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Il est l’une des chevilles ouvrière de ce numéro important sur les châteaux cathares qui permet de clarifier la situation historique de ces « citadelles du vertige » situées sur des pitons escarpés pour beaucoup d’entre eux et portant témoignage de la résistance des pays d’Oc face à l’agression des croisés venus du Nord à partir de 1209.
Ces châteaux cathares et le catharisme comme hérésie médiévale ont fait couler beaucoup d’encre et ont suscité dans les années 70 un engouement certain qui était lié à une forme de contestation du pouvoir central parisien dans la continuité des mouvements soixante huitards. Les actuels quinquagénaires qui découvraient le militantisme dans ces années soixante dix se souviennent peut être de ces mouvements comme Lutte occitane ainsi que des conférences à l’Université Paul Valéry du professeur Robert Lafont et de son opposition à Yves Rouquette qui fut en son temps professeur au lycée Henri IV de Béziers et animateur de l’Institut d’Études occitanes.
Cette mise en situation issue de mes souvenirs de jeunesse permet de rappeler que cet intérêt pour les châteaux cathares dont les vestiges actuels sont de plus en plus visités n’est pas anodin. Dans le roman national lié à la constitution de l’État français, cette croisade du Nord contre le Sud a longtemps été considérée comme un sujet « tabou ». La lutte contre l’hérésie s’est accommodée de bien des massacres à commencer par le sac de Béziers en 1209.
Dès la préface Gauthier Langlois précise que « les citadelles aménagées par le public sont le résultat de la lutte contre le Catharisme et de la Croisade, bâties par le pouvoir capétien, les archevêques de Narbonne et les seigneurs privés et qu’elles n’ont aucun lien avec la religion des cathares. Il n’empêche que certaines d’entre elles ont accueilli des cathares fuyant les persécutions organisées par l’inquisition qui faisait appel au bras séculier pour extirper cette hérésie.
Si les « châteaux Cathares » ou plus précisément les constructions fortifiées liées à la croisade, sont situés pour beaucoup dans le département de l’Aude, ils sont également présents dans tout l’espace qui va du Rhône à la Garonne, dans cette zone contestée entre le Comté de Toulouse et la Couronne d’Aragon. Entre ces deux puissances régionales une « guerre de cente ans a lieu au XIIe siècle et c’est le pouvoir Capétien, le troisième larron pourrait-ont dire qui fera de cet espace, et grâce à la croisade et à vingt ans de guerre une possession royale pour la couronne de France. Face à la couronne d’Aragon, ces forteresses visent à contrôler la frontière au nord des Pyrénées et elles joueront ce rôle jusqu’au XVIIe siècle.
Parmi les articles importants de ce numéro d’archéothéma, certes très accessible à un large public mais sans concession aucune à la simplification, je citerai la contribution de Gauthier Langlois sur la seigneurie castrale dans le midi au temps du catharisme. Les cathares sont loin d’être majoritaires dans la population mais ils suscitent l’intérêt d’une partie de la petite noblesse et de la bourgeoisie, dans la mesure où ils ne cherchent pas à dicter une conduite par la peur ou par la pression mais par l’exemple. Les bons hommes, le nom que se donnent entre eux les parfaits cathares sont bien différents dans leurs modes de vie et leurs comportements d’un clergé catholique inséré dans le monde féodal et largement doté de bénéfices ecclésiastiques.
Dans le même temps, cette Église catholique cherche à secouer le joug de la féodalité locale en prenant des distances, en imposant parfois des Paix de Dieu contre les guerres féodales que que se livrent les turbulents seigneurs languedociens et dans le même temps cherchent à développer des villages autours de leurs établissements qui ne soient pas pressurés par les Seigneurs locaux.
Aux côtés de Gautier Langlois, on trouve les contributions de Charles Peytavie, spécialiste de la croisade albigeoise qui développe les différents aspects politiques et militaires de ce conflit de 20 ans.
Comme toutes les guerres et à toutes les époques, la croisade a été un terrain d’expérimentation des techniques de combat, notamment pour ce qui concerne la guerre de siège avant l’utilisation de l’artillerie et de la poudre à canon.
Les sources écrites sur la croisade sont en effet nombreuses, près de 175 textes rédigés entre 1209 et 1328. Cette opération militaire a eu un grand retentissement dans la chrétienté et trois textes au moins sont particulièrement détaillés avec le récit de 88 récits de sièges. les batailles rangés ont été par contre plutôt rares.
La guerre a pour enjeu le contrôle des villes et leur résistance est liée essentiellement à l’eau, plus peut-être que la solidité des remparts.
Pendant la première période de la croisade, sous l’impulsion de Simon de Montfort, tué devant Toulouse en 1218, les villes fortifiées résistent, à l’exception notable de Béziers même si elles finissent par capituler après plusieurs mois de siège comme Toulouse (10 mois), Beaucaire (13 semaines).
C’est d’ailleurs une des conséquences de la Croisade que le démantèlement d’une trentaine de villes et de bourgs du Midi, considérées comme des menaces face à la main mise du pouvoir royal sur des terres convoitées par la Couronne d’Aragon mais aussi la monarchie anglaise à partir du sud ouest.
