Les fermiers, catégorie sociale un peu oubliée, sont étudiés de la Seine à la Champagne, de la Beauce aux Flandres, là où domine le cheval de labour. Son apogée se situe à la fin du XVIIIe siècle.

Jérôme FehrenbachFéru d’histoire, il est l’auteur ou coauteur d’ouvrages sur différents sujets du 17e siècle à 1945, notamment La princesse Palatine : L’égérie de la Fronde (Cerf, 2016) marche sur les traces des historiens « ruralistes », Pierre Goubert, quand il décrit Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730Dans sa thèse de doctorat, École pratique des hautes études, VIe section, soutenue en 1958 et publiée en 1960 (SEVPEN). L’essentiel est repris sous le titre Cent mille provinciaux au XVIIe siècle, Ed. Flammarion,1968., Jean Jacquart et son histoire des campagnes du Hurepoix à l’époque moderneLa Crise rurale en Ile-de-France, 1550-1670, Armand Colin, 1974. ou Jean-Marc MoriceauProfesseur d’histoire moderne à l’université de Caen et président de l’Association d’histoire des sociétés rurales. Il est l’auteur, notamment, de Fermiers de l’Île-de-France, XV-XVIIIe siècle (Fayard, 1994, rééd. 1998), d’un Guide sur la terre et les paysans aux XVIIe et XVIIIe siècles (Presses universitaires de Rennes, 2000) ; de Terres Mouvantes : Les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation, XIIe-XIXe siècle (Fayard, 2002) ; d’une Histoire et géographie de l’élevage français du Moyen Âge à la Révolution (Fayard, 2005) ; et de l‘Histoire du méchant loup : 3000 attaques sur l’homme en France, XVe-XXe siècle (Fayard, 2007).

L’étude de Jérôme Fehrenbach porte sur la période 1680-1830 et dans un espace qui va des confins de la Beauce à la frontière des Pays-Bas : 200 km de long pour 60km de large d’Étampes à Lille. Il étudie une trentaine de familles de fermiers, représentatives de leur terroir.

L’économie fermière

Le premier chapitre est consacré à l’origine des fermes, comment se sont constituées ces exploitations, depuis le XVe siècle. Ce sont des domaines de 30 à 50 ha qui petit à petit s’agrandissent, en Artois et en Brie souvent des propriétés religieuses. Pour exploiter ces grandes surfaces, il faut un capital, souvent au-delà de 20 000 livres et des compétences.

Pour disposer d’une ferme de 100 ha au début du XVIIIe siècle, ce sont quatre ou cinq générations qui ont patiemment accumulé ce capital financier et technique. Le fermier est, à la fois, laboureur et marchand.

Toutefois, après les grandes crises (guerres de religion, Fronde) on voit des bourgeois urbains prendre en fermage une exploitation car ils disposent du capital (par exemples des bouchers).

L’auteur décrit quelques ascensions sociales de ménager à fermier en quelques générations comme la famille PetitÉtudiée par Jean-Marc Moriceau.. Pour certains, c’est au contraire, un déclassement de la noblesse vers la roture comme, en Artois, la famille de Bailliencourt dit Courcol.

L’auteur montre que l’installation sur une ferme peut être locale (succession familiale) mais aussi, selon les opportunités, régionale.

Un paragraphe est consacré aux paysages des pays de grandes cultures : place des bois et forêts, champs ouverts de blé ; ce n’est pourtant pas la monoculture actuelle.

La Mécanique de la ferme : C’est le domaine du cheval de labour et celui des trois soles : blé d’hiver, sole de printemps, jachère comme l’expliquait Quesnay. Le nombre de chevaux dit aussi le nombre de charrues. L’auteur décrit ce cheptel mortCheptel mort = matériel de culture mais aussi, le soin apporté au choix des chevaux et à l’apport d’engrais par les excréments. On voit la dimension des troupeaux d’ovins, très présents, et l’intérêt de la jachère.

L’année culturale débute fin septembre avec le labour de la jachère et les semis de blé d’hiver. Juillet, août sont les mois de la récolte.
Plusieurs exploitations sont présentées : surface, productions, personnel, revenus. La comptabilité d’une ferme est analysée en comparant la théorie fournie par les textes de Quesnay et quelques exemples.

