Le laboratoire ESO définit la géographie comme « la discipline spécialisée dans l’analyse de la dimension spatiale des sociétés, s’intéressant à toutes les échelles, du micro au macro -, la dite dimension n’étant pas réduite à la matérialité. » Par conséquent, l’étude des parcours sociaux qui a occupé le colloque de 2010 intitulé « Les parcours sociaux entre nouvelles contraintes et affirmation du sujet », dont il est rendu compte ici, est bien un sujet qui intéresse les géographes.
Au cours des années 2000, la place de l’individu s’est affirmée en géographie sociale. « Le sens des espaces et des lieux est d’abord celui qui lui donnent les individus, hommes et femmes, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, malades ou bien portants, lorsqu’ils en parlent, s’y déploient et y vivent avec d’autres. » Le parcours social est donc central dans cette approche. Il faut entendre par là une succession de fragments de trajectoires, « celles-ci ayant été tronquées, interrompues ou déviées par les évènements vécus, par les choix opérés et par les contraintes subies. » Il ne se limite pas à une carrière de type professionnel. « Les parcours sociaux sont faits à la fois d’ancrages dans les territoires et de mobilités entre territoires. »
C’est autour de trois axes que s’organisent les textes présentés : la temporalité (parcours social vu à travers le prisme de l’âge), le territoire (en fonction des milieux spécifiques, dont le périurbain), la profession. A la fin de l’ouvrage, les résumés des communications permettent de retenir l’essentiel des propos développés.
Deux textes sont détachés de l’ensemble : celui de Christian Lalive d’Epinay qui estime que les parcours sociaux doivent être étudiés dans une perspective historique afin de comprendre quel impact la globalisation a sur nos existences et celui de Claudine Attias – Donfut qui réfléchit sur la maturescence (mot calqué sur celui d’adolescence). « La « maturescence », la plus longue et la plus significative période de l’existence, se prolonge dans les premières années de la retraite, lieu de création d’un imaginaire de liberté et d’autonomie. »
La première partie, consacré à l’échelle temporelle, est organisée autour de la question de l’autonomie. Conquête de celle-ci dans le cas des enfants, préservation de celle-ci dans le cas des personnes âgées. Les cas retenus sont très divers et rendent de situations très différentes : entre les enfants burkinabés et les élèves de classes préparatoires. L’analyse de l’impact de la parentalité sur les carrières féminines montre à quel point la maternité pèse sur les évolutions professionnelles. Etat qui n’est pas égal par ailleurs pour les hommes !
La deuxième partie de l’ouvrage rassemble des contributions qui prennent en compte la dimension spatiale du parcours social. Frédéric Leray examine les choix faits par des mères seules en Bretagne au moment de la décohabitation avec le père de leurs enfants. Le pourcentage de propriétaires parmi ces femmes fond à la suite de la séparation. Le choix du nouveau domicile est guidé par des contraintes matérielles, financières, familiales (proximité avec les parents recherchée pour alléger les frais de garde des enfants) voire affectives (logique d’évitement de l’espace fréquenté par l’ex conjoint dans le cas d’une séparation réalisée dans des conditions difficiles). Rodolphe Dodier examine les stratégies résidentielles des couples périurbains, fruit d’un compromis entre désir de propriété dans un environnement verdoyant et contraintes financières. Myriam Baron montre que les étudiants réalisent, eux aussi, des arbitrages à l’heure du choix des lieux d’étude. Cet état de fait est valable y compris pour les élites napolitaines qui ont privilégié l’émigration, sans toutefois « couper les ponts » avec le territoire d’origine.
Enfin, à l’échelle de la carrière professionnelle, cette fois-ci, sont examinés dans la dernière partie de l’ouvrage le cas des footballeurs béninois immigrés en France, des ouvriers d’une entreprise picarde délocalisée dans le Sénonais ainsi que les trajectoires de femmes d’origine maghrébine habitant à Strasbourg et bien investies dans le réseau associatif.
Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes