L’ouvrage dirigé par Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat et Rudy Reichstadt fournit une riche synthèse sur l’antisémitisme dans la vie politique française depuis la guerre des Six Jours. Alexandre Bande et Pierre-Jérôme Biscarat, respectivement enseignant en CPGE et historien, ont dirigé la Nouvelle Histoire de la Shoah (avec Olivier Lalieu). Rudy Reichstadt a publié de nombreux ouvrages sur le complotisme dont Au coeur du complot.
Antisionisme et antisémitisme
L’ouvrage débute par une synthèse claire et sur un temps long des liens entre antisionisme et antisémitisme par Alexandre Bande. Les liens entre les différents antisémitismes sont bien montrés à l’aide d’exemples pris à la fois dans le monde arabe, dans la sphère soviétique et en France.
Antisionisme et antisémitisme entretiennent des liens anciens. En effet, premier congrès sioniste et publication du Protocole des Sages de Sion sont contemporains. Le projet de création d’un « foyer national juif » suscite la crainte fantasmée d’une domination universelle des Juifs. L’éditeur antisémite Roger Lamberlin, puis Adolf Hitler, estiment qu’un Etat juif serait un centre décisionnel pour ce complot. Parallèlement, des mouvements nationalistes arabes s’unissent dans les années 1930 contre l’installation des Juifs en Palestine et des violences antisémites ont lieu dans différents Etats arabes (Irak, Syrie, Egypte, Arabie…). A partir du 14 mai 1948 et de la création de l’Etat d’Israël l’antisionisme revient, désormais, à vouloir la disparition de l’Etat d’Israël. Dès 1962, le négationniste français Paul Rassinier compare Israël à l’Allemagne nazie en dénonçant son « racisme » envers les populations arabes tout en affirmant que « l’Holocauste est un mythe destiné à servir l’intérêt des Juifs et du jeune Etat d’Israël ». En URSS et dans les démocraties populaires, une vague d’antisémitisme sévit dans les années 1930. Lors du procès de Prague de 1952, les inculpés pour « trahison », juifs majoritairement, sont accusés de « sionisme ». Israël est comparé à un IIIe Reich, propagande reprise dans le monde arabe, notamment par l’OLP.
La guerre des Six Jours, en 1967, choisis par les auteurs comme point de départ du livre, marque une rupture fondamentale. Opposée aux armées égyptienne, syrienne et jordanienne, Tsahal prend le contrôle du Golan, du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, occupation dénoncée par l’ONU (résolution 242). La guerre des Six Jours marque explicitement le refus des Etats arabes de reconnaître l’existence d’Israël. En 1969, le Fatah de Yasser Arafat demande ainsi le remplacement d’Israël par un Etat palestinien. Le discours anti-israélien se renforce dans le bloc soviétique, accompagné d’un fort antisémitisme. Symbole de la répression, 13 000 Juifs quittent définitivement la Pologne en 1968 en l’espace de quelques mois. ce discours est repris dans les démocraties : en 1967, le général de Gaulle qualifie les Juifs de « peuple d’élite sûr de lui même et dominateur ».
Le philosophe Vladimir Jankélévitch résume ainsi ces liens étroits entre antisionisme et antisémitisme : » L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. » (L’imprescriptible, 1967).
Les années 1970 sont marquées à la fois par des attentats contre Israël en 1972 (Aéroport Lod à Tel Aviv et JO de Munich) et par un soutien mondialisé aux Palestiniens. Anticolonialisme et diabolisation du sionisme sont associés. Parmi les exemples notables, l’ONU prend position contre Israël dans plusieurs résolutions dont la 3379. Elle affirme que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». De même, la conférence des pays non-alignés affirme, en 1979, que le sionisme est un « crime contre l’humanité ».
Il faut attendre les années 1990 pour voir une inflexion dans le contexte de la chute de l’URSS. La résolution 3379 est ainsi abrogée. En France, l’extrême-droite reste marquée par le négationnisme. La loi Gayssot est adoptée en 1990, alors que la profanation du cimetière de Carpentras a suscité une vive émotion. L’antisionisme continuer à masquer un antisémitisme : liste antisioniste aux élections européennes de 2009 en Ile-de-France, violences et slogan « mort aux Juifs » scandé lors de manifestations propalestiniennes en 2014 par exemple.
