« La Gaule est-elle une invention de César ? Sont-ils Gaulois ou Celtes ? Les Gaulois étaient-ils moustachus et chevelus ? » C’est sous la forme de 29 questions que Jean-Louis Brunaux, archéologue et directeur de recherche au CNRS, nous dresse un portrait de la société gauloise dans son nouvel ouvrage Les Gaulois, vérités et légendes édité aux éditions Perrin.
Depuis plusieurs décennies, les recherches des archéologues et des philologues ont fait avancer la connaissance sur la civilisation gauloise. Toutefois elle n’est pas suffisamment reconnue pour Jean-Louis Brunaux car des hypothèses plus ou moins raisonnables, voire même des remises en question sont émises sans véritablement prendre en compte les récentes découvertes. Les libertés prises avec une réalité objective ne sont pas récentes et datent de la fondation de Massalia. D’ailleurs les Gaulois eux-mêmes n’ont jamais contesté les images qui étaient véhiculées alors sur leur compte, car ils n’ont jamais proposé d’histoire alternative positive ou correctrice. Pour l’auteur cette réalité des choses « n’autorise cependant pas les contre-vérités, les confusions ou les dénis. Il faut donc rendre leur historicité aux habitants de la Gaule des six derniers siècles avant notre ère ».

Les Phocéens d’Asie mineure en s’installant à Marseille ont véritablement créé la Gaule. L’économie et la spiritualité grecque transforment peu à peu le peuple gaulois pour donner naissance à une civilisation semi-grecque porteuse du titre de philhéllène. C’est à partir de Marseille que s’étend l’influence grecque en Gaule en remontant le Rhône et le Rhin, permettant aux Massaliotes d’être également en contact avec les populations du nord de l’Europe.
Jean-Louis Brunaux revient sur les termes « gaulois » et « celtes » et les confusions qui entourent ces deux vocables. Il nous explique que César a apporté davantage de confusions, car la source principale de La Guerre des Gaules est le travail de Poseidonios d’Apamée qui a rédigé une description de ce territoire. Or, les Grecs connaissaient surtout les Celtes, notamment depuis Marseille, alors que les Romains ne connaissaient que les Gaulois. Pour l’auteur, si les Gaulois forment un peuple, les Celtes n’appartiennent pas à une même race, pure et homogène, comme l’ont prétendu les idéologues des XIXe et XXe siècles. Leurs origines sont variées, il s’agit de descendants autochtones des populations du Néolithique, auxquels se sont ajoutés des Ibères, des Ligures, ou encore des commerçants étrusques implantés en Gaule. Toutes ces populations ont en commun l’étroite relation qu’elles entretenaient avec les Grecs et particulièrement avec les Phocéens de Marseille. Par conséquent les Gaulois de l’arrière-pays se sont petit à petit celtisés au point de générer une véritable confusion entre les deux termes.
L’auteur revient également sur l’image péjorative des Gaulois, longtemps présentés comme des envahisseurs. La réalité est toute différente selon l’auteur car les Gaulois fondaient de véritables colonies comme celles présentes au bord de la forêt Noire, comme le mentionne César. Le général romain reprend encore une fois les informations de Poseidonios d’Apamée qui expliquait que des populations s’installaient parfois très loin, mais conservaient des liens étroits avec la métropole. Au final, les Gaulois fondaient des colonies tout comme les Grecs ou les Romains.
Les auteurs du XIXe siècle ont très largement participé à donner une image négative du gaulois, présenté en guerrier indiscipliné et toujours avide de butin. Toutefois l’image du gaulois mercenaire est une réalité. Le mercenariat était l’une des principales économies du monde gaulois. C’est notamment le cas des habitants de la région de Narbonne qui louent leurs services à des puissances étrangères (Grecs, tyrans de Sicile, Carthaginois, Romains, etc.) dès le Ve siècle av. J.-C. selon Hérodote, jusqu’au début de notre ère.
La prise de Rome au IVe siècle av. J.-C. par les Gaulois de Brennus est l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire de la jeune République qui a largement participé à la réputation violente de la population gauloise. Tite-Live nous fournit la source principale dans laquelle il a reconstruit cette histoire sous une forme mythique. runauxIl essaie de faire croire que le Capitole n’a pu être pris par les Gaulois. Toutefois, on connaît aussi cet épisode grâce aux Grecs qui l’ont également décrit en ajoutant que Rome avait été dans l’obligation de verser une rançon qu’elle a eu du mal à constituer sans l’aide de Massalia. Par conséquent il y a bien eu prise de la ville par les Gaulois. Par ailleurs, quand César conquiert la Gaule, il a encore cet esprit de vengeance. Les Gaulois ont également la réputation d’avoir pillé le sanctuaire de Delphes. Sans remettre en cause cet évènement historique, l’auteur rappelle que Cicéron a très largement participé à l’accusation des Gaulois, or le trésor d’Apollon avait déjà été pillé une cinquantaine d’années avant la venue de Brennus lors de la troisième guerre sacrée.
L’image caricaturale du gaulois grand, blond, robuste aux yeux bleus n’est pas totalement fausse. Les Grecs comme les Romains sont typés méditerranéens et ont été surpris de voir dans une partie seulement de la population gauloise des personnages très grands, blonds à la peau blanche. Toutefois, ces gaulois ont été vus dans sur les champs de bataille, ils étaient donc mercenaires et avaient été choisis pour les aptitudes physiques. Certains de ces mercenaires pouvaient combattre nus, et donc sans protection. Cette façon de combattre est à comprendre comme une sorte d’ordalie, car les Gaulois croyaient en la réincarnation et ne craignaient donc pas la mort.
L’auteur rappelle que les Gaulois étaient de grands créateurs de vêtements. Il faut rappeler qu’ils ont créé le pantalon, le vêtement à manches ou encore le manteau à capuche. Le choix des étoffes se faisait en fonction des saisons et les couleurs et ornementations changeaient selon la mode. Tout comme pour les vêtements les Gaulois apportaient beaucoup de soin à leur corps, à leur coiffure et à la pilosité. Donc plus une personne était riche mieux elle est rasée, le rasage étant une opération difficile, la moustache était alors une marque de noblesse.

