Robert Calvet, ATER en histoire moderne à l’Université de La Rochelle, propose ici un essai de perspective globale de la civilisation japonaise, des origines à nos jours. Ce manuel de quelques trois cents pages s’adresse à un large public amateur de l’histoire japonaise, mais a aussi pour ambition d’être une référence pour les étudiants et les enseignants plus spécialisés dans l’étude de l’histoire nippone. L’auteur revendique l’héritage et la continuation de l’entreprise d’Edwin O. Reischauer avec son Histoire du Japon et des Japonais publiée en Points Seuil en 1973.
On trouve quelques cartes et plans au combien nécessaires pour un pays dont le lecteur occidental de base ne domine pas le découpage territorial ; on peut regretter que ces cartes restent très sommaires et que les nombreuses références spatiales du texte ne se retrouvent que rarement sur les cartes présentées. L’auteur propose une chronologie rapide ainsi qu’un index bienvenu pour se repérer dans l’ouvrage. Un court glossaire d’une cinquantaine de termes permet d’expliciter des mots quelquefois passés dans le langage courant mais pas toujours bien connus. Une liste des premiers ministres depuis la constitution de l’ère Meiji jusqu’à Koisumi se trouve également à la fin de l’ouvrage. Enfin des références bibliographiques complètent ces outils à la disposition du lecteur ; les ouvrages cités privilégient les ouvrages des années 80 et 90 au détriment des dernières publications. Il est à noter cependant que l’auteur indique plusieurs sites internet (sites officiels et presse nippone).
Dans le corps de l’ouvrage, l’auteur propose plusieurs documents (ou extraits) traduits par lui-même (ce qui prouve une compétence linguistique que ne possèdent pas tous ceux qui écrivent sur le Japon) ; la plupart de ces textes ne sont pas accessibles à des non-spécialistes et l’on ne peut que remercier l’auteur d’avoir fait ce choix. Ces textes sont accompagnés d’un bref commentaire mais l’on reste souvent sur sa faim, une présentation plus complète aurait été appréciable.
Cet ouvrage s’organise en cinq parties chronologiques, de la préhistoire jusqu’au début des années 2000. Ce choix chronologique permet à l’auteur de nous présenter un récit linéaire de l’histoire japonaise.
Dans la première partie, l’auteur peut notamment éclairer l’origine de la population japonaise, et ainsi nuancer l’opinion habituellement répandue (notamment par les Japonais eux-mêmes) sur l’homogénéité de la population de l’archipel. La deuxième partie explique l’organisation du pouvoir et le contrôle de ce dernier par l’aristocratie de cour entre le VIIIe et le XIIe siècle, la place de l’empereur et la mise en place des différentes capitales. La troisième partie met l’accent sur les luttes des différents clans militaires entre le XIIe et le début du XVIIe siècle. C’est notamment à cette époque que se met en place un gouvernement militaire, le bakufu (appelé en général shogun dans la tradition française). La quatrième partie présente l’unification du pays entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, elle se termine par les prémices de l’ère Meiji et permet ainsi d’éclairer cette période. Enfin, la dernière partie est consacrée sans surprise au Japon moderne, de l’ère Meiji à aujourd’hui. Ces soixante et dix pages sont parmi les plus intéressantes de l’ouvrage, peut être parce que c’est une période où l’auteur parvient à présenter une vision plus globale du Japon. C’est de toute façon la partie la plus utile à l’enseignant d’histoire-géographie du secondaire qui peut y trouver quelques clés de compréhension pour l’histoire complexe de l’archipel japonais au XXe siècle, et ainsi mieux comprendre les crises du pays et la capacité des Japonais à les surmonter.
Si l’auteur ne justifie pas le choix du titre dans son introduction, et la disparition du Japon au profit de la population, la lecture de l’ouvrage ne permet pas de comprendre ce choix, c’est au final plus une histoire du Japon que de sa population. L’auteur ne réussit pas totalement dans son objectif de réalisation d’un manuel de référence, cependant il a le mérite de présenter une histoire complète du Japon, même s’il ne permet pas toujours au lecteur de comprendre les grandes dynamiques en présence sur l’archipel. L’abondance des faits cités et des acteurs présentés a quelquefois pour effet d’obscurcir la scène japonaise et de la rendre peu accessible au lecteur. Mais grâce aux références très nombreuses des différentes œuvres de la littérature japonaise, le lecteur ne peut être qu’incité à se plonger lui-même dans ces grands textes et partir à la découverte des Japonais !