Le terme d’antisionisme fait débat : certains l’associent à la volonté de voir disparaître Israël, d’autres estiment qu’il s’agit d’une forme de critique de la politique israélienne. Israël est le seul Etat au monde pour lequel un terme spécifique désigne le fait de remettre en cause son existence. Il apparaît souvent, en associant l’ensemble des Juifs, à la politique israélienne, comme une nouvelle manière d’haïr les Juifs.
L’antisémitisme dans les partis d’extrême-droite
Valérie Igounet, spécialiste du négationnisme, aborde dans un premier temps le Front National puis le Rassemblement national. Elle rappelle les liens entre Ordre Nouveau et le FN à travers notamment la figure de François Duprat, penseur négationniste et acteur de la création du parti. Il associe propos négationniste et soutien aux Palestiniens, il estime que les Juifs pratiquent un « génocide » envers les Arabes, ce qui n’était pas, selon lui, le cas des nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Jean-Marie Le Pen se distingue également par de multiples déclarations antisémites comme ses insinuations sur le physique de Pierre-Mendès France en 1958. L’organigramme du parti compte à la fois d’anciens collaborateurs et des activistes antisémites de la nouvelle génération. François Duprat devient le numéro 2 du parti à partir de 1974 jusqu’à sa mort en 1978. La loi sur l’IVG est dénoncée comme un élément d’une politique de génocide visant la population européenne.
En 1987, la déclaration sur les chambres à gaz décrites comme « un point de détail de l’histoire » par Jean-Marie Le Pen marque un tournant, éloignant le FN d’une possibilité de gouverner le pays. Cette idée, réaffirmée en 1997, est également une des causes de la rupture avec Bruno Mégret. L’accession au second tour de la présidentielle de Jean-Marie Le Pen en 2002 s’accompagne de la montée en puissance de Marine Le Pen. Désormais, une partie du FN veut montrer qu’elle peut être un parti de gouvernement, même si J.-M. Le Pen a du mal à suivre cette nouvelle orientation. Marine Le Pen désapprouve publiquement les propos antisémites de son père. La campagne de 2007 marque un recul du parti. En 2011, Marine Le Pen devient la présidente du parti, remportant la mise face à Bruno Gollnisch. Malgré une rupture annoncée avec l’antisémitisme, la position de Marine Le Pen reste ambiguë. Les électeurs du RN sont aussi en moyenne plus complotistes et plus antisémites que les électeurs d’autres partis. Si les exemples de membres du parti antisémites ne manquent pas, le RN brigue également en 2022 la présidence du groupe d’étude sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale. La même année, le couple Klarsfeld reçoit la médaille de la ville de Perpignan des mains de Louis Alliot.
Jean-Yves Camus poursuit avec un chapitre consacré à Eric Zemmour et à Reconquête autour de deux axes : le travestissement de l’histoire et la réticences à écarter des cadres et militants venus de formations teintées d’antisémitisme. Un paradoxe est aussi pointé : c’est le seul parti politique européen d’extrême-droite dirigé par un juif. L’islamophobie unit cependant ses partisans, qui considèrent l’islam comme le principal danger, le confondant au passage avec l’islamisme. A l’extrême-droite, seule la frange la plus antisémite (Rivarol, le site internet Jeune Nation, Egalité et réconciliation…) l’attaque sur sa judéité.
Comme l’a démontré Laurent Joly (La falsification de l’histoire), Eric Zemmour laisse planer le doute sur une culpabilité du capitaine Dreyfus et soutient que le maréchal Pétain a sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il reprend la « théorie du glaive et du bouclier », chère aux pétainistes. Il bâtit ainsi « un roman national contre-fait ».
L’antisémitisme dans les partis de droite
Jean Garrigues revient sur la déclaration de De Gaulle sur le peuple juif comme « peuple d’élite, sûr de lui même et dominateur » et la replace dans le contexte d’un changement de politique au Proche-Orient. Il tient ses propos quelques mois avant la guerre des Six Jours. La France défendra Israël en cas d’attaque, mais condamnera une attaque israélienne. Georges Pompidou poursuit la politique gaulliste. Les relations ne se réchauffent que lors du vote à l’unanimité de la loi Pleven en 1972.