Bien d’autres sujets sont abordés par Jean-Louis Brunaux parmi les nombreux chapitres de son ouvrage portant pour certains d’entre eux sur les nombreuses inventions des Gaulois, leur organisation sociale ou encore leurs croyances. Au final, ce livre de petit format, très agréable à lire, permet de faire le point sur les recherches et de combattre les idées reçues tout comme les contre-vérités. Toutefois nous pouvons regretter le choix de l’organisation de ce travail, ainsi que l’absence d’une bibliographie sélective à la fin de chaque chapitre en lieu et place d’une bibliographie sélective en fin d’ouvrage. Mais l’auteur ne fait ici que répondre aux exigences de la collection.

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Recension de la seconde édition en 2019

Jean-Louis Brunaux, directeur de recherche au CNRS et grand spécialiste des Gaulois, offre, dans son nouvel opus, une synthèse visant à démystifier un certain nombre de questionnements relatifs à ce peuple et aux enjeux dont il peut être porteur.

En une succession de vingt-neuf questions, l’auteur aborde des thématiques très larges, allant des topoï les plus courants (« Les Gaulois sont-ils des géants aux cheveux blonds ? Étaient-ils moustachus et chevelus ? Habitaient-ils des huttes rondes ? ») à des questions épistémologiques plus pointues : on s’attardera ainsi sur le deuxième chapitre, « Sont-ils gaulois ou celtes ? » (J.-L. Brunaux écrit ainsi, p.36 : il est (…) temps de revenir à la réalité historique, décrite par les plus anciens auteurs grecs : les Celtes sont le plus ancien ensemble humain identifié en Gaule, correspondant à une partie de ses habitants ») et sur le neuvième, « La Gaule est-elle une invention de César ? », dans lequel J.-L.Brunaux revient de manière très intéressante sur certains écrits de Camille Jullian et de Christian Goudineau.

L’entrée par questionnements, si elle peut parfois s’avérer très légèrement redondante, permet incontestablement à un public très large d’aller picorer avec agrément dans les chapitres ainsi constitués, en fonction d’affinités propres.

Solidement documenté (l’incontournable Poseidonios d’Apamée, savant et « premier ethnographe de la Gaule », est bien évidemment présent), d’une belle érudition et basé sur les acquis récents de la recherche, l’ouvrage est d’une lecture aisée et s’adresse autant au néophyte qu’à l’étudiant ou aux collègues désireux de compléter une séance sur les Gaules.

Dans cette dernière perspective, le chapitre onze sur Vercingétorix ou encore le vingt-sixième intitulé « César a-t-il conquis la Gaule par les armes ? (à propos de cette question, J.-L.Brunaux, p.268, écrit qu’ « il est (…) impossible de répondre pleinement par l’affirmative. Dans l’annexion de la Gaule par Rome, formule qui rend mieux compte de la réalité des faits, la diplomatie sous toutes ses formes, et souvent les moins avouables, a joué un rôle plus important que la guerre. César a seulement su mater les rébellions. Ce qui n’était pas une mince affaire si l’on songe à l’allure qu’elles ont prise, notamment en -52 et sous la direction de Vercingétorix. Les deux adversaires avaient en commun le sens de la stratégie, autant politique que guerrière. À ce jeu, César a été le plus fort ») se révéleront d’un grand intérêt.

Grégoire Masson