Trappeurs, chasseurs et coureurs des bois ont été attirés par l’Ouest, la région des Grands Lacs ? Dès le XVIIe siècle des hommes comme Jean Nicolet, Louis Jolliet et le père Jacques Marquette, Robert Cavelier de La Salle se dirigèrent vers le Mississippi. L’autrice s’intéresse aux aventuriers du XVIIIe siècle : Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye, le plus connu, mais d’autres sont mis en lumière dans cet ouvrage. Elle s’appuie sur une historiographie abondante à de La Vérendrye et de ses fils et de Louis Riel.

Des rêves d’expansion territoriale

Dans un contexte de rivalités franco-anglaisesLa concurrence pour les peaux est notamment évoquée dans les romans historiques de Martin Fournier qui relatent les aventures de Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseilliers, et en particulier : Le Castor ou la vie – Les Aventures de Radisson, 1661-1670, Québec, Éditions du Septentrion, 2021 le traité d’Utrecht (1713) impose à la France la perte de Terre-Neuve, du territoire de la baie d’Hudson, des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon et de l’Acadie. En riposte, les Français construisent des forts le long des Grands Lacs et du bassin du Mississippi pour la traite des peaux de castors, mais aussi pour la route vers la mer de l’Ouest.

Pierre Gaultier de Varennes, sieur de La Vérendrye est né à Trois-Rivières en 1685, fils d’un officier de régiment de Carignan-Salières. Pierre Gaultier est un soldatIl a été blessé à Malpaquet en 1709, il rentre en Nouvelle-France en 1712. mais, aussi un gentilhomme campagnard, intéressé par la traite très active à Trois-Rivières. En 1726, il devient commandant du poste du Nord, KaministiquiaSite de l’actuelle Thunder Bay. Il pratique le commerce et fait alliance avec des groupes amérindiens : les Cris, les Assiniboines et les Monsonis.

Fort de son expérience des Pays-d’en-Haut, il organise une expédition en 1731, avec trois de ses fils, son neveu Christophe Dufrost de La Jemerais et cinquante « engagés » il quitte Montréal au printemps. Ils explorent le lac Huron, le lac Supérieur, la rivière Nipigon et atteignent Kaministiquia. L’autrice retrace ainsi les voyages de La Vérendrye, les difficultés du terrain, de la gestion des hommes, les heurts avec les Amérindiens. Elles présentent quelques-uns de ces audacieux explorateurs. La recherche de la mer de l’Ouest est un échec, à la mort de La Vérendrye, le projet s’arrête faute d’appui des autorités de la Nouvelle-France.

La vallée de la rivière Rouge

Après la chute de Québec et le traité de 1763, en concurrence avec la Compagnie de la Baie d’Hudson, la Compagnie du Nord-Ouest est fondée à Montréal en 1783-1784. Bien que fondée par des commerçants anglais, elle emploie des trappeurs français.

Dans la vallée de la rivière Rouge, un affrontement armé oppose en 1816 des hommes des deux compagnies qui doivent fusionner, en 1821, sur ordre du gouvernement britannique.

Pendant plus d’un siècle, jusque vers 1860, nombreux furent les Canadiens qui pratiquèrent la traite entre le Saint-Laurent et les étendues de l’Ouest, se mariant avec des femmes autochtonesVoir De freemen à Métis, l’histoire retrouvée des gens libres entre la Baie-James et Montréal, par Guillaume Marcotte, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021.

Ces Métis ou « Bois-Brûlés », se retrouvaient au fort Rouge, que La Vérendrye avait érigé en 1738. Au début du XIXe siècle, la cohabitation avec les colons britanniques qui peut à peu pénètrent le bassin du lac WinnipegLa colonie de lord Selkirk fut plutôt rude, avec quelques affrontements violents sur fond de rivalités entre les compagnies et frictions religieuses entres Français catholiques et Anglais.

L’autrice fait le portait d’un autre explorateur dans le Nord-ouest : Jacques Goulet, né en 1779 à Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup et petit fils d’un autre Jacques Goulet parti au siècle précédent avec La Vérendrye.