Mais de nouvelles tensions émergent lors de la guerre du Kippour lors que Michel Jobert, ministre des Affaires Etrangères, déclare : « Est-ce que tenter de remettre les pieds chez soi constitue forcément une agression imprévue ? ». Sous Valéry Giscard d’Estaing, un bureau de l’OLP est autorisé à Paris dans un contexte d’actes antisémites violents. Nous pouvons citer la profanation du Mémorial du Martyr juif inconnu, de magasins juifs saccagés en 1974, les bombes déposées devant les bureaux du Club Men en 1978, une série d’attentats en 1979-1980. Ces attaques posent la question de l’antisionisme et du lien avec le conflit israélo-palestinien. Ainsi, l »attaque du foyer des étudiants israélites à Paris est revendiqué par une « Union pour une Palestine libre et démocratique » alors que celui de la rue Copernic, le 3 octobre 1980, est attribué au FPLP. Quelques jours plus tard, différents lieux fréquentés par les juifs sont attaqués à la mitraillette : une crèche rue Lamarck, la synagogue rue de la victoire, le Mémorial du Martyr juif inconnu, l’école Lucien-de-Hirsch.
Pierre-Jérôme Biscarat évoque ensuite le centre-droit développant largement le cas de Raymond Barre sur les « Français innocents qui traversaient la rue » tués lors de l’attentat de la rue Copernic en opposition aux « Israélites qui se rendaient à la synagogue » et ceux de Christian Bonnet, ministre de l’Intérieur : « je supplie ces jeunes Israélites de ne pas provoquer l’escalade ». Il demande ainsi aux victimes de ne pas jeter d’huile sur le feu. Une interview de 2007 sur France Culture revient sur ces déclarations et est reproduite dans l’ouvrage. Raymond Barre y défend Maurice Japon, décrit comme un bon ministre du budget, il rejette l’idée que la déportation des Juifs de France était un « intérêt national majeur » qui aurait dû pousser les fonctionnaires de Vichy à démissionner. Il assume ses déclarations de 1980 avant d’évoquer un « lobby juif ». Il défend également Bruno Gollnisch, un « homme bien » selon lui. Les alliances avec le FN sont ensuite évoquées à travers les exemples de Jean-Claude Gaudin et de Charles Millon. Peu nombreuses sont les figures centristes à avoir une ligne claire hormis Simone Weil, Bernard Stasi et François Bayrou.
A partir de 1995, une rupture a lieu et s’ouvre « le temps de la repentance » à partir du discours de Jacques Chirac au Vel d’Hiv’. Dans un contexte de vague d’antisémitisme, Jacques Chirac, Lionel Jospin et Nicolas Sarkozy tentent d’incarner la plus grande fermeté face à la multiplication des actes antisémites dont les plus marquants sont l’assassinat d’Ilan Halima en 2006 et l’attentat de Toulouse en 2012.
Emmanuel Macron et Renaissance
Emmanuel Macron s’est distingué par des positions ambigües. Si son discours au Vel d’Hiv de 2017 se place dans la continuité de celui de Jacques Chirac et qu’il a assimilé l’antisionisme à une forme d’antisémitisme, ses déclarations autour de la question d’un hommage national rendu à Pétain en tant que « grand soldat » interrogent. Le président de la République est par ailleurs attaqué sur ses liens avec la banque Rothschild, sur un registre mobilisant les clichés antisémites. De même, il déclare que Maurras s’inscrit dans l’histoire de France et reprend les expressions de « pays légal » et de « pays réel » fréquemment utilisées par ce dernier. En 2022, il inaugure « en même temps » le mémorial de la gare de Pithiviers.
Les Verts face à l’antisémitisme
Chez les écologistes, à commencer par René Dumont après l’attentat de la rue Copernic, l’antisémitisme est un « racisme » comme un autre. René Dumont n’évoquait la question juive que sous l’angle du conflit au Moyen-Orient. Emmanuel Debono évoque les dérapages de certains membres du parti : Jean Brière qui dénonce le lobby juif et assimilé Israël à un « Etat raciste » est exclu du parti en 1991, mais un tiers des Verts se sont abstenus de condamner son texte. L’engagement pro-palestinien domine dans le parti : par exemple, Ginette Hess-Skandrani milite pour un Etat palestinien multiconfessionnel sur le territoire d’Israël et des territoires palestiniens. Elle s’oppose en 1993 aux accords d’Oslo, qui mettent en avant une solution à deux Etats. Elle fréquente par ailleurs les milieux négationnistes et apporte son soutien à Roger Garaudy lors de son procès pour négationnisme entre 1996 et 1998 puis se rapproche de Dieudonné. Là, encore, son exclusion du parti prend du temps, elle n’est prononcée qu’en 2005.