En conclusion :

«L’impression qui se dégage des archives demeure celle d’un métier aux marges instables, particulièrement sensible au moindre accident ou paramètre venant rompre un équilibre » (p. 61)

Les pouvoirs publics pèsent sur l’économie fermière par l’impôt et par la régulation du commerce des grainsLibéralisation commencée sous Louis XV et achevée par Turgot

Cette analyse économique des fermes est complétée grâce aux inventaires après décès.

Outre les céréales, base de l’exploitation, il existe des revenus complémentaires : élevage ovin pour la viande et la laine, élevage bovin (viande et lait), exploitation du bois comme dans le cas de la ferme de Jacques Chenard, sans oublier l’autoconsommation : porcs, volailles, potager et fibres textiles (lin et chanvre).

Le poids de l’impôt, la taille, est lourd dans les charges de l’exploitation, mais en me temps, le tiers des fermiers sont receveurs de la seigneurie, collecteurs de la dîme ce qui les rend moins sensibles aux aléas des récoltes. D’autres sont maîtres de poste, notamment en Picardie.

Équilibre, audace et prudence : Jérôme Fehrenbach analyse le pari que constitue le bail de fermage. Il décrit la signature notariée au domicile du propriétaire, le loyer en numéraire plus qu’en nature au XVIIIe siècle : 5 à 10 livres par arpent. Les baux sont souvent très précis sur les cultures, l’usage des fumiers. La part de fermage en nature semble croître après 1760. L’auteur analyse la prise de risque tant pour le bailleur que pour le fermier, risque qui dépend de la capacité du fermier à mobiliser l’avance de fonds pour les semences et les frais jusqu’à la première récolte. Certains fermiers prêtent de l’argent à leur bailleur. Ils peuvent ainsi se constituer, petit à petit, un patrimoine foncier ce qui les distingue des laboureurs. Le fermier va chercher son notaire de plus en plus loin, jusqu’à Paris, pour plus de compétences.

L’art du fermier : les textes du XVIIIe siècle permettent de se rendre compte des qualités d’un bon fermier : assiduité au travail, conduite habile du personnel, notamment dans le choix du valet de charrue.

Les rendements permettent de percevoir la gestion traditionnelle, mais aussi les capacités d’innovation à une époque où s’ébauche la connaissance agronomique portée par les sociétés d’agricultures (Laon, Arras, Amiens..). Arthur Young est une source utile concernant François Cretté, un fermier autodidacte. Jacques Edouard Dauchy, lui aussi, innove : prairies artificielles, culture de la pomme de terre, introduction du mouton mérinos. Cependant, beaucoup craignent les nouveautés, sources de risque économique. On constate une lente évolution des pratiques avec le recul de la jachère et l’introduction des légumineuses.

Un autre espace d’innovation existe, celui de l’outillage : apparition de la charrue à deux socs, herse à échardonner… C’est aussi l’époque de la recherche sur les amendements et la sélection des semences.

Quelle place pour la fermière ?

Elle règne sur la maison, le potager, la volaille et souvent la laiterie. La cuisine, décrite ici, est le lieu de pouvoir de la fermière. Responsable du bien-être du personnel, elle établit les menus, veille à l’approvisionnement, notamment en pain. Elle sait, au besoin, être « fermier ».

Une paysannerie d’élite

Apparition et perpétuation des dynasties fermières : l’étude de la reconduction des baux fait apparaître le monde des fermiers comme une réalité sociale. En cas de rupture de bail, on assiste parfois à des violences ce qui pousse le pouvoir monarchique à interdire la tacite reconduction des baux en 1714 dans la généralité d’Amiens et la province d’Artois. C’est lors des renouvellements de bail que se manifeste la puissance du fermier. Quand la pression sur le bailleur est trop forte, celui-ci peut recourir à l’adjudication pour rouvrir le jeu de la concurrence.

Un autre élément montre la constitution de véritables clans : les stratégies matrimoniales qui viennent conforter les héritages. Dans de nombreux cas un des époux apportent le numéraire. L’étude des contrats de mariage montre des apports équilibrés, de moins de 3 000 livres avant 1710 à plus de 15 000 livres dans la seconde moitié du siècle et un nombre important de mariages consanguins. Ces contrats deviennent de véritables traités d’alliance.

Trois groupes :

Si les pratiques sont semblables, l’auteur distingue trois niveaux de fortune : l’aristocratie de la grande ferme, les fidèles de la terre et les entrepreneurs mercenaires.

