L’ouvrage est composé de 28 articles organisés en trois parties nous abordons des questions générales en premier, comme la nouvelle géopolitique des conflits de Dominique Vidal ou la désaffection à l’égard du politique que les mouvements sociaux de l’année 2012 ont permis de mettre en lumière. Bien entendu, les institutions européennes et l’union européenne de façon plus générale sont traitées de façon spécifique. Un très intéressant rappel rédigé par l’économiste Alain Lipietz évoque la position favorable de l’union européenne au début des années 80, face aux autres composantes de la triade, et cherche à expliquer les causes de la situation actuelle. D’après cet économiste, toutes les mesures prises à partir du traité de 1987 sur l’acte unique européen, jusqu’à la ratification du traité de Maastricht en 1992 et le passage à l’euro en 1997, ont buté sur la non constitution d’un véritable gouvernement fédéral apte à mettre en œuvre la stratégie explicite de compétitivité pour la formation professionnelle et la recherche scientifique et technique, décidée au sommet de Lisbonne en mars 2000. L’élargissement décidé à partir de 2001 aux pays d’Europe centrale et orientale a remis en cause la constitution d’une Europe politique au profit d’un vaste libre marché dans lequel la décision politique exige une improbable unanimité.
L’Europe, l’Europe, l’Europe !
Dans la pratique, les échecs au référendum sur le traité constitutionnel européen, ont donné le pli d’ une Europe purement intergouvernementale et par voie de conséquence à la remorque du pays dominant, l’Allemagne fédérale. La crise systémique révélée à partir de 2007 et 2008 à sonné le glas des espoirs de constitution d’une Europe par les Européens, et par voie de conséquence maintient les institutions européennes dans une crise de gouvernance permanente.
Dominique Vidal présente la nouvelle géopolitique des conflits, en rappelant de façon assez sommaire le passage d’un monde bipolaire à la domination impériale des États-Unis. Cette analyse s’est en effet révélée trompeuse, la montée en puissance des pays émergents remettant en cause l’hégémonie occidentale. Peut-être aurait-il fallu dire que la « guerre contre le terrorisme » permet peut-être au monde occidental de se trouver un nouvel ennemi. La typologie des conflits du XXIe siècle est évidemment à examiner avec la plus grande attention. En 2010 comme en 2011, aucun conflit d’intérêts étatiques n’a eu lieu depuis au moins huit ans. Les affrontements sont aujourd’hui internes aux états, et opposent groupes séparatistes, milices et parfois organisations mafieuses. Les conflits se déroulent sur fond de lutte pour s’approprier des richesses naturelles, la course de matières premières aux sources d’énergie en passant par de futures guerres de l’eau.
Nouvelles guerres
Au passage, on appréciera la notice sur les armes légères et de petit calibre qui sont en l’état actuel les véritables armes de destruction massive, produite par une centaine de pays avec en tête des exportations les États-Unis, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, la Chine et la Russie. L’ensemble de ces pays exporte en moyenne pour 100 millions de dollars chacun en armes légères et de petit calibre. Le chiffre d’affaire globale dépasse tous les ans 7 milliards de dollars et les trois-quarts de ces armes à feu sont la propriété de civils. Alain Joxe revient pour sa part sur les différents conflits gelés, et sur les évolutions actuelles qui permettent à l’auteur de parler de le des États-Unis comme mercenaires du maintien de l’ordre mondial. L’auteur revient également sur ce qu’il qualifie de vide théorique et peut-être même éthique dans la pensée militaire actuelle. Loin de se préoccuper de maintien de la paix, les militaires reprenant en cela les vieilles pratiques de la guerre de contre insurrection menée par la France en Indochine et en Algérie, pour dans un premier temps gagner la guerre en prétendant gagner également les cœurs et les esprits.
Les révolutions arabes occupent évidemment une place particulière, mais c’est surtout l’article de Joseph Bahout qui retient l’attention à propos de l’Arabie Saoudite.
L’Arabie Saoudite en renaissance conservatrice
Le pays qui semble avoir vacillé au moment des révolutions arabes semble avoir été en mesure de rétablir l’ordre en constituant autour de lui une sorte de Sainte alliance conservatrice, ce qui explique son intervention militaire au Bahreïn et le soutien qu’il apporte aux monarchies conservatrices jordaniennes et marocaines qui ont pu dans une certaine mesure s’ouvrir légèrement. La sauvage répression en Syrie entreprise pour le clan Assad a permis à l’Arabie Saoudite de revenir par la grande porte dans le jeu diplomatique en affichant son soutien aux forces sunnites qui contestent la domination alaouite sur le pays.
Dans une période marquée par l’élection présidentielle aux États-Unis, il est clair que le bilan du premier mandat du président Obama est bien entendu dressé.
Très clairement, la réorientation diplomatique et stratégique qui était envisagée à partir du discours du Caire en juin 2009, semble avoir un grand inachevé. On peut lui reprocher de ne pas avoir véritablement remis en cause la politique de son prédécesseur, mais peut-être d’avoir évité l’extension de certains conflits.
Yes we can pas bezef
C’est surtout sur le dossier israélo-palestinien que les espoirs ont été véritablement trompés. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ne fait aucun cadeau, bien au contraire, en poursuivant la politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem, et en jouant véritablement avec les nerfs de ses voisins en envisageant des représailles militaires directes contre l’Iran, avec la volonté évidente de contraindre les États-Unis à une intervention.
Parmi les articles qui apporteront le plus à des professeurs d’histoire et de géographie qui doivent réenvisager de nouveaux programmes en apportant tout de même des éléments de contenu, nous citerons pour terminer l’article de Stéphane Parmentier, sur le système agricole et alimentaire accaparé au détriment de l’intérêt général. Très clairement, il existe un déficit de gouvernance à l’échelle mondiale pour réguler la spéculation financière pour lutter contre la faim. La volonté de développer les biocarburants se traduit par une pression à la hausse sur les prix des céréales de base, tandis que la montée en puissance des grands groupes capitalistes dans l’accaparement des terres agricoles se réalise au détriment de l’emploi rural, de la disponibilité des produits sur des circuits courts, et bien entendu de l’environnement.
On complétera avec profit la lecture de ces 28 articles par le site compagnon, qui permet de donner de la perspective sur plus de trois décennies à tout travail de recherche et de construction intellectuelle portant sur les thèmes qui sont abordés dans l’ouvrage.
Bruno Modica