La reddition de Breda.
Dans le long conflit, la guerre de Quatre-Vingts ans, opposant Hollandais et Espagnols, le siège de Breda suit une trêve de douze années et intervient dans une phase délicate pour l’armée espagnole ; il faut une victoire de prestige à Spinola pour reprendre la main d’où le choix de Breda, porte d’entrée en Hollande réputée imprenable. Dix mois de siège furent nécessaires aux troupes de Philippe IV pour en venir à bout : Justin de Nassau, chef de la place, remis sa reddition à Ambroise Spinola le 2 juin 1625, la scène centrale du tableau de Vélasquez. Voilà pour l’Histoire.
Une pièce d’un programme iconographique.
Philippe IV et son valido, Olivarès, à la tête du royaume ibérique depuis 1621, décidèrent l’édification d’un palais, El Buen Retiro, afin de satisfaire leurs goûts et chanter les exploits militaires du souverain ; c’est là qu’intervint Vélasquez, peintre royal, chargé, avec d’autres artistes, de représenter une des douze victoires du prince sélectionnées pour constituer, avec les reproductions des douze travaux d’Hercule (en fait dix seulement furent réalisés répondant aux dix fenêtres de chaque mur), le programme iconographique du salon des royaumes. A Vélasquez, fut attribuée la réalisation de la reddition de la place de Breda en sus de cinq portraits équestres de la famille royale.
De prime abord, ces Lances ne posent guère de problèmes de compréhension, tout y semble clair et Bartolomé Bennassar, se positionnant tel le visiteur lambda du Prado, décrit simplement chaque plan : le face-à-face vainqueur/vaincu, les accompagnateurs, les troupes hollandaises, les traces du siège, la plaine au loin. En somme, il s’agirait d’une simple glorification du souverain, commanditaire de l’œuvre et, à travers lui, de la puissance espagnole, symbolisée par ces fameuses lances ou plutôt piques comme se plaît à le souligner l’auteur, les piques des piqueros formant une partie du tercio.
L’artiste, l’art et l’histoire.
Seulement à y regarder plus près, l’œuvre révèle le travail de l’artiste et son évolution :
*Travail sur l’œuvre en premier lieu ; les esquisses détectées par la radiographie nous apprennent que Vélasquez a allongé ses lances, que les visages des Espagnols ont fait l’objet de plusieurs essais. La scène de la reddition aussi a son histoire et intrigue B.Bennassar lorsqu’il la compare à d’autres, la reddition de Juliers par exemple : pourquoi avoir mis vainqueur et vaincu sur un même plan ? Il faudrait y voir de la part du peintre, à la fois un hommage aux qualités du vaincu, s’inspirant d’une tirade de Pedron Calderon de la Barca, extraite de sa pièce « le siège de Breda », mais aussi une forme de liberté prise par l’artiste vis-à-vis de l’histoire, liberté confirmée par l’allure fringante donnée aux Espagnols pourtant épuisés par une si longue épreuve.
*Travail d’un artiste en évolution constante en qui Manet et Renoir verront un précurseur tant l’arrière-plan des Lances de Breda abandonne la régularité des lignes du premier plan pour un mélange de couleurs diffuses au caractère novateur.
L’histoire de l’art voit son rôle revalorisé dans les projets de nouveaux programmes de collège particulièrement en classe de quatrième et cette collection trouvera là tout son intérêt afin de venir en aide aux enseignants qui par ailleurs pourront déjà utiliser sans difficultés le petit livre de Bartolomé Bennassar pour leur présentation de l’Europe moderne.
Un livre donc utile, facile d’accès, bien illustré, clair dans son propos, peut-être un peu cher mais atteignant son but : « faire découvrir au fil d’un court essai un moment d’histoire ».
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