Idées reçues, collection bien connue
La collection est aujourd’hui installée et il s’agit de la déclinaison en moyen format de ce qui existait, auparavant en petit format. Il s’agit donc de faire le point sur certaines idées reçues sur un sujet, ici les protestants, en distinguant ce qui est vrai, faux ou à relativiser. Le livre est agrémenté de quelques documents iconographiques, de quelques encarts en lien avec le chapitre, d’annexes sous forme par exemple de glossaire et d’une bibliographie commentée. 22 chapitres composent l’ensemble de l’ouvrage après l’introduction. Chacune des idées reçues est introduite par une citation. Pour situer l’intérêt d’une étude fouillée sur les protestants, il faut rappeler qu’ils représentent environ 800 millions de personnes dans le monde.
L’histoire du protestantisme
L’ouvrage commence par situer historiquement le protestantisme en insistant par exemple sur le fait que le protestantisme n’est pas un anti-catholicisme. Aucun des « réformateurs » n’avait pour objectif de créer le protestantisme. Souvent, l’ouvrage précise et relativise des liens de cause à effet qu’on a établi parfois un peu vite : ainsi, sur le lien entre Réforme et Renaissance. Cette identification a longtemps prévalu. Pourtant, il faut distinguer entre une Renaissance humaniste qui plaidait pour davantage d’humain, là où le protestantisme naissant » estimait que la chrétienté devait au contraire être réformée pour le trop d’humain qu’elle charriait ». Souvent, on insiste sur la diversité du protestantisme or il n’ y a pas de réelle homogénéité catholique et en plus on peut résumer les familles protestantes en quelques blocs faciles à identifier.
L’ouvrage de Sébastien Fath propose d’utiles synthèses comme lorsque sont évoqués les Réveils. Il en identifie trois sortes d’effets : effet individuel, ecclésial et sociétal.
Parmi les articles les plus intéressants, on signalera celui sur l’édit de Nantes et la filiation souvent rapide qui a été faite avec la laïcité. Pourtant cet édit ne constitue pas un acte de tolérance, c’est un compromis politique, mais sûrement pas religieux. C’est plutôt « coexister dans l’intolérance ».
Parmi les idées les plus ancrées aussi il y a celle qui associe protestantisme et Europe du nord : or aujourd’hui on est loin de cela, car à la fin du XXème siècle, seuls 11 % des Danois pratiquaient quand 33 % des espagnols catholiques vont à l’Eglise toutes les semaines ….Difficile dans ce cas d’assimiler Europe du Nord et protestantisme, ou alors au prix d’une myopie de ce qui se passe dans l’Europe du Sud !
Protestantisme et culture
Poursuivant le tour des idées reçues, l’auteur s’attaque à celle qui associe protestantisme et austérité. Il souligne combien cela est réducteur et est en fait lié au calvinisme. Difficile de porter un tel jugement surtout quand on pense aux déclinaisons actuelles du pentecôtisme. Un autre article fait un point très efficace sur protestantisme et capitalisme autour des travaux d’Eugen Weber. Souvent ses travaux ont été caricaturés, alors que Weber avait introduit beaucoup de nuances dans ses propos. On pointe aussi le projecteur en soulignant que le puritanisme protestant est obsédé par le sexe : à travers le cas Lewinski, on voit combien le problème est davantage le mensonge que l’acte qu’on reproche. Parmi les phrases répétées à l’envi, il y a celle qui dit que les protestants sont aux manettes de la France. Ce genre d' » information » donne lieu régulièrement à des couvertures de magazines. Or, quand on regarde les faits, on est bien loin du compte. Cet exemple est particulièrement révélateur car il montre comment ce qui a pu être vrai à un moment donné, c’est-à-dire au moment de l’installation de la République, ne l’est plus aujourd’hui. Les idées reçues ne sont pas toujours négatives et on a ainsi parfois tendance à faire crédit aux protestants d’avoir émancipé les femmes. Alors certes, elles ont joué et jouent encore un rôle mais les pourcentages sont ceux là : il y a deux fois moins de femmes pasteurs que de femmes députées alors que l’Assemblée nationale ne se distingue pas par son progressisme sur ce point !
La religion protestante
Dans cette dernière partie, l’auteur se consacre cette fois à quelques aspects de la religion protestante comme » les protestants ne croient pas au salut par les œuvres ». Comme souvent dans le livre, Sébastien Fath fait preuve de nuances en expliquant qu’elles ne sont pas premières certes, mais pas forcément bannies.
Ensuite, il revient sur la centralité de la Bible en mettant en regard des extraits de la Bible et des discours de personnalités américaines. L’auteur, dans cette partie aussi, offre une approche mondiale du protestantisme, ne se limitant pas à l’Europe, ni aux Etats-Unis, ce qui en fait une perspective intéressante.
Au total, voici un tour d’horizon des plus intéressants, qui balaie un champ large, qui offre nuances là où il n’y a souvent qu’approximations. Un usage pédagogique de quelques articles peut être fait en seconde par exemple autour des articles » la Réforme est un produit de la Renaissance » ou » le protestantisme est un anti-catholicisme ».
Un ouvrage donc à conseiller pour mettre à jour ses connaissances sur un sujet à la fois connu et en même temps souvent simplifié.
Jean-Pierre Costille © Clionautes