Le blocus mis en place à Gaza à partir de 2006 marque un durcissement de la position du parti, qui s’engage dans la campagne « boycott, désinvestissement et sanctions » (BDS). En 2012, Eva Joly approuve les propos de Nathalie Arthaud qui compare Gaza à un « camp de concentration à ciel ouvert ». Des membres d’EELV mettent en avant un apartheid fantasmé, dans un Etat où 20 % de la population est arabe et jouit des mêmes droits que les autres Israéliens. Ce discours et les tensions internes sur le sujet sont en contradiction avec les sondages qui montrent que l’électorat des Verts est moins enclin à adhérer aux préjugés antisémites que la moyenne. Le tollé suscité par l’invitation du rappeur Médine aux journées d’été du parti à l’été 2023, montre cependant une nouvelle fois la position ambiguë d’EELV.
L’antisémitisme introuvable ? Socialistes et radicaux face à la haine des Juifs
Stéphane Nivet évoque tout d’abord Pierre Mendès France, hué, visé par des insultes antisémites pendant la campagne pour les législatives de 1967. La position de la gauche de gouvernement face à l’antisémitisme est alors claire et sert de séparation dans le paysage politique français d’après-guerre. Les socialistes se distinguent ainsi des communistes, dans le cadre d’une réactivation de l’antisémitisme du régime soviétique depuis 1967. Les positions sont fermes : condamnations unanimes des propos du général De Gaulle, critique de la grâce accordée par Georges Pompidou à Paul Touvier, soutien aux demandes d’extradition de Klaus Barbie.
Après le congrès d’Épinal en 1971, des fractures internes se font jour autour de l’OLP, du groupe Septembre noir (autour de l’attentat des JO de Munich). Ainsi Michel Rocard déclare : « Les morts de Munich apportent la preuve que quand on accule au désespoir tout un peuple, tout devient possible. […] Pour notre part, tout en rejetant des actions comme celle-ci, nous appelons une fois de plus les mouvements qui se réclament du socialisme à soutenir la cause du peuple palestinien ». Après l’attentat de la rue Copernic, François Mitterrand se rend sur place, le PS demande la démission de Christian Bonnet. Lors d’un débat à l’Assemblée nationale, l’évocation de crimes antisémites est cependant diluée dans une longue liste de faits : agressions racistes mais aussi contre des socialistes, profanation de la stèle de Salvador Allende, saccage d’un local de la CGT… Il vise alors l’extrême-droite. Or, l’enquête révèle que l’attentat de la rue Copernic était liée au conflit israélo-palestinien. De manière générale, côté socialiste, le terme « racisme » gomme celui d’ « antisémitisme ».
Les deux septennats de François Mitterrand sont marqués par des actes antisémites violents, dont l’attentat de la rue des Rosiers et la profanation du cimetière de Carpentras. L’antisémitisme sert d’argument pour rejeter fermement tout rapprochement avec le FN, alors que la législation se renforce avec la loi Gayssot. Cette dernière complète la loi Pleven, en interdisant les propos négationnistes. Enfin, l’image du président est ternie par les révélations de son passé pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment son amitié avec René Bousquet.
Par la suite, la gauche se divise sur la question du soutien à Israël ou aux Palestiniens, avec des visées électoralistes comme avec la note de Pascal Boniface en 2001. Le géopolitologue avait suggéré de favoriser le « vote musulman » avant de quitter le PS.
L’antisémitisme dans les partis d’extrême-gauche
L’extrême-gauche est ensuite abordé par Guy Konopniki, Milo Lévy-Bruhl, Laurent-David Samara et Rudy Reichstadt. Le PCF est marqué par une ambiguïté. Si les Juifs résistants sont nombreux dans le parti et que le PCF a agi contre l’antisémitisme, notamment avec la loi Gayssot, le parti a aussi été confronté aux purges staliniennes, à Moscou mais aussi à Prague, Budapest et Bucarest. Il a justifié celles-ci et a adopté une position antisioniste, renforcée à partir de 1967. Elle est notamment développée, avec virulence, dans L’Humanité. Quand Brejnev rompt les relations diplomatiques avec Israël, il est suivi par l’ensemble des pays du pacte de Varsovie, à l’exception de la Roumanie. La répression anti-juive à Varsovie en 1968 ne suscite pas de réaction du PCF. Roger Garaudy est le seul à s’exprimer sur le sujet et reçoit pour cela un blâme du bureau politique, mais il se distingue plus tard en développant des thèses négationnistes et antisémites.