L’aristocratie correspond à de grands lignages sur le siècle, à mi-chemin de la campagne et de la ville. Ils ont conscience d’appartenir à un groupe social bien défini. Pour la région parisienne, l’auteur s’appuie sur les travaux de Jean-Marc Moriceau et prend comme exemple la famille AngoullianA ce sujet voir un article de Marc Venard : Une classe rurale puissante au XVIIe siècle : les laboureurs au Sud de Paris, paru dans les Annales en 1955

En Picardie, les familles sont attirées par l’accession à la noblesse, accolant à leur nom celui de la ferme. Les enfants embrassent alors la carrière judiciaire comme Florent-Louis Adolphe Boulanger, greffier en chef civil et criminel au bailliage de Montdidier puis conseiller au Roi dans l’élection de Montdidier. Cette même aspiration se retrouve en Île-de-France et dans les Flandres.

Trois groupes sociaux :

Les « fidèles de la terre » sont de bons gestionnaires comme Pierre Bailly dont l’auteur dresse le portrait Grands techniciens du labour, ils constituent une élite rurale.

Les « entrepreneurs mercenaires » tirent plus leur force de leur réseau relationnel que de leur savoir faire. Plus mobile dans l’espace, leur succès économique est plus fragile. Ils sont souvent receveurs de seigneurie.

les attributs du pouvoir et servitudes : La puissance du fermier tient d’abord à la taille de son exploitation, beaucoup plus grande que celles alentours. Il est le premier employeur, le premier client des artisans. Il impose son calendrier.
Disposant de numéraire, il est volontiers prêteur, y compris à son bailleur. Il est aussi le bienfaiteur de la paroisse. Il peut même incarner la justice locale, à la place du seigneur en tant que lieutenant de la seigneurie et procureur fiscal. Il est souvent le principal imposé comme Pierre Bailly à Erquinvillers qui acquitte 49 % des impôts. Son poids économique peut lui imposer d’alléger les tensions sociales (abandon de créances, distribution de pain), sous peine de s’attirer la vindicte populaire

« Le puissant dot savoir simuler sa dépendance au soutien de la communauté, car la force du lien d’allégeance se nourrit du constat d’un besoin mutuel de protection » (p. 198)

Les débouchées et le devenir : Jérôme Fehrenbach étudie les successions, un quart des héritiers, même dédommagés, doivent chercher ailleurs un devenir.

Pour les aînés, devenir noble ou gentilhomme propriétaire, par mariage ou achat d’une seigneurie, est l’achèvement d’une lente ascension sociale. On suit ainsi quelques familles avec des fortunes diverses.

Autre carrière déjà évoquée, le monde de la robe est une possibilité. Avocat ou notaire, c’est l’assurance d’une intégration à l’élite urbaine.

Pour les plus modestes, le commerce est un avenir possible dans le drap ou l’épicerie. Les commerces alimentaires (boucher ou boulanger) assurent de bons revenus, mais sont moins honorables. La meunerie ne sera appréciée qu’au XIXe siècle. Au bas de l’échelle, l’auteur cite la profession de charcutier.

Pour les filles, un mariage dans un beau commerce parisien est un avenir enviable.

Dans le Nord, la carrière des armes est très prisées, courante dans cette région frontalière.

Enfin la religion, le prêtrise dans une belle cure n’est pas à négliger. Pour les filles, ce sont plutôt les ordres mineurs, les Bénédictines n’accueillent que les filles nobles.

Le déclassement guette surtout les néo-ruraux comme la famille de Restif de La Bretonne. Le déclassement social est souvent le sort des veuves mal entourées. Pour les hommes, ils se tournent vers l’artisanat (bourrelier, menuisier) ou deviennent maîtres d’école. La descente est progressive et souvent liée à un manque de mobilité géographique à la fin d’un bail.

La vie quotidienne à la ferme

La ferme en majesté : c’est d’abord un corps de ferme à toit de tuile et sol carrelé, une discrète opulence.

L’auteur décrit les différents bâtiments et espaces, dont le portail et le pigeonnier. Quelques photographies, datées du début du XXe siècle, donnent une idée de la ferme du XVIIIe siècle. Souvent peu entretenus quand le bail porte surtout sur les terres, les bâtiments annexes sont en chaume.

