Professeur à l’ENS-LSH de Lyon et historien médiéviste remarqué, notamment depuis la publication de son livre Aristote au Mont-Saint-Michel qui avait fait polémique en 2008, Sylvain Gouguenheim vient de terminer un ouvrage consacré à la bataille de Tannenberg (15 juillet 1410), récemment paru aux éditions Tallandier.

L’ordre teutonique joua un rôle majeur dans l’expansion germanique en Europe de l’Est, ce que l’on appelle habituellement outre-Rhin le fameux Drang nach Osten. La poussée allemande sera toutefois repoussée par les Slaves à plusieurs reprises. Quoi qu’il en soit, l’ordre teutonique est à l’origine de l’Etat prussien. Le terme d’ordre teutonique provient quant à lui d’un ancien mot signifiant initialement « allemand ».

Drang nach Osten

Les moines soldats de l’ordre teutonique accomplissaient leur mission avec brutalité. En effet, ils exterminaient les peuples soumis et les remplaçaient par des colons allemands. La stratégie teutonique de l’époque consistait à guerroyer, diviser et diffamer. La bataille de Tannenberg en était un avatar. L’affrontement eut lieu bien avant la victoire des troupes allemandes contre les Russes en septembre 1914. Pour les Allemands de 1914, cette victoire durant la Première Guerre mondiale vengeait la défaite de Tannenberg en 1410, laquelle fut l’un des ferments de l’unité polonaise pendant les siècles qui suivirent.

Durant cette bataille, il y eut environ 20.000 hommes engagés du côté germanique et 40.000 soldats du côté polono-lituanien. L’habileté de la Pologne consista alors à mêler des pays étrangers à un conflit avec l’ordre teutonique. Contrairement à ce que le nom de la bataille pourrait laisser croire, la conflagration eut lieu à Grunwald, et non à Tannenberg.

La guerre secrète

L’une des difficultés pour l’ordre teutonique, c’était qu’il combattait un pays chrétien, i.e. la Pologne, qui était au surplus considéré par le pape comme un rempart contre le danger mongol.

Il y eut une guerre secrète très intense. L’ordre teutonique fut victime d’informations contradictoires. Les Polonais, explique le professeur Sylvain Gouguenheim, étaient très doués pour la désinformation. L’importance des leurres que les Polonais mirent en place fut fondamentale. Les combattants avaient été marqués par des signes aperçus dans le ciel. De plus, il plut beaucoup le jour de la bataille de Tannenberg, ce qui était un présage de défaite pour les chevaliers teutoniques.

Les chevaliers teutoniques eurent, dès le début du combat, le soleil en plein visage. Ce qui naturellement les handicapa lourdement. L’ordre teutonique commit en outre une erreur de jugement en ne se rendant pas compte que les troupes lituaniennes opéraient en réalité un retrait purement tactique. Les chevaliers germaniques se lancèrent donc à la poursuite des Lituaniens, abandonnant ainsi le champ de bataille et ouvrant une brèche dans leurs rangs. Les troupes polonaises en profitèrent pour s’engouffrer dans la brèche. Les Polonais écrasèrent alors les chevaliers teutoniques, particulièrement l’aile gauche.

Le grand maître de l’ordre teutonique fut tué, mais il y eut également de très lourdes pertes chez les Polonais et les Lituaniens. Cette terrible défaite mit fin au mythe de l’invincibilité des chevaliers teutoniques et la panique s’installa en Prusse, où le – si redouté – pouvoir teutonique s’effondra. Tannenberg marqua profondément l’Allemagne et toute l’Europe de l’Est. Durant la Guerre Froide, la propagande soviétique établit régulièrement des parallèles entre Tannenberg et la défaite du IIIe Reich en 1945.

Jean-Paul Fourmont