En 58 avant J.-C., le chef helvète Orgétorix se suicide suite à l’échec de sa tentative de conquérir les chefs celtiques.

Son peuple commence alors un long périple vers l’Ouest, afin de trouver une nouvelle terre d’accueil. Alors qu’ils tentent de conquérir les terres des Allobroges, peuple allié de Rome, ils se heurtent aux armées de Jules César, proconsul de la Gaule cisalpine, et de Labénius. Cet événement inspire César qui ambitionne de conquérir la celtique toute entière.

Manœuvrant sur deux fronts, sur la scène de la politique intérieure romaine, et sur la scène celtique en passant des alliances avec des tribus gauloises, César s’allie avec les Arvernes et Vercingétorix. Ensemble, ils luttent contre un nouvel ennemi, les germains.

Inspiré de La guerre des Gaules de Jules César, qui est d’ailleurs l’une des sources utilisées par les auteurs, le récit raconte la conquête de la Celtique, lors d’une guerre opposant les clans dit « barbares » par les Romains et les armées romaines.

Entre espionnage, subversion, alliances politiques, stratégies et propagande au service de Rome, ce bel album raconte comment César et Vercingétorix sont devenus alliés puis ennemis, jusqu’à la défaite du chef gaulois à Alésia.

Sous la direction de Vercingétorix, les tribus gauloises s’unissent, très difficilement, pour chasser les romains de leurs territoires. Néanmoins, l’alliance est fragile et sans cesse menacée par des divisions. Parallèlement à cela, Jules César doit gérer d’autres difficultés, et notamment le Sénat et Caton. Le récit s’étale de 58 à 52 avant J.-C., lors de la défaite de Vercingétorix à Alésia.

Tarek, scénariste multi-récompensé pour son travail, et Vincent Pompetti, également auteur de bande-dessinées, proposent, avec ce bel album, de réaliser une docu-fiction à partir des Commentaires de Jules César. Parus initialement en 2012 et 2013, les deux tomes du diptyque sont réunis dans un nouvel album intégral par Nouveau Monde Graphic.

Une docu-fiction mélangeant les points de vue de Jules César et de Vercingétorix

Le premier tome se concentre essentiellement sur le personnage de César, alors que le second s’intéresse davantage à Vercingétorix et à son basculement d’allié à ennemi de Rome. En effet, les auteurs ont pris le parti, dans le premier tome, de montrer César, alors proconsul, en train d’écrire ses textes en pleine campagne militaire, permettant de restituer son témoignage mais surtout son rapport à Rome, et d’extrapoler sa pensée. A cette mise en scène se mêlent des récits et des textes issus des Commentaires de Jules César.

Dans le second volume, le point de vue des « Gaulois » est davantage mis en avant, notamment au travers de la personnalité de Vercingétorix et de l’évolution de sa relation avec Jules César. La fiction présente dans l’histoire est utilisée pour introduire la parole gauloise, restituée par les dernières recherches et hypothèses archéologiques de ces dernières décennies.

Plusieurs sources ont été utilisées par Tarek et Pompetti pour reconstituer l’univers des Gaulois, comme les ouvrages de Jean-Louis Brunaux (Anthropologie de la Gaule celtique, et plus récemment La Gaule, une redécouverte, Nos ancêtres les Gaulois) et Yann Le Bohec (L’armée romaine sous le Haut-Empire…), ou encore des livres abordant l’archéologie expérimentale comme Vie d’un guerrier gaulois de Ludovic Moignet et Yann Kervran.

Les auteurs se sont également inspirés de troupes de reconstitution. Le parti pris des auteurs sur les Gaulois a été de faire porter sur les épaules de Vercingétorix la synthèse du monde celte multi-ethnique : sa division, ses intérêts particuliers, ses alliances avec les Romains et entre les différentes factions, etc. Le second parti pris a été de partir de l’hypothèse sérieuse selon laquelle Vercingétorix était un jeune officier proche du proconsul César au début de la guerre, puis qu’il a rejoint, par un jeu politique complexe, une coalition contre le même César.

Cette idée illustre l’attitude ambigüe du monde celte vis-à-vis de Rome, entre mercenariat, commerce et révolte. Des éléments fictionnels ont été rajoutés, comme l’espionne Eponine, ou des apparitions fictives de Marc-Antoine, afin de lier l’Histoire avec un récit d’espionnage.

Presque un travail d’historien

Ce roman graphique est presque, selon moi, un documentaire, tant les reconstitutions historiques et le récit des différentes batailles prennent le pas sur la fiction d’espionnage. Pour reprendre la très bonne critique d’ActuaBD, « le scénario de Tarek, outre les descriptions, est écrit de telle sorte que la psychologie des personnages est valorisée ». Néanmoins, les descriptions, ainsi que l’enchaînement des batailles et autres scènes historiques, tendent à ralentir le rythme de l’intrigue.

Les auteurs ont fait un gros travail de recherche afin de créer leur docu-fiction. Sur le plan graphique, l’encre et la gouache offrent de très belles scènes.

En effet, les dessins à l’encre et à la gouache reconstituent fidèlement des scènes de bataille, avec un véritable soin apporté aux tenues, aux armes, aux tactiques militaires, aux sites célèbres et aux personnages. Les mouvements des légions romaines et des troupes gauloises sont particulièrement réussis, avec de très belles planches illustrant les batailles.

Un important carnet documentaire, d’une quarantaine de pages, présente le travail des auteurs ainsi que leurs recherches, le tout agrémenté de clichés, dessins, cartes, d’une riche chronologie ainsi que d’une bibliographie.

 

 

Au-delà de quelques longueurs liées à la précision du travail d’historien réalisé par les auteurs, ce roman graphique devrait satisfaire les amateurs d’histoire romaine. De plus, c’est une belle façon de redécouvrir la Guerre des Gaules, le monde celtique et le personnage de Vercingétorix.