La mondialisation ? Tout le monde connaît. On en vient même à parler de démondialisation ! Pourtant, quand en 1992, Denis Retaillé, Jacques Lévy et Françoise Durand publiaient Le Monde, espaces et systèmes, la notion était encore loin d’être connue de tous. Réfléchir à l’échelle d’un système-monde (voir Olivier Dollfus) présent à différentes échelles, articulé par des réseaux et dont les villes constituaient des éléments centraux et non des moindres, tout cela était précurseur, voir avant-gardiste. En 20 ans, la mondialisation s’est affirmée. Elle a laissé son empreinte partout.

Denis Retaillé, professeur de géographie à Bordeaux 3, a choisi ici quelques lieux emblématiques de la mondialisation, même s’il reconnaît qu’elle est présente partout. Ces lieux sont à voir comme des lieux témoins. « Ce sont des témoins d’un mouvement qui anime le Monde avec, en vue l’idée que le seul vrai lieu de la mondialisation est tout simplement le Monde. » Les lieux choisis sont le prétexte à une réflexion générale sur ce qu’est la mondialisation. Ainsi, le Nunavut est à voir comme l’expression de l’autochtonie. Née à l’ONU (déclaration de 2007), celle-ci a plus les allures d’une découverte inversée. Au nom de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, c’est le droit d’un groupe qui est mis en avant, au détriment de l’individu et tout cela dans les cadres étatiques. Internet est à voir, d’après Denis Retaillé, comme une révolution non pas de l’instantanéité des échanges qu’il permet mais par « l’exposition de soi » qu’il met en place. Comme Jérusalem résume les enjeux religieux de la mondialisation, la City de Londres est à voir comme une « plate-forme off shore » de la planète financière. Dubaï est le lieu par excellence de l’artifice que rejettent les partisans de la résistance sociale au processus de globalisation dont Porto Alegre est le symbole.

Ce tour du monde est aussi l’occasion pour Denis Retaillé de présenter une réflexion plus profonde sur le concept de mondialisation. Il voit le monde comme « un espace feuilleté » où se superpose trois espaces : l’espace de la guerre, l’espace de l’ordre et l’espace du contrat. Une ligne les traverse et rend compte des tensions que connaissent ces sites. Pour chaque lieu, un profil type est proposé, plus moins facile à interpréter. Celui de l’Antarctique est lisse en raison de la mise sous cloche de cet espace depuis le traité de 1959. C’est le signe par excellence de la mondialisation pacifiée. C’est loin d’être le cas de tous les lieux proposés par Denis Retaillé, comme en témoignent les profils du bidonville de Dharavi ou même celui de l’ONU traversés par des tensions multiples.

Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes