Ce nouveau numéro d’Archéologia s’ouvre, comme de coutume, sur les « actualités » archéologiques du mois, avec, entre autres, un bilan des fouilles réalisées à Notre-Dame (mises au jour d’un sarcophage anthropomorphe en plomb et de fragments sculptés polychromes de l’ancien jubé), un article relatif au site de la Sima de los Huesos en Espagne, site préhistorique accueillant de possibles victimes de violences intergroupes et, au titre de l’ « objet du mois », les curieuses « cocottes »du Mont-Chyprès . Ces dernières présentent deux orifices qui permettent d’émettre des sons. L’étude détaillée de ces petits objets pose la question de l’implication d’enfants dans leur processus de réalisation.
Éléonore Fournié ( « L’épopée des pharaons de Napata ») a ensuite recueilli les propos de Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités égyptiennes, dans le cadre d’une exposition au Musée du Louvre (du 28 avril au 25 juillet) consacrée à la 25e dynastie dite « Kouchite ». L’exposition se concentre sur les VIIIe et VIIe siècles avant notre ère. Le roi kouchite Piânkhy a lancé ses armées à la conquête du Nil vers 720 av. J.-C et c’est en 712 avant notre ère que débute la 25e dynastie. Le souverain Taharqa (690-663) est le plus célèbre souverain de cette dynastie (voir le magnifique artefact qui le représente accompagné du faucon Hémen, page 24). Sur le plan artistique, Vincent Rondot indique que la 25e dynastie est « marquée par (l’) idée d’être plus « pharaon que les pharaons » et qu’elle « a toujours eu la préoccupation de retourner aux modèles les plus anciens, les plus vénérables, les plus efficaces d’un point de vue magico-religieux. Cela définit ce que l’on appelle en histoire de l’art « l’archaïsme », de même que le XIXe siècle a inventé le néo-gothique, les Kouchites ont inventé le Néo-Ancien et Moyen Empire ». La 25e dynastie prend fin en 663 avant notre ère.
Le dossier central de ce numéro est consacré aux enceintes urbaines des Gaules et il est le fait de Vivien Barrière, maître de conférences en histoire et archéologie à Cergy Paris Université. L’auteur offre d’abord un vaste panorama des fortifications de l’époque laténienne (« D’une enceinte à l’autre : les remparts du second âge du Fer ») avec deux grandes familles de remparts : le murus gallicus et le rempart type « Fécamp ». La situation de la Gaule du Sud diffère sensiblement avec une antériorité des fortifications et l’absence de murus gallicus. Enfin l’auteur s’intéresse à la transition du rempart gaulois vers le rempart gallo-romain avec notamment l’exemple nîmois.
Aux premiers temps de l’Empire, la première vague de fortification urbaine concerne principalement la Narbonnaise : Arles, Fréjus, Nîmes, Orange, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Valence et Vienne. En Lyonnaise, Lyon et Autun reçoivent un rempart à l’époque augustéenne. Dans le courant du Ier siècle de notre ère, ce sont Cologne, Avenches et Aix-en-Provence. Trèves est la première cité de Gaule Belgique à être remparée. A compter de la fin du IIIe siècle, en lien avec les troubles qui la secoue, la Gaule Belgique voit nombre de ses cités se doter d’un rempart : Thérouanne, Vermand, Famars, Tournai, Bavay, Senlis… L’auteur indique (p.31) que « la floraison d’enceintes qu’a connue en deux temps la période tardive est un mouvement bien plus ample que celle des débuts de l’Empire ».
Vivien Barrière pose ensuite la question de l’utilité du rempart (« Securitas ou dignitas : à quoi sert le rempart ? »). Le rempart est un moyen d’affirmer sa puissance mais il avait aussi une fonction « pratique » de douane ou de police par exemple. Suivent les questions délicates de la datation de ces enceintes urbaines (« Comment dater les enceintes urbaines ? »). Un avant-dernier article s’intéresse à l’ensemble du processus de construction qui a permis l’érection du rempart (« Construire un rempart : les enseignements du chantier de construction »). Enfin, une dernière contribution présente le devenir de ces remparts (« la seconde vie des remparts gallo-romains ») la plupart ayant été démantelés et leurs matériaux réemployés (certains ont pu être intégrés dans le réseau des fortifications médiévale et moderne, à l’exemple d’Autun).
Dans un très bel article, Stéphen Rostain (« Archéologie de la déforestation en Amazonie ») évoque les interactions ayant existé entre l’homme et la forêt en Amazonie bien avant l’arrivée des européens puisque les premières traces d’activité humaine en ce lieu remonte à 13000 ans. L’auteur écrit (p.42) que « nier toute mise en culture notable de l’Amazonie par les premiers habitants justifiait de leur refuser le statut de propriétaires de sols, seulement de locataires. Cette mauvaise foi évidente permettait alors aux nouveaux arrivants de s’en emparer pour les exploiter ».
L’auteur évoque ensuite l’écocide dont est victime la forêt amazonienne.
Un article de Mathilde Dillimann est consacré à la réouverture du Musée de Cluny (« La renaissance du musée du Moyen Age à Paris ») avec un propos centré sur les travaux de réfection, les nouvelles modalités d’exposition, des focus sur quelques artefacts (sublime rose d’or provenant de la cathédrale de Bâle et incontournable tenture de La Dame à la licorne) et des encarts sur les thermes romains et l’hôtel de Jacques d’Amboise.
Enfin, un article intitulé « Le Machu Picchu et les trésors du Pérou » écrit par Carole Fraresso, offre un point sur ce sanctuaire extraordinaire et sur des aspects de la civilisation qui s’est épanouie au Pérou.
Ce numéro d’Archéologia, par la qualité des contributions qui y sont publiées, constitue encore une très belle occasion de compléter des séquences en histoire ou en géographie.
Grégoire Masson