Cette bande dessinée raconte la construction d’un immeuble en Inde aujourd’hui. Dit ainsi, le thème pourrait sembler aride mais, en réalité, à travers cette construction, l’auteur raconte la vie dans une mégalopole indienne d’aujourd’hui et les rapports de force qui existent.

Rafik quitte sa campagne pour la ville

Après avoir essayé d’autres métiers, Rafik rejoint son beau-frère Mehboob pour lui demander un travail. Il retrouve en même temps sa soeur Salma. Rafik se fait engager comme manoeuvre pour édifier un nouveau bâtiment. Comme ils vont passer un certain temps sur le chantier, les trois protagonistes ont le droit de se construire un petit abri, en dur, sur le chantier.

Au jour le jour

La vie quotidienne s’organise peu à peu entre eux. Salma ne rêve que d’une chose : une télévision et cela est l’objet de tensions avec son mari. En effet, on comprend que le couple est endetté et continue de rembourser des sommes importantes. Ainsi, par petites touches, Lamouret fait comprendre la société indienne d’aujourd’hui et ses problèmes. Quelques semaines plus tard, Salma est enceinte mais on comprend ensuite que la première grossesse est un échec. Elle réussit néanmoins de nouveau à porter un enfant. Un peu plus tard, Salma et Rafik accueillent leur plus jeune frère, Subaan, qui vient d’être père. Son arrivée est l’occasion d’une soirée, pas forcément aussi arrosée que prévue.

Galerie de portraits

Au-delà des protagonistes déjà présentés, la bande dessinée propose une galerie de personnages en lien avec la construction. Il y a Trinna, le maçon en chef. On comprend vite qu’il surveille les chantiers de loin et qu’il multiplie les engagements pour arrondir ses fins de mois. Il promet aussi beaucoup à ses employés sans vraiment pouvoir tenir ses promesses. On croise également Ali, un jeune homme qui a mis entre parenthèses ses études pour espérer gagner un peu d’argent. Il a le titre ronflant d’ingénieur mais il en est loin. On croise aussi  le fils du patron du chantier ou encore un investisseur. Il y a aussi Ganesh, chargé des aménagements et qui lui aussi s’arrange avec les contraintes.

Petits et grands arrangements

Régulièrement, une double page montre l’avancée du chantier. Ainsi, on voit débarquer à un moment une équipe chargée des coffrages et de la dalle. Les ouvriers sont souvent obligés de réclamer pour toucher leur salaire. Plus tard, Ganesh éprouve des difficultés à se procurer le marbre nécessaire. A plusieurs reprises dans le livre, on découvre les arrangements qui se mettent en place. Le chantier est forcément bruyant et il faut donc graisser la patte des policiers pour qu’ils regardent ailleurs. Il y a aussi ce qui ressemble à des malfaçons dans la construction mais on tente de s’arranger pour ne pas retarder le chantier. 

Un chantier comme un petit monde

La bande dessinée permet à chaque personnage d’exister et d’évoluer. Ali en a assez de ce métier et rentre au village tout comme Salma pour accoucher. Tout le monde sur le chantier fait pour que ça avance jusqu’à la livraison finale. A cette occasion, tous les employés sont d’ailleurs invités à une réception. Ganesh notamment est là mais il mesure à cette occasion la barrière que peut représenter la langue s’il veut s’entretenir avec les décideurs. Quelques pages plus loin, on retrouve Rafik, au volant cette fois d’un taxi, ce dont il avait toujours rêvé.

Simon Lamouret a précédemment publié un roman graphique sur sa ville d’adoption « Bangalore » et en 2024 « L’homme-miroir ». Dans l’Alcazar, son approche quasi documentaire fonctionne parfaitement et on suit avec beaucoup de plaisir les destins entrecroisés de ces personnages. Par le prisme d’un chantier, l’auteur livre un portrait de l’Inde contemporaine.