La croisade a permis de façonner l’armature urbaine du Languedoc avec le développement de la fontière directe entre le domaine royal capétien et le Royaume d’Aragon, face à face, Saint Louis et Jacques 1er, sont amenés à fortifier leur frontières, d’où le développement de ces châteaux, destinés à la surveillance des territoires en partie sous contrôle de vassaux soumis, comme le Comte de Toulouse.
Dominique Baudreu enfin évoque les conséquences urbaines de cette croisade avec la création des villages neufs, d’où les Villeneuve les Béziers, les Maguelonne et les bastides à plan en damiers du Sud Ouest. Dans tous les cas, le lien avec le château se distend pour être remplacé, par la place centrale, le marché, avec parfois l’hôtel de ville, véritable siège du pouvoir économique et aussi politique.
C’est donc un numéro très complet qui nous est proposé et il serait le guide indispensable pour tout professeur d’histoire en vacances dans le Languedoc qui serait curieux de découvrir ces espaces chargés de symboles.
Au delà du professeur d’histoire, et de géographie tant les deux matières sont ici encore plus imbriquées qu’ailleurs du point de vue du contrôle de l’espace pendant cette croisade, tout visiteur curieux a intérêt à utiliser les remarquables plans et illustrations fournis. Et, même s’il ne reste sur certains sites que quelques murs arasés, des vestiges de courtines il suffit de laisser porter son regard à partir de ces lieux pour se rendre compte que ce territoire d’Oc était difficile à soumettre, de par l’enchevêtrement de ses villes et bourgs, de ses châteaux et forteresses. La prise de contrôle de cet espace était sans aucun doute le prix à payer pour la constitution de la monarchie française et de son pouvoir centralisé. Cela s’est fait, comme à d’autres époques « par le fer et par le sang ».
Bruno Modica
- Sommaire
Les châteaux en pays cathare
Ce numéro est disponible en kiosque ou sur commande sur le site de l’éditeur. N’hésitez pas à le demander auprès de votre buraliste ou libraire si vous ne le trouvez pas en présentation dans les rayons. Vous pouvez également le commander directement auprès de l’éditeur Archéothéma sans frais supplémentaires.
L’éditorial et la présentation du magazine est à lire sur le site : http://www.archeothema.com/numero/les-chateaux-en-pays-cathare.htm
Au sommaire de ce dossier, une série d’articles proposant de renouveler le regard porté sur les châteaux du Pays cathare à travers les recherches historiques et archéologiques les plus récentes:
- Gauthier Langlois. L’affirmation de la seigneurie castrale dans le Midi au temps du catharisme.
- Marie-Elise Gardel. Le site rupestre du Baux de Moussoulens.
- Charles Peytavie. La société du Paratge.
- Charles Peytavie. Cathares ou Albigeois. Vie et mort des Eglises dissidentes du Midi de la France.
- Guilhem Baro et Hannes Ceulemans. Termes, de la résidence seigneuriale à la forteresse royale (Xe-XIVe siècle). (Dans cet article les dynamiques agents du patrimoine du château de Termes font le point sur les découvertes archéologiques récentes.)
- Gauthier Langlois. Le Pays cathares. Les mines et les castra. (Y sont notamment évoquées les mines de Palairac et d’Auriac).
- Thomas Charpentier. Fenouillet. Un centre de pouvoir vicomtal antérieur au XIIIe siècle.
- Charles Peytavie. La guerre de siège au cours de la Croisade albigeoise. (Cet article est notamment illustré par des images pleine page de la Chanson de la croisade albigeoise, dessinées vers 1275.)
- Gauthier Langlois. Termes, un siège exemplaire.
- Gauthier Langlois. “La rébellion contre le roi” Le siège de la Cité de Carcassonne (1240).
- Charles Peytavie. Retrouver Montségur. L’invention archéologique d’un haut lieu. (A noter que vous pourrez découvrir pour la première fois les images du château de Montségur en 3D, tel qu’il était au XVIIe siècle, dues à Tristant Bergerot (http://www.espritcathare.org/) et à l’équipe du Musée de Montségur: Fabrice Chambon et Richard Pigelet.)
- Charles Peytavie. Les forteresses du Lys et de la foi. Le grand oeuvre de saint Louis.
- Dominique Baudreu. Les villages neufs de l’après Croisade albigeoise.
- Gauthier Langlois. Qui sont les véritables constructeurs des forteresses royales ?
- Elevation de l’aile ouest du château comtal par François Guyonnet
- Gauthier Langlois. Du vicomte au sénéchal. Le château de Carcassonne avant et après la Croisade albigeoise. (Cet article est illustré notamment par des plans, élévations et reconstitutions de grande qualité réalisées par François Guyonnet, archéologue qui avait été chargé d’une étude du château comtal avec Dominique Baudreu).
- Léna Hessing. Les archevêques de Narbonne, bâtisseurs et mécènes d’avant-garde. (Y sont évoqués les châteaux de Villerouge-Termenès, Montels, Quillan, Gruissan, Auriac et le palais des archêveques de Narbonne).
Ce dossier contient au surplus un article d’actualité sur des découvertes réalisées sur un chantier de Castelnaudary, en particulier des sépultures d’animaux du début de l’âge du Bronze: Aurélien Alcantara, Castelnaudary du Néolithique à l’Antiquité.
A noter également les photographies de Patrick Courault, des reconstitutions de Claude Pelet et Lionel Duigou qui illustrent divers articles de ce dossier.