Les combats sur le front de l’est durant la Seconde Guerre mondiale font l’objet de nombreux ouvrages. Mais rares sont ceux qui s’intéressent au rôle joué par les alliés de l’Allemagne dans ce conflit. L’ouvrage de David Zambon comble cette lacune en ce qui concerne l’engagement des Italiens sur ce front.  Cette synthèse se décompose en 3 parties, une première consacrée aux raisons de cet engagement, une autre qui traite des combats menés par les Italiens et la dernière au rôle joué par les Italiens dans la guerre d’anéantissement.

 

Un engagement aux objectifs multiples.

Pour Mussolini, l’engagement italien doit être significatif et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord cela répond à un objectif idéologique du fascisme, la lutte contre l’ennemi communiste qu’incarne l’Union soviétique. Mais il veut aussi redorer le blason des armées italiennes, mis à mal après les déconvenues grecques et africaines, et ainsi montrer que l’Italie a droit à une place de choix dans l’Europe hitlérienne.

Mais cet engagement va se faire au détriment du front africain qui va se voir privé de certains renforts et matériels. Et surtout avec les moyens limités de l’Italie, les forces envoyées vont souffrir de leur faible motorisation, de l’absence de vrais moyens blindés ou antichars et dans les faits être dépendantes de la logistique allemande.

 

Des résultats qui sont le reflet du manque de moyens.

Les forces italiennes envoyées en Union soviétique forment le CSIR (Corpo di Spedizione Italiano in Russia) formé de 3 divisions d’infanterie, soutenues par un groupe aérien d’une centaine d’appareils. C’est 62 000 hommes qui arrivent ainsi en août sur le front et sont rattachés à la 11° armée allemande au sein du groupe d’armée Sud de Von Rundstedt. En liaison avec les troupes allemande, les Italiens participent aux combats sur le Dniestr puis sur le Donets, où ils font bonne figure malgré leurs moyens limités. Cependant des tensions se produisent entre alliés, les Allemands donnant la priorité logistique à leurs troupes au détriment des Italiens.

La contre-offensive russe de l’hiver est moins prononcée au sud, et, avec le soutien de blindés allemands et au prix de lourdes pertes, les Italiens préservent leurs positions. Mussolini profite de l’échec allemand pour proposer de nouvelles troupes à Hitler, pensant ainsi se rendre indispensable. Le CSIR est alors transformé en ARMIR (Armata Italiana in Russia) ou 8° armée italienne. Celle-ci comprend désormais 3 divisions d’infanterie et de 3 divisions alpines ainsi que quelques unités de chemises noires, soit près de 220 000 hommes avec les unités de soutien.

Malgré l’espoir de Mussolini de voir ses troupes jouer un rôle de premier plan, notamment les troupes d’élite des divisions alpines, les Italiens sont cantonnés à un rôle secondaire et s’épuisent en marches forcées. Après avoir participé aux combats dans la région du Donets, ils se voient attribuer une position défensive, le long du Don, sur les arrières de la 6° armée allemande en route vers Stalingrad.

L’opération Uranus qui aboutit à l’encerclement de la VI° armée allemande à Stalingrad oblige les Allemands à retirer les divisions placées en soutien des Italiens pour qu’elles puissent tenter de rétablir un front après que la 3° armée roumaine ait été écrasée par les Soviétiques. C’est l’opération Petit Saturne, déclenchée le 16 décembre 1942 qui voit 3 armées russes (dont 2 de la garde) attaquer le secteur tenu par les Italiens. La supériorité soviétique est totale, en termes d’effectifs mais surtout en termes de matériels (blindés, canons, aviation). Les troupes italiennes résistent comme elles peuvent avant de voir leur front percé. Les survivants tentent de fuir vers l’ouest en deux colonnes, regroupant les restes des diverses divisions et d’unités allemandes.

Seules les divisions alpines, situées dans un secteur plus calme échappent à cette première offensive soviétique. Elles sont à leur tour attaquées et enfoncées (comme leurs voisins Hongrois et quelques unités allemandes) en janvier 1943.Les débris des unités s’organisent comme ils peuvent pour tenter de regagner les lignes de l’Axe . Au total, c’est plus de la moitié des troupes qui ont disparues, la 8° armée italienne n’existe plus. Décision est prise de la rapatrier en Italie à partir de mars 1943.

La marine italienne a elle aussi amené sa modeste contribution à l’effort de guerre de l’Axe en envoyant par voie ferrée puis via le Danube des vedettes lance-torpilles et des petits sous-marins qui se battent en mer Noire jusqu’en 1943.

 

Un rôle marginal dans la guerre d’anéantissement ?

Les troupes envoyées à l’est, ont été, comme le reste de la société italienne, soumise à une propagande anticommuniste farouche dénonçant notamment l’athéisme soviétique. Mais ils sont relativement insensibles à la dimension raciste du conflit, étant parfois eux-mêmes victimes des préjugés allemands sur les latins. Un préjugé qui n’a fait que se renforcer une fois les troupes italiennes enfoncées par les Soviétiques. Les Allemands qui rendent leurs alliés de l’Axe (Italiens, roumains et Hongrois) responsables de la défaite de Stalingrad alors que plus que la motivation, c’est le sous-équipement (connu des Allemands) qui explique largement les difficultés italiennes. La retraite de l’hiver 1942 est d’ailleurs source de fortes tensions entre les alliés.

Les troupes italiennes sont avant tout une force combattante et non d’occupation. On ne leur confie donc pas vraiment de territoires à administrer ni de ressources à exploiter ce qui déçoit Mussolini. Les Italiens sur le front et l’arrière-front du Don ont cependant au contact de populations civiles pendant plusieurs mois.  Ils semblent entretenir des rapports cordiaux avec la population bien loin du comportement prédateur des Allemands.

Il en est de même dans la lutte contre les partisans, les Italiens critiquent les méthodes allemandes d’anéantissement, ils évitent les représailles globales. Ce qui ne les empêche pas de fusiller ceux qu’ils considèrent comme étant des partisans. Ils bénéficient de circonstances favorables, le secteur où stationnent les Italiens n’est pas favorable au développement des partisans, ce qui limite de fait les affrontements/représailles. De la même manière, les Italiens sont plus spectateurs qu’acteurs du génocide juif. Les témoignages montrent des soldats davantage choqués de ce à quoi ils assistent que complices. Et de fait, peu d’Italiens seront poursuivis par les tribunaux soviétiques durant l’après-guerre.

 

En conclusion

Un ouvrage bien écrit sur un sujet original et qui aurait mérité plus de pages pour développer certains points. Notamment sur la relation entre histoire et mémoire qui est abordée en conclusion.  Le travail de l’auteur est cependant bien documenté et aborde un pan méconnu de l’affrontement à l’est.