Le FPLP et le Fatah portent la lutte armée en Europe en y visant des « intérêts israéliens » comme lors des JO de Munich en septembre 1972. Leurs actions trouvent un écho dans l’extrême-gauche française notamment auprès d’Edwy Plenel. L’OLP qui réclame l’ensemble du territoire israélien, est invitée aux congrès du PCF. Cette évolution est à replacer dans un rapprochement plus global avec les pays arabes. Lors de l’attentat de la rue Copernic, le PCF refuse d’associer l’acte au mouvement palestinien et poursuit la diabolisation d’Israël. En mai 2023, les députés communistes présentent un projet de loi accusant Israël d’apartheid, aux antipodes de la loi Gayssot.
La France insoumise, créée en 2016 autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, est devenue la principale force politique de gauche. Le mouvement est régulièrement accusé d’indifférence envers l’antisémitisme. Dans les programmes, les mentions sont rares. L’augmentation des actes antisémites n’est mentionnée que dans le livret thématique sur les discriminations de 2022. Le parti insiste bien davantage sur l’islamophobie et analyse pas les spécificités de l’antisémitisme. De plus, les actions menées par des députés comme Alexis Corbière, ne visent que l’extrême-droite, niant une part importante de l’antisémitisme contemporain. LFI apporte son soutien aux Gilets jaunes en 2018 ainsi qu’aux opposants au pass sanitaire en 2021. Ces deux mouvements sociaux réactivent le mythe d’un complot juif, Jean-Luc Mélenchon relativise pourtant les actes antisémites. La minimisation est parfois associée à l’idée de « rayon paralysant » qui fait de la dénonciation de l’antisémitisme un moyen de diaboliser l’adversaire politique. Il emploie cet argument en 2014 dans un contexte de guerre à Gaza et pour défendre Jeremy Corbyn en 2018. Si LFI n’est pas un parti qui propose un programme antisémite, des dérapages surviennent régulièrement : les juifs seraient protégés, « supérieurs aux autres ».
Après le 7 octobre 2023, l’extrême-gauche française se caractérise par sa difficulté à condamner sans réserves les attaques du Hamas, elle oscille entre justifications et usage du mot de « résistance ». Le terme est employé par Danielle Obono, par le NPA et par des collectifs comme Action antifasciste Paris-Banlieue, Révolution permanente. Le soutien affirmé à la cause palestinienne se double d’un antisionisme assimilant l’Etat hébreu à un pays colonisateur et raciste, quitte pour une partie de l’extrême-gauche à soutenir les actions les plus violentes. Le Parti des indigènes de la République affirme ainsi : « Que la Résistance palestinienne qui mène son action avec détermination et confiance dans des conditions héroïque reçoive en ces heures terribles toute notre fraternité militante. » dès le 9 octobre.
Le mouvement des Gilets Jaunes émerge dans un contexte d’augmentation des actes antisémites. Parmi ses soutiens, on retrouve des figures de l’antisémitisme comme Dieudonné, Alain Soral. Un de leurs proches, Stéphane Blet exhorte ainsi les Gilets Jaunes à « comprendre que le véritable ennemi, ce sont les Juifs ». Le mouvement mêle relents antisémites et comparaisons douteuses (entre les chambres à gaz et les gaz lacrymogènes par exemple). 44 % d’entre eux croient en l’existence d’un complot sioniste à l’échelle mondiale (contre 22 % en population générale).
L’Histoire politique de l’antisémitisme en France évoque ainsi la prégnance de discours antisémites dans l’ensemble du paysage politique français, les remplaçant dans un contexte international et national. Les auteurs en analysent les logiques et les évolutions, en expliquent les continuités et les liens avec l’antisionisme. Le premier chapitre, en particulier, permet de mieux appréhender les liens entre antisémitisme et antisionisme. La synthèse est particulièrement utile dans le contexte actuel et contient déjà quelques éléments sur le post-7 octobre, malgré la publication peu après les attaques du Hamas. Le livre constitue ainsi une précieuse ressource pour analyser l’antisémitisme contemporain en France, notamment pour les enseignants confrontés à ces questions en classe.
Débat avec une partie des auteurs organisé par la Fondation Jean Jaurès
La conférence virtuelle des Clionautes à prospos de cet ouvrage