En introduction, Fabien Archambault, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pointe trois phénomènes qui ont modifié le dessein olympique élaboré dans les deux premières décennies du XXe siècle par Coubertin et le groupe qui l’entourait. Il s’agit de l’américanisation culturelle du monde, de l’ascension de l’Union soviétique sur la scène internationale et de l’universalisation du mouvement olympique qui est consolidé par la vague des indépendances.

Coubertin médaille d’or

Ce que l’on désigne par convention comme les premières olympiades modernes comme Paris 1900 était en réalité des concours ludiques et non exclusivement sportifs insérés dans des expositions internationales. Coubertin avait une conception élitaire de la pratique artistique et sportive. Celle-ci s’inscrivait dans un système de références liées à l’Antiquité, ce qui manifestait la prééminence symbolique d’une classe privilégiée. Pendant sept olympiades, de 1912 à 1948, se met ainsi en place une sorte de Salon international des arts. Les concours artistiques ont été instaurés et maintenus par Coubertin dans les premières décennies du XXe siècle. Ils ont constitué un reliquat des conceptions aristocratiques et élitistes de la culture héritées d’un monde disparu, celui du XIXe siècle.

Itinéraire d’une jeune fille sportive : Anvers 1920

Suzanne Lenglen a remporté trois médailles lors de cette olympiade. Quatre ans plus tard, les Jeux de Paris doivent commencer la veille de la finale de Wimbledon : ni le CIO ni la FILT (Fédaration Internationale de Tennis sur Herbe en traduisant de l’anglais) ne cèdent avec pour conséquence que les meilleurs joueurs anglo-saxons ne se présentent pas dans la capitale française. L’affrontement entre la FILT et le CIO aboutit en 1928 à l’exclusion du tennis du programme des Jeux d’Amsterdam ce qui indique la mainmise qu’a fini par exercer la fédération internationale sur son sport. Pendant longtemps, des raisons d’ordre médical sont invoquées pour retarder l’entrée d’une discipline féminine. La féminisation du mouvement olympique a été soutenue par les pays socialistes pour des raisons idéologiques.

Qu’est-ce qui fait courir Nurmi ?

Il a remporté cinq médailles d’or en trois jours en 1924. Face à de tels résultats, certains journalistes font l’hypothèse d’une « prédisposition biologique des Finlandais ». De tels arguments ont été évoqués dans les années 1980 pour expliquer les succès des Marocains en athlétisme. Il faut aussi mesurer que Nurmi est à son époque une véritable star qui effectue, par exemple, une longue tournée de cinq mois aux Etats-Unis.

Les Jeux de 1936 n’ont pas eu lieu

Dans ce chapitre, Fabrice Archambault évoque l’Olimpiada popular qui aurait dû avoir lieu en juillet 1936 dans la capitale catalane. Au passage, l’auteur contredit l’anecdote selon laquelle le Führer aurait refusé de serrer la main de Jesse Owens. Organisée dans la perspective de faire concurrence aux Jeux olympiques de Berlin, l’olympiade populaire de Barcelone se voulait un rassemblement culturel et politique exprimant la vigueur de l’antifascisme en Europe.

Les derniers seront les premiers : Rome 1960

Les images de Bikila, premier Africain noir à remporter un titre olympique, s’inscrivent durablement dans l’imaginaire collectif. Le parcours du marathon avait été choisi pour mettre en valeur le patrimoine historique de Rome. La performance du champion éthiopien n’était pas le fait d’un athlète isolé mais était au contraire inséré dans un système sportif visant à atteindre l’excellence dans certaines spécialités. La victoire de Bikila est vue comme l’arrivée d’un troisième acteur dans les relations internationales, jusque là uniquement structurées par les Etats-Unis et l’URSS.

Les « sorcières orientales » : Tokyo 1964

Les Japonais sont fascinés par la perfection du corps classique. Aussi, le dernier porteur de la flamme n’est pas choisi au hasard. Il est né le 6 août 1945, jour du bombardement atomique sur Hiroshima et il est aussi sélectionné en raison de sa grande taille et de ses traits réguliers qui renvoient à l’idéal classique ancien. Le Comité olympique nippon a négocié avec le CIO l’entrée de deux nouvelles disciplines : le judo et le volley-ball, à la fois masculin et féminin. Les volleyeuses japonaises étaient championnes du monde en titre et représentaient une bonne chance d’obtenir une médaille d’or. La presse nippone les affubla du surnom de « sorcières de l’Orient », ce qui les renvoyait de manière implicite à la mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale.

Le gang des chaussettes noires : Mexico 1968

A propos du célèbre geste de Tommie Smith et John Carlos, on apprendra peut-être que ce dernier avait oublié sa paire de gants noirs. Les deux athlètes se partagent donc la paire qui reste. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que leur geste s’inscrit dans le répertoire militant du Black Power. Les deux athlètes sont rapidement exclus du village olympique.

Trois secondes de guerre froide : Munich 1972

L’auteur revient sur cet incroyable match de basket entre les Etats-Unis et l’URSS. Alors que les Nord-Américains mènent d’un point à trois secondes de la fin de la rencontre, ces trois secondes sont données à rejouer à trois reprises à l’issue desquelles les Soviétiques marquent dans les derniers dixièmes de seconde le panier décisif qui leur offre la victoire.

Pour tout l’or du monde : Montréal 1976

Au temps de la guerre froide, la fuite d’un athlète du camp de l’Est vers l’Ouest était fortement médiatisée. Pourtant, comme le rappellent les travaux de Sylvain Dufraisse, les fuites se sont en réalité révélées très limitées.

Tirer à tout prix : Los Angeles 1984

La différenciation entre athlètes valides et handicapés n’existe pas au début. Ainsi, en 1948, le sergent de l’armée hongroise Takacs gagne la médaille d’or au tir au pistolet à 25 mètres. Il est amputé de la main droite et il tire donc avec sa «  mauvaise main ».

Derniers feux à l’Est : Séoul 1988

Le concours de gymnastique vit s’affronter la soviétique Chouchounova et la Roumaine Silivas. La lutte entre elles est particulièrement serrée. L’auteur revient ensuite sur l’évolution de la discipline. Depuis la fin des années 60, on pouvait noter une évolution vers l’acrobatisation. Cette tendance a notamment ses défenseurs en URSS car les entraineurs sont issus du monde des arts du cirque.

Etre une femme : Londres 2012

Ce chapitre évoque le cas de Caster Semenya, jugée trop masculine. Il revient sur la mise en place progressif de procédures pour vérifier la féminité des athlètes. Aujourd’hui, c’est la méthode chromosomique qui est utilisée mais cela ne va pas sans poser problème. En effet, elle laisse de côté 5 % de la population mondiale, les intersexes. L’auteur évoque aussi la place des athlètes noirs dans l’athlétisme en montrant qu’ils furent très tôt animalisés. Ainsi Florence Griffith-Joyner était qualifiée de «  gazelle » ou de « panthère ».

 

Cet ouvrage permet donc de se mettre dans l’ambiance des Jeux olympiques à venir en reparcourant quelques grands moments de cette compétition à part. Il ne se contente pas de raconter les faits mais il replace également chaque fait sélectionné en perspective.