que signifie désobéir à l’état quand on vit en Allemagne nazie ? prendre sa carte du parti est-ce adhérer aux valeurs du parti ? apprécier les morceaux de Félix Mendelssohn est-ce du courage ? doit-on s’exécuter à faire le salut hitlérien ? L’ouvrage permet ainsi d’aborder une résistance qui n’est pas « en action » mais une résistance intime,  au « ras du sol » ou plutôt « au ras des émotions » du personnage.

La désobéissance d’Andreas Kuppler – Un roman graphique

L’adaptation du roman de Michel Goujon par Corbeyran, Garcia, Degreff s’apparente à un roman graphique. Divisée en trois parties, cette bande dessinée possède des vignettes de taille variable en fonction de l’intensité de la narration.

Les vignettes s’effacent, laissant place à des pages entières pour mieux représenter l’espace. Ainsi, page 26, un immense autodafé, page 30, c’est Berlin noyée sous les drapeaux nazis, page 39 une vue sur les Alpes pour évoquer les jeux d’hiver à Garmisch-Partenkinchen.

autodafé désobéissance goujon
Page 25

Une BD pour lycéens et adultes

Plusieurs thèmes sont abordés dans cette BD : la brutalisation liée à la première guerre mondiale, le culte du chef, l’endoctrinement, la terreur, la place de femme dans la société nationale-socialiste… La BD ne se focalise pas uniquement sur le personnage central, d’autres personnages secondaires suivent un itinéraire intérieur très intéressant. Tous ces éléments réunis font de cet ouvrage une bande dessinée réussie, qui conviendra non seulement à des lycéens (tronc commun en terminale) mais également à tous les Clionautes.