Cet ouvrage réunit les contributions des chercheurs de l’observatoire des Etats post-soviétiques. Le classement est opéré en cinq chapitres selon les zones géographiques. Les Etats Baltes, les Etats du Sud Ouest, la Fédération de Russie, les Etats du Caucase et les Etats d’Asie centrale que l’on appelait chez certains auteurs, l’Asie Moyenne…

Cet ouvrage est composé d’une série de 15 monographies très bien documentées et actualisées, sur les pays qui formaient l’ex-union soviétique. L’ouvrage est dense, chaque pays est présenté avec une carte et un tableau de chiffres récents. La division des chapitres en espaces homogènes favorise la lecture et la compréhension des questions, mais il manque peut-être une présentation régionale des différents enjeux géopolitiques qui sont de fait dispersés dans les différentes monographies.

La situation dans les différents pays issus de l’implosion de l’URSS est particulièrement complexe et change de façon très rapide. Cet ouvrage fait le point sur les dix années écoulées et l’ensemble des auteurs se risque à présenter des évolutions prévisibles, avec beaucoup de précautions toutefois.

Pour l’ensemble des États et régions concernées les auteurs ont choisi une démarche analogue, les différentes présentations abordent successivement les questions identitaires, les évolutions économiques et politiques, les problèmes institutionnels et enfin les choix des Etats en matière de politique étrangère.

L’ouvrage est divisé en cinq grandes parties correspondant aux différents espaces géographiques. Les Etats Baltes, les Etats du Sud Ouest, La fédération de Russie, les Etats du Caucase et d’Asie centrale. Ce classement est sans doute opportun mais peut-être qu’une présentation globale de chaque espace aurait été utile, analogue à l’introduction de l’auteur qui dirige cet ouvrage collectif, l’ex-URSS comme champ de forces. Il y avait place sans doute à une présentation régionale, comme par exemple, « l’Asie centrale, entre pétrole et Islam ».

Les auteurs, au nombre de 28, sont issu du monde la recherche, avec des références dans la plupart des grandes publications spécialisées, ( Courrier des pays de l’Est). Ils sont dirigés par Jean Radvanyi, professeur à l’Inalco, directeur de l’observatoire des Etats post-soviétiques.

Au niveau des sources, les auteurs ont largement utilisé les ouvrages spécialisés parus sur les différents ensembles géographiques, mais il est rarement fait mention de la presse locale ou de travaux sur le terrains, même si l’on ne peut que supposer que cet aspect de la recherche soit implicite pour la plupart des auteurs.

On distinguera parmi les espaces géographiques étudiés, les pays Baltes qui semblent de plus en plus proches de l’Europe occidentale, ce qui n’exclut pas quelques difficultés dans la définition des relations avec la fédération de Russie, les Etats du Sud Ouest, en cours de redéfinition géopolitique, avec le rôle de pont entre l’Europe occidentale et la Russie, les États du Caucase et de l’Asie centrale sous le signe de l’incertitude avec des voisins encombrants comme la Chine, la Turquie ou l’Iran qui entendent bien dans cette zone, tout comme les Etats-Unis jouer un rôle majeur de puissances régionales.

A cet égard, la fédération de Russie, héritière de l’URSS à différents points de vue est sur une position défensive et cherche à maintenir ses positions, à la fois pour des raisons de puissance politique mondiale retrouvée mais également et de plus en plus pour des raisons économiques.

Les pays Baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie connaissent des trajectoires relativement proches. Aux portes de l’Union Européenne, ils ont à gérer une situation économique difficile mais leur petite taille leur permet de bénéficier de plans d’ajustement structurels et d’investissements qui produisent des effets économiques rapidement perçus par des parties significatives de la population. Les auteurs choisissent d’ailleurs un traitement équivalent de leurs monographies respectives.

Pour les États du Sud Ouest, Ukraine, Moldavie et Biélorussie, la situation apparait comme beaucoup plus complexe. La Biélorussie apparait comme atypique dans cet ensemble dans ses relations avec Moscou, des relations de plus en plus étroites, tandis que ces deux voisins, Ukraine et Moldavie cherchent à renforcer leur autonomie de décision, même si une grande partie de la population Ukrainienne se considère comme proche de la Russie. La Moldavie est confrontée pour sa part à un gros problème d’identité nationale eu égard à sa situation particulière proche de la « Grande Roumanie », un projet qui a été tout de même largement mis en sommeil à Bucarest comme à Chisinau.

Les Etats du Caucase, Azerbaïdjan, Géorgie et Arménie, se retrouvent dans des logiques tout à fait différentes. Le long conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui avait commencé avant l’implosion de l’URSS, n’est toujours pas réglé. Les deux pays sont amenés à trouver des protecteurs extérieurs, plus ou moins fiables. La Turquie n’apporte qu’un soutien limité à l’Azerbaïdjan, tandis que la diaspora arménienne semble plus attachée à la défense de sa patrie d’origine. Au niveau économique, comme pour la Géorgie, les trois états de l’ex-Transcaucasie souffrent énormément de la coupure de liens privilégiés avec la Russie… Relativement enclavés, ils sont, à l’exception de l’Azerbaïdjan qui peut espérer tirer profit de la rente pétrolière, dans des situations économiques difficiles.

L’Asie Centrale avec le Turkménistan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Tadjikistan apparaît dans cet ouvrage comme un monde très contrasté, ce qui est sans doute un effet lié à la présentation en monographies. Les particularités nationales de chaque territoire sont évidentes, mais il existe tout de même des problématiques communes. La pression islamiste, la tentation d’utiliser la rente pétrolière ou l’extraction de matières premières comme source unique de revenu, les difficultés frontalières sont des points communs à ces cinq ex-républiques soviétiques qui ont conservé plus ou moins leurs anciens apparatchiks, reconvertis du communisme au nationalisme mais tout aussi autoritaires et parfois corrompus.

Les clans régionaux, les attaches tribales jouent un rôle fondamental que les différents auteurs parviennent à expliquer dans les différents états de l’Asie centrale. En fait, dans chaque cas, la pression américaine, la tentation de pénétration chinoise et la volonté Russe de se maintenir sont appréhendées par les auteurs avec, bien entendu des effets différents. Importants en Ouzbékistan pour la montée de l’influence américaine, quasi inexistante au Turkménistan, avec son président à vie, dans la plus pure tradition du despotisme oriental.

La Fédération de Russie doit à la fois gérer l’immensité et les difficultés climatiques que les géographes connaissent bien, mais aussi les questions nationales, (Tchétchénie), les tentations régionalistes, et les difficultés économiques. La fermeté de Vladimir Poutine, l’utilisation de méthodes de direction qui rappellent l’URSS, un contrôle strict des médias audiovisuels permettent une stabilisation sensible du pays et font apparaître l’ère Eltsine comme une période anarchique.

Pour autant, tous les problèmes ne sont pas résolus et la Russie doit à nouveau s’affirmer comme puissance, à la fois régionale, Européenne et Asiatique, alors qu’elle est confrontées sur ces marches caucasiennes, asiatiques et centre-européennes, à une offensive économique américaine qui se traduit aussi par une influence militaire. La participation de la Russie à l’Otan n’est que la contre partie rassurante d’un isolement de fait de la Russie que les Etats-Unis semblent rechercher et que le pays cherche à contrer par des accords bilatéraux. (Arménie)

C’est donc sur ces différents aspects que « les Etats-post soviétiques » ne peuvent qu’interpeller le lecteur et surtout l’inciter à poursuivre sa réflexion avec un outil de ce type qui correspond parfaitement à son objet.