Les nombreux exemples donnent chair et vie à un sujet un peu austère. Ils fourniront matière à illustrer un cours sur la société du XVIIIe siècle.

Les diverses sources étudiées montrent un élément incontournable du logis : le tas de fumier, symbole me de la grande ferme.
Le confort et l’hygiène apparaissent petit à petit. La cuisine est le lieu central du logis comme le montre les exemples, entre frugalité et embourgeoisement, dont celui de la ferme de Jacques Chenard à Guigneville en 1699Description pages 267 et 268.
Les différentes pièces sont à la fois espace de vie et de travail.

Les inventaires après décès permettent de décrire et d’estimer les meubles, le linge, les instruments de cuisine.
Chez les plus gros fermiers, à la fin du siècle, l’imitation des réalités de la ville se fait sentir même si le cadre demeure austère ; une frugalité qui tranche avec l’opulence des moyens de production.

Le vêtir et le paraître : Il faut, aux fermiers, trouver un compromis entre l’habit utilitaire et l’affirmation de la place dans la société. Les femmes se doivent d’être pimpantes. Le costume, à la fois protection et parure, est une superposition de jupes et jupons mais sans extravagances. La garde-robe de Mme Chenard est évaluée, en 1705, à 80 livres.
Au fil du siècle, chez les grands fermiers, le nombre de vêtements augmente. Il se rapproche des tenues urbain
es82 pièces chez Mme David en 1776, en Hurepoix. Les couleurs prennent le pas sur les robes sombres, noires jaspées qui dominaient au début du siècle.

Du côté masculin, on va d’un « recyclage pointilleux » (p. 303) à l’adoption du justaucorps, de la culotte et du chapeau galonné. Les fermiers « fidèles de la terre » préfèrent les tenues robustes et pratiques.
Chez tous le tenue se veut discrète, de même
que les parures et les bijoux. La perruque apparaît tardivement.

L’aisance est mise en scène dans quelques portraits peints tandis que les voitures demeurent simples, voitures de poste recyclées comme chez les Cretté. Les appellations Monsieur, Madame, le choix des prénoms sont des marques de distinction au sein de la population rurale, tout comme la place à l’église et au cimetièreImage d’une dalle funéraire en 1634 en Normandie, page 320.

Intimité et soin du corps : L’auteur décrit un univers de promiscuité qui impose une toilette furtive. Petit à petit, la vie à la ferme fait une place à l’hygiène : bassines de bois ou de céramique, fontaines pour le lavage des mains.

Sociabilité : Ce chapitre présente le fermier en société, sa place, ses habiletés sociales plus ou moins marquées selon ses interlocuteurs, nobles ou paysans. Le moment important de la vie fermière est le repas, le souper, seul repas collectif de la journée où l’argenterie et la nappe ne sont pas absentes. Ce raffinement se développe au cours du siècle. Les jours de fêtes la porcelaine fait son apparition. Les inventaires après décès informent l’historien avec beaucoup de détails y compris sur les breuvages.

Les loisirs pratiqués sont, outre la chasse bien sûr, les jeux de cartes.

Le fermier face à la ville : Les relations ville-campagne sont nombreuses, autour de l’approvisionnement et du marché. L’auteur décrit quelques intérieurs chez des bourgeois parfois issus du monde des fermiers, ils servent de modèles aux cousins de la campagne.

« Les gros cultivateurs découvrent chez leurs parents de la ville de véritables bibliothèques qui, par leur taille, n’ont rien à envier à celles des collèges qu’ils ont parfois fréquentés » (p. 350)

On lit ici les envies, les frustrations, mais aussi le décalage, vécues par l’aristocratie fermière.

L’esprit et le cœur

L’éducation : Peu de mentions des enfants dans les inventaires. Quelques documents, comme le registre du clerc Delahaye, permettent de se faire une idée de l’enfance du jeune fermier. Il est très tôt in initié à ses futures fonctions et vite, aussi envoyé en pension pour son instruction (plus pour les garçons que pour les filles).

Le monde des fermiers est entièrement alphabétisé, ce qui le distingue de la communauté paysanne. Le collège enseigne la sociabilité urbaine. Le cursus n’est pas toujours complet, celui qui reprendra l’exploitation y retourne pour apprendre les techniques dès 15 ou 17 ans. C’est une éducation pragmatique.

