Cet ouvrage se veut donc un point de repère objectif sur le « mythe » américain.
Les valeurs fondatrices résident dans la définition de la Frontière par Turner posant ainsi les limites du devenir de la société américaine. Selon lui, c’est la source d’une nouvelle vision du monde, porteuse du rêve américain. Cette frontière illustre si besoin en était la très forte mobilité géographique des américains. Néanmoins l’auteur ne semble pas avoir cru utile d ‘envisager l’expédition de Lewis et Clark en 1804 sous la présidence de Jefferson comme une première étape qui a conditionné l’avenir des Etats-Unis.
Les premiers temps de l’indépendance se marquent pas la recherche du bonheur, écrite en toutes lettres dans sa déclaration mais elle s’accompagne aussi du refus du gouvernement exprimant ainsi un mélange de confiance en soi et d’autarcie.
Anne Deysine nous pousse aussi à comprendre l’atmosphère de religiosité quasi générale qui est marquée par une montée en puissance de l’évangélisme. Pour eux, l’Amérique serait prédestinée à mener une mission planétaire. On remarque aussi que les américains se caractérisent par le mélange du patriotisme et des religions que l’on retrouve jusqu’aux discours d’investiture.
Une autre valeur fondatrice réside dans la justice : si les américains ont si facilement recours à la justice, c’est parce que les relations entre les individus s’expriment sous forme de contrats. En cas de litige, ils se tournent vers les tribunaux. Le recours systématique au juge est aussi le résultat de l’absence de filet social. Les comportements sont donc déterminés par le risque judiciaire. Le recours aux tribunaux est aussi omniprésent en matière politique.
L’auteur nous propose ensuite une mise en abîme du système politique de 1787 à nos jours où l’on retrouve deux principes forts contenus dans les écrits de Thomas Paine et dans les Federalist paper :
· séparation des pouvoirs
· système fédéral
En fait, le système mis en place annonce le partage des prérogatives attribuées de façon limitative à l’échelon fédéral et les prérogatives des Etats qui demeurent la règle.
Le New Deal rompt avec cet équilibre avec l’accroissement des pouvoirs de l’Etat Fédéral dans le but de relancer l’économie. Les problèmes entre FD Roosevelt et la Cour Suprême, qui ne veut pas valider ses lois, conduisent le président à proposer alors de modifier le rôle de cette cour de justice. La manœuvre est un échec mais les juges ont compris le message et à partir de 1937 acceptent toutes les lois proposées.
En fait le fédéralisme repose sur le concept de double souveraineté et pose problème.
Heureusement, dans cet ouvrage, l’auteur analyse avec finesse l’ensemble des fonctions qu’elles soient législatives, exécutives ou judiciaires.
L’exécutif, c’est le président, chef de l’Etat, chef du gouvernement, chef de la diplomatie et commandant en chef des armées. Il doit composer avec le Congrès mais il dispose tout de même d’un droit de veto. Ainsi, le président jouit de toutes les prérogatives exécutives. Cela s’accrut de plus en plus au fil du temps avec ce que Arthur Schlesinger nomma les « présidences impériales » de LB Johnson à Richard Nixon. Ce type de présidence fut affaiblie de 1972 et les débuts de l’affaire du Watergate jusqu’en 2000. Trois échecs ont affaibli la fonction présidentielle :
· le Vietnam et le mensonge d’Etat que les Pentagon Papers dénoncent,
· l’affaire du Watergate
· Les relations de B Clinton et d’une stagiaire de la Maison Blanche. En plein scandale le International Herald tribune pouvait titrer « La présidence impériale s’est effondrée ».
Plus globalement, la fonction présidentielle évolue selon les personnalités des présidents, les politiques menées et la conjoncture économique. Depuis 2001, le pouvoir est aux mains d’une branche très conservatrice et très à droite.
