Depuis l’origine, l’homme, obligé de se déplacer, est contraint de prendre des repères afin de pouvoir retrouver son chemin. Ses points de repère les plus sûrs sont ceux qui sont les plus lointains, intangibles malgré des variations dans le temps car récurrents, soleil, lune, étoiles. Sa mémoire étant faillible, un progrès considérable apparaît lorsqu’il peut les graver, les noter, lister ses jalons, établir un plan, élaborer une carte. Mais la difficulté, après une observation soigneuse, réside dans l’interprétation des constatations, puis dans leur description de plus en plus précise pour parvenir in fine au dessin. Ainsi, l’homme passe t-il de l’infiniment grand observable au plus petit détail mesurable et reproductible, de la cosmographie à la géodésie, puis à la topographie, enfin à la cartographie.
Cette aventure humaine dura des millénaires et l’auteur s’applique à la parcourir thématiquement et chronologiquement, en montrant les différents progrès obtenus au cours des âges dans chaque catégorie ainsi que l’enchaînement des idées des différents protagonistes.
Nous suivrons le même chemin.
La cosmographie, qui est, rappelons-le, la description de la situation et des mouvements de l’univers, rapidement évoquée, permet à l’auteur de préciser toutes les notions de géométrie plane ou dans l’espace, utiles pour comprendre la suite. La géodésie qui est l’étude de la forme et des dimensions de la planète est étudiée dans la foulée, de l’Antiquité grecque au 20e siècle, avec un développement plus important concernant les problèmes de calcul de la Méridienne, des quatre Cassini à Arago. L’enchaînement logique de l’ouvrage se poursuit avec l’histoire de la topographie, avec un plan rigoureux, des systèmes de projection au travail du géomètre sur le terrain, pour finir par l’étude de la cartographie.
Parcours thématique sur la cosmographie
Cette dernière est malheureusement un peu légère ; l’histoire en est rapidement évoquée, en grandes lignes, de l’Antiquité à nos jours avec de surprenants oublis (pas une ligne sur les tentatives de découpage géométrique de la France révolutionnaire lors de l’élaboration des départements et de leurs subdivisions par exemple), puis l’auteur s’intéresse à l’évolution du langage cartographique, à celui de la cartographie urbaine, enfin à celui de la production des cartes ; le chapitre se termine, « En guise d’épilogue », sur une digression étonnante et nostalgique concernant l’enseignement des notions de cartographie et de géographie (qui n’est pas étudiée dans l’ouvrage par ailleurs) « … apprises à l’école [autrefois] »…
L’ouvrage aurait pu s’arrêter là, mais il est loin d’être terminé. Il est prolongé tout d’abord par l’histoire des institutions françaises (Dépôt de la guerre, Service géographique de l’armée et IGN) avant de prendre trois exemples pouvant servir à illustrer le propos : un topographe français (André Cholesky), une région (les Alpes et le Mont Blanc), un continent (l’Amérique).
Si l’idée est intéressante, les exemples sont choisis de façon très subjective et traités de manière très artificielle.
Ni photo aérienne, ni satellitaires ?
Ainsi, le lecteur finit par comprendre que le véritable but de l’ouvrage est l’évocation approfondie de Cholesky, inventeur d’une méthode de mathématiques appliquées, qui était inconnu, et dont l’auteur – spécialiste de l’histoire des mathématiques- a découvert l’existence et les travaux . Le lecteur est donc en droit de se poser la question si l’auteur, Claude Brezinski, co-directeur de la collection Acteurs de la Science aux éditions L’Harmattan, n’a pas eu besoin d’un prétexte pour évoquer sa découverte qui ne pouvait peut-être pas faire l’objet d’un ouvrage plus conséquent. Cette hypothèse est largement confortée par le titre de l’ouvrage lui-même : l’intituler « Les images de la Terre » alors que la photographie aérienne, qui a fait avancer prodigieusement la topographie et la cartographie, ou les vues prises par satellite qui les ont révolutionnées ne sont jamais évoquées est, on me pardonnera l’expression populaire, « fort de café » !
Dans ces conditions, le lecteur intéressé par le sujet ne peut que rester sur sa faim.
Ce que l’auteur de l’ouvrage n’a pas découvert n’y figure pas et dans ce domaine les oubliés sont légion, en y incluant les géographes, par exemple ! Le curieux qui a envie d’en connaître un peu sur le sujet – en se passant d’un lexique qui aurait pu être utile – peut s’y intéresser, tout autre passera son chemin.
Jean-Claude Bastian