Ce remarquable travail, réalisé par Loïc CAZAUX, agrégé d’Histoire et docteur en Histoire médiévale spécialisé dans l’histoire de la guerre et de la monarchie à la fin du Moyen Âge, procède d’une thèse de doctorat entreprise sous la direction de Claude GAUVARD : « Guerre et pouvoir. Les capitaines face à la justice dans le royaume de France au XVe siècle ».

Dans cet ouvrage, l’historien prend le temps d’analyser la fonction et l’office de capitaine dans le royaume de France au XVe siècle. En effet, « leur rôle de premier plan dans la guerre et les événements politiques du royaume offrent une clé de lecture intéressante des évolutions de la France à la veille de l’époque moderne ». Dans le cadre du renouveau touchant l’histoire de la guerre en Europe et en France au Moyen Âgeon pense notamment à Autour d’Azincourt – Une société face à la guerre (v. 1370-v. 1420) (2017) d’Alain MARCHANDISE et Bertrand SCHNERB ou à Bouvines (2018) de Dominique BARTHELEMY, l’ouvrage  propose de « renverser la perspective » en partant de l’individu pour nous amener à comprendre le rapport qu’il développe entre les hommes et la guerre. Ainsi, en partant du combattant spécialiste de la guerre, du chef de guerre et de l’officier du roi, on interroge les mécanismes d’intégration sociale et politique relevant de la guerre dans la France médiévale.

Dans une première partie, Loïc CAZAUX s’emploie à définir les cadres normatifs et judiciaires de l’office de capitaine au prisme de sources législatives, politiques, narratives et surtout judiciaires (et notamment les registres du Parlement de Paris et des juridictions inférieures). Dans une deuxième partie, l’historien médiéviste interroge l’exercice de la fonction de capitaine à l’échelle locale pour faire apparaître les rapports avec les communautés urbaines et les communautés villageoises, qui balancent entre méfiance (en raison du pouvoir conféré à l’officier militaire et à la violence armée qu’il représente) et espérance (envers un représentant de l’autorité royale vers laquelle ils peuvent se tourner pour jouer un rôle d’intermédiaire auprès du roi). Dans la troisième et dernière partie, Loïc CAZAUX met en évidence la manière par laquelle la monarchie tente de contrôler les capitaines : en utilisant l’action judiciaire du Parlement de Paris pour faire plier certains officiers militaires d’une part ; en octroyant à d’autres le pardon royal dans le but de se les rallier et de les fidéliser à la couronne. L’auteur prend enfin le temps de développer le procès (entre 1461 et 1463) d’un des plus notables capitaines de Charles VII, devenu ennemi personnel de son successeur Louis XI, pour insister sur l’importance de la faveur royale dans le poids politique du capitaine à la fin du XVe siècle.

Cet ouvrage, qui vient compléter l’œuvre magistrale de Philippe CONTAMINE (et notamment son Guerre, Etat et société à la fin du Moyen Âge : études sur les armées des rois de France. 1337-1494, Paris, 1972). L’étude du procès d’Antoine de CHABANNES pourrait être vulgarisée afin de l’intégrer au thème 2 du programme d’Histoire de 5eme (Société, Eglise et pouvoir politique dans l’Occident féodal : XIe-XVe siècle) et répondre à la problématique suivante : Comment les Capétiens reconstruisent une autorité politique qui entame la construction de l’Etat français ?