En 2009, le nettoyage du portail de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers a révélé un important volume de polychromies médiévales et modernes. Pendant 10 ans, des campagnes d’études et une restauration lancées par la DRAC des Pays-de-la-Loire ont permis de rassembler de nombreuses données sur cet ensemble architectural. C’est afin de partager ces découvertes dans une perspective pluridisciplinaire qu’est organisé les 17, 18 et 19 novembre 2021 un colloque international autour de ce portail polychromé.

Cet ouvrage reprend les actes de ce colloque enrichis par sept articles. Il a été rédigé sous la direction de Bénédicte Fillion-BraguetDocteure en histoire de l’art qui a consacré ses recherches à l’étude des arts monumentaux aux XIIe et XIIIe siècles dans l’ouest de la France et plus particulièrement dans le domaine Plantagenêt, de Nathalie Le LuelMaîtresse de conférence en histoire de l’art médiéval à l’UCO d’Angers dont les recherches portent sur le rôle de l’image à l’époque médiévale et de Clémentine MathurinConservatrice du patrimoine, elle a eu en charge de 2013 à 2022 les projets conduits sur les monuments historiques du Maine-et-Loire, en particulier le portail de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers.

Après une préface de Marc Le BourhisDirecteur régional des affaires culturelles des Pays de la Loire  et une introduction des trois directrices de cet ouvrage, ce livre s’ouvre sur un cahier de photographies d’une cinquantaine de pages intitulé « Au cœur du portail ». Les articles du colloque s’organisent ensuite en trois parties reprenant le titre de l’ouvrage : la pierre, la couleur et la restauration.

Un portail du milieu du XIIe siècle

Le premier article replace la construction du portail dans son contexte architectural religieux local. En effet, au moment de sa construction datée des années 1150, sous l’impulsion de l’évêque Ulger, les monuments religieux du diocèse ont connu de nombreux travaux de reconstruction : la modernisation de la nef et la construction du portail s’inscrivent donc dans ce renouvellement du paysage monumental angevin. Les publications suivantes étudient les facteurs matériels (la pierre mais aussi le bois et le fer pour les vantaux) ainsi que la mise en œuvre de ce portail. Elles s’interrogent entre autre sur la composition originelle de ce portail (avec la présence d’un trumeau) et sur les modifications et restaurations qu’il a connu, notamment au XVIIe et au XIXe siècle.

Certains articles s’intéressent aux caractéristiques stylistiques de cette œuvre du premier art gothique. Ils mettent en avant les spécificités de ses sculptures mais aussi, grâce à une mise en perspective à l’échelle de l’Occident médiéval, ses influences venant notamment des cathédrales de Chartres et du Mans.

Enfin, certaines publications étudient le message iconographique des sculptures de ce portail. Ce dernier met en avant les saint patrons de la cathédrale à savoir saint René, saint Maurille et saint Maurice. Mais, surtout le programme iconographique de cet ensemble traduit une vision eschatologique avec dans la partie supérieure une vision apocalyptique : le Christ en majesté du tympan entouré des vieillards et des anges de l’Apocalypse dans les voussures. Dans sa partie basse, le portail présente une image de l’Eglise terrestre avec les figures de l’Ancien Testament, les apôtres et les saints locaux.

Un portail et ses polychromies

Cette deuxième partie commence par un article sur la polychromie des portails gothiques en France. Dans cette publication, il est noté que les portails à cette époque ne doivent relever seulement de la sculpture mais aussi de la peinture (l’auteur parle même de « peintures tridimensionnelles »). On y apprend aussi que la peinture des portails n’est pas pour accentuer le réalisme des sculptures mais bien pour impressionner les fidèles qui entrent dans l’église en leur offrant une image visible de la splendeur et de la gloire du Christ.

D’autres articles font le point sur le choix des matériaux et des couleurs ainsi que sur les formations et les influences des peintres du portail de la cathédrale Saint-Maurice. Pour ce faire, ce portail polychromé est mis en perspective d’autres portails en France (comme la cathédrale du Mans) et en Europe (cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle).

Enfin, une publication s’interroge sur la manière dont ces décors peints médiévaux comme modernes ont traversé le temps pour nous parvenir aujourd’hui. Cet état exceptionnel de conservation s’explique d’abord par la présence d’une galerie sur toute la largeur de la façade de la cathédrale jusqu’en 1807. Puis, ensuite, ces peintures sont recouvertes par un épais badigeon ton pierre qui les protégera pendant 150 ans

Un portail restauré et protégé

Les premiers articles de la 3ème partie s’intéressent aux enjeux de la restauration de cette œuvre exceptionnelle. Tout d’abord, conformément à l’article 11 de la charte de Venise (« les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectées »), ces restaurations concernent aussi bien les œuvres médiévales que leurs restaurations au XVIIe et au XIXe siècle. Sont ainsi présentées les techniques pour lutter contre les altérations de la pierre contaminée par des sels solubles mais aussi l’usage du laser pour nettoyer le portail.

La deuxième moitié de cette 3ème partie concerne la protection du portail polychromé. Rapidement est envisagé la construction d’une structure pérenne devant ce dernier sur le modèle de la galerie construite au XIIIe siècle et présente jusqu’en 1807. Un article s’intéresse justement aux aspects et aux usages de cette ancienne galerie de la cathédrale d’Angers tout en la comparant à d’autres exemples français et européens de « galeries-porches » construites aux XIIe et XIIIe siècles. Les dernières publications de cet ouvrage font le point sur les enjeux et le choix de l’édification d’une galerie contemporaine : elle sera finalement construite par l’agence franco-japonaise Kengo Kuma and associates et sa construction est prévue pour 2025.

L’ouvrage se termine par une conclusion de Pierre-Yves Le Pogam, une bibliographie ainsi qu’un autre cahier d’une soixantaine de pages avec entre autres des photographies d’autres portails de référence évoqués dans les articles.

Mon avis

Bien plus qu’une simple collecte des actes d’un colloque, ce livre constitue un magnifique ouvrage mettant pleinement en valeur la qualité exceptionnelle de cet ensemble polychromé grâce à de nombreux articles de qualité mais aussi à de très nombreuses illustrations (photographies, plans, relevés…) de très grande qualité. Même si certains articles sont parfois compliqués par leurs aspects techniques, l’ensemble reste malgré tout accessible à un grand public. La mise en perspective et en contexte de ce portail du premier âge gothique nous renseigne notamment sur la question de la circulation des idées et des styles dans le royaume de France au Moyen-Âge.

D’un point de vue pédagogique, le contenu de ce livre pourra être utilisé en 5ème pour présenter aux élèves l’apparence d’une église gothique et, notamment, casser l’image de monuments religieux uniquement couleur pierre. Mais, surtout, l’exemple du portail polychromé de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers pourra être traité avec les élèves de Terminale spécialité HGGSP dans le cadre du thème sur le patrimoine. En effet, la question de la restauration et de la protection de ce portail permet de questionner les enjeux, les moyens et les objectifs de la préservation du patrimoine en France depuis le XIXème siècle.