Une quête de liberté

L’autrice décrit la vie de ces métis et des Amérindiens entre chasse au bison et début de sédentarisation, grâce notamment aux écrits de l’un d’eux, Louis Riel. Alors que traditionnellement la chasse visait la fourniture de nourriture (le pemmican), la recherche des peaux devient la première motivation. Ces « robes de bison » et du pemmican étaient échangés contre des couvertures, du tabac et d’autres objets utilitaires. En 1835, une tentative de taxation provoque le mécontentement des traiteurs, jaloux de leur liberté. Ainsi commence la lutte pour leur droit notamment sur la terre. Une réunion en 1845 débouche sur des revendications précises, une pétition est envoyée au gouverneur Alexander Christie pour obtenir « en tant que natifs de la contrée et porteurs du sang autochtone, de chasser librement sur le territoire de la compagnie et de vendre le produit de leurs courses au plus offrant. »Lettre de citée p. 39.

Parmi les signataires, on retrouve la famille Goulet et Louis Riel. Cette question occupe les tribunaux (procès Sayer). Un paragraphe est consacré à la présentation de Louis Riel, qui né en 1844, devint le chef des Métis.

Un encart décrit la vie quotidienne chez les Métis, d’après les souvenirs d’Auguste Vermette recueillis par Marcien Ferland (P. 49-51).

Le combat des Métis pour leurs droits

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le déclin du troupeau de bisons conduit à une certaine sédentarisation des milliers d’Autochtones, quelques 6 000 Métis francophones et 4 000 Métis anglophones. Dans le contexte de l’annexion de la Terre de Rupert par le Canada, la présence des OrangistesSection d’une société protestante fondée en Irlande du Nord en 1795 et installée en Ontario. qui veulent imposer la langue anglaise et la culture protestante et professe un profond mépris des Autochtones rend plus difficile encore la situation des Métis et des Autochtones. Le premier conflit concerne la construction de la route de Thunder Bay à Fort Garry. L’accord, de 1869, entre la Compagnie de la Baie d’Hudson et le gouvernement canadien ne prévoit aucune représentation des populations dans les instances de gouvernement. La résistance des Métis s’organise autour de Louis Riel allant jusqu’à la création d’un gouvernement provisoire de la Rivière Rouge.

Vers l’Acte du Manitoba

Dans ce chapitre, l’autrice aborde les négociations entre le gouvernement d’Ottawa et le gouvernement provisoire de la Rivière Rouge qui connaît des divisions. D’autre part, des intimidations tentent de limiter les revendications des Métis, comme le montre l’« affaire » Thomas Scott, un agitateur anglophone et raciste.

Quand Le statut de province est accordé, le 12 mai 1870, il prévoit une législature de 24 députés,la nomination d’un lieutenant-gouverneur et d’un conseil exécutif. Le texte reconnaît le statut confessionnel des écoles et le bilinguisme des lois et des tribunaux. Enfin, la province peut envoyer des représentants au niveau fédéral (Chambre des communes et Sénat). Le territoire de cette nouvelle province, le Manitoba, ne couvre qu’un espace limité à une centaine de milles autour de Fort Garry. Les grands territoires de la Terre de Rupert restent sous statut de territoire.

Les citoyens de la Rivière-Rouge, enfants des familles métisses conservent la propriété de leurs terres (environ 500 000 hectares). La redistribution posera beaucoup de problèmes.

Les meneurs de la révolte des Métis sont pourchassés, malgré les accords, Louis Riel doit fuir aux États-Unis, Elzéar GouletDont l’autrice retrace le parcours et de sa famille est assassiné par des soldats britanniques qui ont saccagé Fort Garry et un groupe d’Orangistes. Dans ce climat de violence et malgré la création de la province, de nombreuses familles métisses quittent la région et migrent vers le Montana, la Saskatchewan et l’Alberta. Dès 1890, le français avait été banni de la législature et des tribunaux du Manitoba, puis en 1916, des écoles En 1979, l’arrêt Forest de la Cour suprême du Canada restaurait l’égalité de statut de l’anglais et du français dans la province, en vertu de l’article 23 de la Loi sur le Manitoba..

