Si le terme de « désertification » apparaît au début du XXe siècle, il a depuis longtemps été associé à la gestion humaine de l’environnement. Le collectif d’auteurs réunis dans cet ouvrage aborde la question sous différents angles : définition, causes et conséquences sur les écosystèmes et les sociétés humaines, stratégies d’adaptation d’hier à aujourd’hui en mettant l’accent sur la complexité biophysique et socioéconomique du phénomène et la nécessaire dynamique spatiale et temporelle des solutions.

La nature et l’étendue de la désertification

Le « désert » est à la fois un vide d’hommes, sens premier du mot, et une zone aride caractérisée par la rareté des organismes vivants. Ce milieu extrême a favorisé l’émergence de stratégies d’adaptation.

Qu’est-ce que la désertification ? Il existe une définition officielle, proposée par la conférence des Nations unies de 1977 : « La désertification est la diminution ou la destruction du potentiel biologique de la terre et peut conduire finalement à l’apparition de conditions désertiques. Elle est un des aspects de la dégradation généralisée des écosystèmes. »

C’est un phénomène évolutif, une dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, due à l’activité humaine.

Après un rappel de ce qu’est le changement climatique, les auteurs montrent qu’il est un élément aggravant. Les sécheresses des années 1970 et 1980, au Sahel, ont réduit la couverture végétale et ainsi favorisé l’érosion éolienne.

La désertification touche tous les continentsLes régions sèches menacées par le phénomène occupent 40 % des terres disponibles. Elle menace, en Europe méridionale, centrale et orientale, une superficie de 1,68 million de km2. et menace 35 % de la population mondiale.

Une adaptation est-elle possible ?

Pendant longtemps, en particulier en Afrique, on a considéré qu’elle était due à de mauvaises pratiques agro-sylvo-pastorales alors même que les populations s’étaient, de tout temps, adaptées à des conditions arides. Les espaces y sont multifonctionnels (succession saisonnière des activités agricoles, pastorales, piscicoles et sylvicoles)Encart : exemples dans le bassin du Tchad (p. 20) et au Niger (p.22-23).

Dans un contexte de pression démographique, la lutte contre la dégradation des terres est une urgenceRapport de 2018 de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)..

La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification préconise quelques principes directeurs : une approche globale des problèmes d’environnement et de développement, une démarche participative, la mise en place de cadres législatifs et réglementaires adéquats et une évaluation des actions mises en œuvre.

Quelles sont les causes et les conséquences de la désertification ?

Les causes de la dégradation à long terme des terres dans les zones arides sont multiples et interconnectées : destruction du couvert végétal favorisant l’érosion, pollutions dégradant la qualité des eaux, perte de fertilité des sols et de la biodiversité. Ces facteurs entraînent une désertification s’ils sont à une échelle interannuelle. Le phénomène est souvent localisé et renforcé par l’inégal accès des populations aux ressources, notamment l’accès au foncier et une absence de régulation (par exemple au bois-énergie).

L’appauvrissement des sols perturbe les services écosystémiques (cycle du carbone, des nutriments, de l’eau, biodiversité) et donc la régulation possible du climat.

Les auteurs décrivent les conséquences sur la ressource en eau et le climat. L’évaluation des coûts économiques et sociaux est difficile. Les conditions de vie en région sèche sont plus difficiles, notamment en Afrique de l’Ouest. L’exposition aux chocs (sècheresse, inondations, cyclone, baisse de prix, hausse des intrants) est particulièrement forte et aggrave les inégalitésUn paragraphe est consacré aux femmes face à la désertification.

Comment et pourquoi lutter contre la désertification ?

C’est un projet complexe à adapter à chaque contexte physique, et socioéconomique.

La restauration des terres visent à renforcer les fonctions écologiques d’un espace et à définir une trajectoire d’évolution des terres pour améliorer la productivité agricole, la biodiversité et les autres services rendus comme le stockage de l’eau.

Une approche systémique est indispensable du fait de la complexité du phénomèneExemple des grandes sécheresses au Sahel des années 70 et 80..

L’approche doit être territoriale, interdisciplinaire et participative.

« En raison de nombreux conflits d’intérêts entre acteurs sur les espaces et ressources concernées et de leur faible empreinte spatiale, ces opérations de plantation ont souvent échoué, avec des taux de régénération faibles et des exploitations non durables. »(p. 74)

L’agroécologie peut être une piste intéressante, de même que les projets mêlant les échelles locales, régionales et plus globale (Grande Muraille verte)

Les auteurs abordent les différentes techniques envisageables : choix des espèces végétales et animales, recours à des pratiques traditionnelles d’adaptation aux variations saisonnières quand la pression démographique le permet, intensifier le stockage de matière organique des sols, mise en place de politiques de gestion et de planification de l’utilisation des terres.

Quels sont les impacts et résultats obtenus en matière de lutte contre la désertification à ce jour ?

Le concept de Zero net land degradation (ZNLD), mentionné en 2011, vise à développer des actions grâce à la création du fonds pour la dégradation neutre des terres. La décennie 2020 des Nations unies a défini deux objectifs principaux : enrayer et inverser la dégradation des écosystèmes et sensibiliser à l’importance d’une restauration réussie. Des réseaux de partage de connaissances dédiés à la lutte contre la désertification ont vu le jour.

Quels sont les mécanismes d’accompagnement de la lutte contre la désertification ?

Philippe Billet constate la rareté des dispositifs juridiques. Les États définissent surtout des dispositifs de protection des boisements (forêts classées). Les législations doivent composer avec les droits locaux, coutumiers, par exemple en matière de pâturage. Un paragraphe est consacré à l’Europe.

L’accompagnement des acteurs des territoires est indispensable. La lutte contre la désertification et la dégradation des terres est liée aux questions de développement, et ce, à différentes échelles.

Patrice Burger, Maxime Thibon, Sylvain Berton, Jean-Luc Chotte décrivent les dispositifs d’accompagnement possibles. Jean-Luc Chotte, Christine Raimond, Hélène Soubelet,

Maud Loireau montrent l’intérêt du développement de la recherche, sciences de la nature comme sciences sociales.

 

Cet ouvrage offre une vision diversifiée de la question de la désertification, sans être trop technique.