Anne Deysine ensuite analyse l’importance du quatrième pouvoir: la presse, protégée par le Premier amendement : comme l’ont montré les affaires des Pentagon papers et le Watergate. Mais l’avènement de l’infotainment a conduit à une approche plus aseptisée de ce contre-pouvoir. Un temps tétanisés par la politique menée en Irak, de nombreux journaux comme le New York Times sont retrouvé leur combativité.
Détenteur du pouvoir législatif, Le Congrès a deux fonctions principales :
· voter la loi
· surveiller l’exécutif
De nombreux problème émaillent la présidence Bush : Katrina, les armes de destruction massive et la surveillance électronique des citoyens sans même les prévenir ont conduit les contre-pouvoir à réagir.
Les sursauts de la démocratie sont donc nombreux. Ils tiennent leur légitimité dans les élections et le bipartisme. A la domination démocrate jusqu’en 1968 avec Cour Suprême et Congrès à majorité démocrate s’oppose le renouveau républicain depuis lors. Autre caractéristique centrale: Le lobbying est au cœur du système politique et financent les partis lors des élections aussi même si depuis 2002 et la loi BCRA (Bipartisan Campaign Reform Act) qui vise à réduire l’influence des intérêts particuliers. Elle valide l’interdiction du soft money et encadre les publicités à la télévision. La prochaine étape qui pourrait être considérée comme un sursaut démocratique correspondrait à la réforme du système électoral qui a montré ses limites en 2000 et dans une moindre mesure en 2004.
Il est tout de même à noter que rôle de la Cour Suprême et plus globalement, le poids du judiciaire dans la démocratie est une constante dans l’Histoire des Etats-Unis. C’est de l’importance de la constitution que découle la puissance réelle et symbolique de la Cour Suprême qui est chargée aussi bien de la question constitutionnelle que des questions économiques, politiques ou sociales. Son rôle a évolué dans l’histoire même si son prestige la protège des manipulations partisanes. Ici, Anne Deysine nous fait partager une analyse très intéressante sur la cour suprême Rehnquist qui a dirigé la cour de 1986 à 2005 mais aussi sur les conséquences législatives de la guerre contre le terrorisme. La Cour se meut progressivement en protectrice des libertés individuelles en s’occupant des citoyens contre les arrestations arbitraires : « L’état de guerre n’est pas un chèque en blanc pour le président. ».
L’importance de la Cour Suprême se traduit lors de la nomination des juges qui ont une durée d’occupation des sièges moyenne de 20 à 30 ans.
Enfin, les Etats-Unis sont replacés dans le système mondial actuel. Se pose aujourd’hui le problème de ses capacités d’intervention et de domination. L’auteur analyse les positions des néo-conservateurs à cet égard. L’économie aussi est, avec l’entreprise à sa tête, au cœur du système de domination ce qui peut expliquer la priorité donnée à la recherche même si le déficit budgétaire et commercial et dépendance par rapport aux détenteurs des bons du trésors qu’ils soient japonais et depuis peu chinois peuvent, à terme, remettre en cause cette puissance.
D’une lecture facile et toujours intéressante, cet ouvrage est à conseiller à l’ensemble des professeurs officiant en 3° et en Terminale mais plus largement aussi aux personnes souhaitant combler leur méconnaissance des Etats-Unis et de leurs valeurs fondamentales. Les candidats aux concours de l’enseignement que ce soit au CAPES et à l’Agrégation d’Anglais tireront un bénéfice immédiat à la lecture de ce manuel de base. On pourra lui associer pour avoir une démarche plus complète les lectures de l’ouvrage de Michel Goussot, Les Etats-Unis : société contrastée, puissance contestée à la Documentation Photographique (2007) (voir le CR sur le site des Clionautes http://www.clionautes.org/?p=1406 ) et de celui de M. Benoît-Guyot et de G. Dorel, Atlas de l’Empire américain, chez Autrement (2006) (voir le CR sur le site des Clionautes : http://www.clionautes.org/?p=1265 )
Copyright Les Clionautes