Une longue traversée du désert

La vie de Louis Riel est désormais celle d’un exilé au Dakota, il voit dans le Québec francophone une patrie pour les Métis.

Des réfugiés irlandais, installés au États-Unis, les « Fenians » envisagent de pénétrer au Manitoba pour obtenir, de la couronne britannique, l’indépendance de l’Irlande, ce qui vient compliquer la situation des Métis.

Les élections fédérales (1872-1874) voit la victoire de Louis Riel, malgré les menaces des orangistes. Menacé d’arrestation, il se réfugie à Montréal, mais est exclu de la Chambre malgré les promesses jamais tenues d’amnistie et le soutien de l’Église catholique. Durant son exil aux États-Unis, il est reçu à Washington.

Au Manitoba, les accords en faveurs de l’installation des Métis sur des terres ne sont pas tenus. Au même moment, la situation des Autochtones américains des Grandes plaines s’est fortement dégradée, Louis Riel, qui a en tête l’idée d’une confédération pour le Nord-ouest, rencontre Sitting Bull. Louis Riel devient citoyen américain en 1883, il prend la défense de la colonie métisse de Fort Willow Creek (Dakota) et devient instituteur des enfants métis et autochtones à la mission de Saint-Pierre, dans le Montana.

L’ultime combat

Ce dernier épisode de la vie de Louis Riel est rapporté. En 1884, il est sollicité pour défendre, à nouveau, les intérêts des Métis de la Saskatchewan. C’est l’occasion de faire la connaissance de Gabriel Dumont, un Métis français illettré, mais qui parle cependant cinq langues autochtones né en 1837 à la Rivière-Rouge. C’est l’histoire d’un combat contre les réserves, des autochtones puis des métis dans les années 1880. Des affrontements ont lieu entre les révoltés et les troupes fédérales (Batoche mai 1885). Louis Riel est arrêté, malgré le soutien de l’Association nationale pour la défense des Métis emprisonnés, crée à Québec, il est condamné à mort par pendaison, pour trahison. Lors du procès les autres accusés blancs ou métis sont peu condamnés ou acquittés alors que les Autochtones sont fortement condamné comme le chef Gros Ours.

Épilogue

Que reste-t-il aujourd’hui de cette histoire ? En 2007, l’Assemblée législative du Manitoba a décrété le 16 novembre, jour de l’exécution de Louis Riel, jour férié en l’honneur de son fondateur. En 2020, le Conseil de la ville de Montréal a adopté une motion déclarant Louis Riel innocent du crime de haute trahison pour lequel il a été condamné en 1885. D’après le recensement de 2021, 624 220 citoyens canadiens, anglophones et francophones, se sont déclarés d’appartenance métisse au titre de la Loi constitutionnelle de 1982 qui définit les peuples autochtones du Canada : les IndiensDepuis 2019 ont parle de Premières Nations, les Inuits et les Métis.

L’ouvrage comprend d’importantes annexes :

  • La chasse aux bisons, caravanes et camps (extrait de L’espace de Louis Goulet, par Guillaume Charette, Winnipeg, Éditions Bois-Brûlés, 1976, p. 33)
  • Une jolie légende autochtone sur les relations entre Nations amérindiennes (extrait de Nouvelles études sur les La Vérendrye et le poste de l’Ouest, par Antoine Champage, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1971, p.155 et s.)
  • Lettre de Mgr Ignace Bourget à Louis Riel, Montréal, le 14 juillet 1875
  • Lettre de Louis Riel à sa mère Julie la veille de son exécution, Prison de Regina, 15 novembre 1885
  • Lettre de Louis Riel à son épouse Marguerite le jour de son exécution
  • Portrait de Louis Goulet
  • Carte tirée de L’espace de Louis Goulet, reproduite p. 140-141
  • La route de l’Ouest (extrait de Nouvelles études sur les La Vérendrye et le poste de l’Ouest, par Antoine Champage, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1971, p.118 et s.)

et une bibliographie