Pour les filles, l’enseignement ne va guère au-delà de la lecture, de l’écriture et du calcul.

L’intériorité, l’art et les lumières : Les livres sont peu fréquents dans les inventaires avant la seconde moitié du siècle. On les trouve dans la proximité de Paris. Ce sont des ouvrages pratiquesLa pratique du jardinier, L’agronome plus que littéraires. Adrien Louis Tripoulet étonne avec ses œuvres de Voltaire et même Rousseau.
L’auteur note un intérêt pour la géographie avec la présence de cartes.

Vertus chrétiennes et vertus champêtres : Le fermier incarne un système de valeurs fait de rigueur et de générosité, souvent incarnée par son épouse. La piété quotidienne s’exprime par la présence d’effigies des saints patrons et dans le texte des testaments.

Turbulences et délinquance : Les conflits entre fermiers et seigneurs, fermiers et receveurs de la seigneurie ne sont pas rares, pour des questions de bornage, de privilèges, de place à l’église. Ces querelles peuvent aller jusqu’au tribunal.

Les « écarts de mœurs » du potentat local ne demeurent pas toujours dans le secret des alcôves.

Les fermiers dans les remous de la France nouvelle (1789-1830)

La Révolution : flux et reflux de l’influence fermière : les fermiers sont assez largement touchés par la fin des droits seigneuriaux et des dîmes qui constituaient, par les rentrées en nature, des revenus conséquents. Pour eux, la Révolution est un réel traumatisme, l’ordre ancien, sur lequel reposait leur prospérité, s’effondre, une situation synonyme de déclassement comme le montre l’exemple de la famille Boulanger.

Pourtant, d’autres opportunités apparaissent. De nombreux fermiers deviennent maires62 % des maires en Artois en 1790, administrateurs de districts, présidents d’assemblées électorales. L’exemple développé est celui du Santerre, en Picardie.

D’autre part, la vente des biens du clergé est une aubaine pour les fermiers des abbayes qui achètent les terres de leur fermage. C’est d’autant plus facile dès qu’on s’éloigne de la capitale, qu’il y a moins de candidats aux enchères.

Un paragraphe est consacré aux fermiers législateurs, élus en 1789. L’élite rurale est largement représentée parmi les députés aux États Généraux. A la fin de la Constituante, l’auteur constate un recul des fermiers, du moins directement. Parmi le personnel politique de la Révolution de nombreux députés sont issus de ce milieu à deux ou trois générations, comme Robespierre lui-mêmePetit-fils de Jean-Baptiste Cornu, fermier des dames d’Etrun ou Saint JustIssu d’une famille de laboureurs du Soissonnais au XVIIe siècle.

À partir de 1792, le situation de cette aristocratie rurale change, ils sont suspects. Dans le Pas-de-Calais, selon les arrondissements, entre 30 et 60 % des détenus sont des fermiers. Ils sont, autre part, fortement imposés lors des réquisitions de guerre.

Le renouvellement de l’élite rurale à l’aube du XIXe siècle : La révolution a permis un passage social qui se concrétise dans les alliances matrimoniales. Les mariages unissent des familles nobles à des familles de gros fermiers, sans toutefois que disparaisse la reproduction endogamique du siècle précédent. On observe, également, la poursuite des trajectoires vers les fonctions de justice, déjà observées.

La recomposition du foncier entraîne un recul du fermage. Les fermiers sont devenus de solides propriétaires qui exploitent leurs terres.

L’auteur évoque rapidement la place des fermiers face au suffrage censitaire, les opportunités et limites de leur participation à la politique.

Conclusion : la classe sociologique des fermiers a disparu. Cette élite rurale s’est fondue dans une classe dominante, assimilée à la bourgeoisie commerçante.

En annexe

le choix des inventaires analysés, deux inventaires de garde-robes de fermières, discours prononcé le 10 germinal An IX par Charles Le Grand, fermier de Trémonvillers, ratios de gestion des principales exploitations agricoles décrites dans l’ouvrage

Cette étude basée sur l’exploitation minutieuse et attentive de très nombreuses sources, notamment notariées, permet de couvrir une catégorie sociale un peu oubliée et pourtant importante dans l’évolution économique et sociale du XVIIIe siècle. Le professeur y trouvera des exemples précis pour une description des réalités des campagnes de la moitié nord du royaume.