Paris, septembre 1814. La Première Restauration donne déjà des signes de fragilité. Les Bourbons n’ont pas réussi à se réconcilier l’affection populaire. Les faubourgs ouvriers de la capitale, minés par la crise manufacturière, s’inquiètent et inquiètent. Les partisans impénitents de l’Empereur déchu complotent son retour dans les cafés. C’est dans ce moment trouble qu’un austère commissaire de police en disgrâce, Samuel Le Mullois, est chargé d’une enquête confidentielle sur la mort suspecte d’un petit patron filateur au passé d’agitateur révolutionnaire. Le disparu, peu regretté en raison de sa personnalité interlope et de son influence délétère auprès des prolétaires du faubourg Saint-Antoine, était le détenteur d’une mystérieuse pièce compromettante que les puissants du jour souhaitent s’approprier. Chargé officieusement de retrouver la trace de cet énigmatique « Livret rouge », Samuel Le Mullois arpente les rues de Paris du quartier Saint-Antoine au Palais-Royal, de l’Éléphant en plâtre de la Bastille à la nouvelle passerelle Saint-André-des-Arts. Au fil de ses déambulations, le discret commissaire croise officiers en demi-solde, taverniers et ouvriers, observe royalistes, bonapartistes et républicains, écoute cyniques, opportunistes, idéologues et illuminés. Alors que le retour de l’Aigle se précise et finit fatalement par advenir, l’intrigue policière prend progressivement la tournure d’une investigation politique, historique et philosophique, dont le dénouement passe par une exploration rétrospective des temps obscurs et sanglants où la République idéaliste s’égara dans les affres de la Terreur.

Conformément aux codes du genre, ce roman historique mêle habilement ses personnages fictifs à des protagonistes célèbres ayant réellement existé, de Simon Duplay, fidèle préposé de Joseph Fouché, au grand manufacturier Richard-Lenoir. L’auteur, historien spécialiste de la période, tire parti de sa connaissance parfaite du contexte historique pour camper finement le cadre de son aventure. On lui sait également gré d’offrir au lecteur une promenade agréable et dépaysante dans le Paris de 1814. En dépit d’un riche imaginaire dont Balzac, Dumas, Jean-Claude Brisville ont su en leur temps tirer le meilleur parti, l’époque est encore relativement délaissée par le genre policier historique, que seule semble avoir imprégné la puissante stature de Vidocq luttant contre la pègre. Dans un registre plus introspectif, les héros à la fois désenchantés et utopistes de Laurent Nagy sont les aimables compagnons d’un voyage alternatif et plaisant dans un moment de transition historique incertain, mais marquant, de la France du XIXe siècle. On leur doit une évasion littéraire de bonne qualité.

 

L’auteur a construit un site autour de son livre où il présente les sources qu’il a utilisées à l’intention des lecteurs :
https://commissairelemullois.wixsite.com/website

 

© Guillaume Lévêque