Voici le manuel sur lequel les agrégatifs externe de géographie vont se jeter fiévreusement dès sa sortie en librairie ! Si la question des mobilités est passionnante, elle n’a pas suscité l’engouement des éditeurs. Sedes est le premier à offrir une synthèse sur la question : les autres, s’étant contentés de sortir des mises au point sur un aspect du sujet (voir par exemple Les mobilités contemporaines. Approches géoculturelles des transports. Fumey, Varlet, Zembri. Ellipes, 2009). C’est donc une assurance pour Sedes, à deux mois de l’écrit, de vendre un nombre certain d’exemplaires à des candidats affolés. Espérons qu’ils auront travaillé, par ailleurs, la question en amont, faute de quoi les correcteurs risquent de trouver des copies bien maigres.
Réalisé pour les candidats du concours, le volume qui nous intéresse s’articule en quatre grandes parties qui brossent grosso-modo le champ de la question, même si la question de la mobilité virtuelle n’est pas évoquée (entendre par là, celle qui est rendue possible par l’usage des nouvelles technologies). Une mise au point épistémologique entame chaque partie. Celle qui se trouve en ouverture de la partie consacrée aux migrations internationales a de quoi faire sourire. Réalisée par le recteur Gérard-François Dumont, elle consiste essentiellement en une apologie de son travail. Pour ce faire, il emploie la troisième personne du singulier et n’hésite pas à écorner l’impact des travaux des collègues. Ainsi, page 35 « Poursuivant également ses travaux antérieurs, Gildas Simon approfondit à son tour le rôle de la mondialisation. Sans disséquer comme Gérard-François Dumond cette notion qu’il juge « aussi polymorphe que polysémique », il considère également que cette réalité ne doit nullement signifier l’abandon de tous les enseignements antérieurs… ». Ce point de vue n’a rien d’étonnant. Gérard-François Dumont est un auteur prolifique qui a beaucoup travaillé sur la population et ses mobilités. Ignorés ses travaux serait une faute grave mais ce n’était peut être pas à lui d’écrire cette partie. Le découpage de l’épistémologie en quatre parties tend à brouiller les cartes et à minimiser son importance. Il apparaît qu’il aurait été plus judicieux de présenter une vision globale dans une partie dévolue à cette question. Cela aurait évité des répétitions inévitables avec le mode opératoire retenu et laissé plus de place à l’exposé de thèses de géographes et sociologues autre que français.
Pas moins de dix auteurs ont participé au volume : professeurs d’université, maîtres de conférences et doctorants. Les chapitres compilés font de l’ouvrage, un ensemble hétérogène avec des chapitres qui s’avèreront fort utiles aux candidats (les mobilités tsiganes, mais aussi l’analyse de champs migratoires moins connus comme ceux du Sénégal) pour développer des exemples, d’autres sont plus anecdotiques (chapitre 9, réalisé par Gérard Hugonie, Les mobilités spatiales d’un groupe professionnel : celui des professeurs d’histoire – géographie de l’académie de Rouen). On pourra avancer, pour ce dernier exemple, que c’est une excellente entrée en matière pour les futurs lauréats au concours qui entrevoient ainsi les enjeux de mobilité qu’impliquent la réussite au concours. Toutefois, les propos de Gérard Hugonie sont bien souvent dépassés. Il décrit le paysage des années 1990, présentant les différents statuts, dont certains sont aujourd’hui en voie de disparition voire éteints : PEGC, adjoints d’enseignement (entrée dans la carrière en 1993, je n’en ai jamais croisé dans les nombreux établissements que j’ai officié !), maîtres auxiliaires. La répartition géographique de ces différents statuts décrite est quasi-déterministe. Dans les bourgs ruraux, les PEGC et les adjoints d’enseignement ; dans le périurbain, les PEGC et les certifiés ; dans les lycées, les certifiés, les agrégés et les adjoints d’enseignement ! Il semble difficile à croire que Gérard Hugonie, bien connu de la communauté éducative d’historiens et géographes, ait commis un texte aussi dépassé. La courte bibliographie, située à la fin de son article, est révélatrice de cet état de fait. Huit titres seulement dont quatre portent spécifiquement sur la question traitée mais datent des années 90. Les quatre ouvrages plus récents sont généralistes (dont une référence au Dictionnaire de géographie et l’Espace des Sociétés de Lévy et Lussault, 2003).
Cette vision erronée d’une question ne l’emporte pas dans le volume. Des chapitres fort intéressants ont retenu mon attention. Le travail de Florence Huguenin – Richard consacré à Les mobilités urbaines : de l’automobilisme à l’écomobilité. Un long chemin. est à retenir par la réflexion menée et le contenu mis en œuvre. Etayé de nombreux schémas, l’auteur développe une démonstration convaincante visant à expliquer le changement de paradigmes. Elle montre bien que la question des mobilités va de pair avec la ville et qu’il est nécessaire de croiser avec des problématiques plus larges (environnement, économie, mutations spatiales). Vincent Moriniaux développe une étude de cas (Les mobilités dans la diagonale du vide) qui pourra avantageusement être utilisée par les candidats pour montrer que les mobilités ne concernent pas que les pôles urbains. Enfin, Amandine Chapuis, doctorante de Rémy Knafou, fait le lien dans un texte limpide et convaincant sur Les mobilités touristiques et les dynamiques urbaines. Comme quoi le talent n’attend pas le poids des années !
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