Cette revue se fixe pour objectif d’offrir des analyses sur la République Populaire de Chine susceptibles d’intéresser tous ceux qui souhaitent avoir une vision précise de cet immense état.
Les auteurs du numéro 19 sont issus d’horizons très divers: l’Université
( sociologie, sciences politiques, histoire, géographie…), mais aussi journalisme et différents intervenants dans le domaine des relations Europe/Chine ( forum China Europa).
Cette revue apporte incontestablement des éclairages récents, novateurs et permet d’affiner la vision d’une Chine en pleine mutation.
L’article d’Astrid Fossier coordinatrice d’ONG , évoque le séisme du 12 mai 2008 qui a fait naître un important mouvement de solidarité, non orchestré par le parti, mais autorisé voir même encouragé, mais cela ne dura pas, car le pouvoir tend à considérer ces mouvements davantage comme des opposants que comme des partenaires. Ce gouvernement classe la société civile en trois catégories: celles reconnues, comprenant les organisations de masses issues de la Chine maoïste, les GONGOs; la seconde, une société civile « tolérée » qui regroupe l’ensemble des associations opérationnelles non enregistrées et la société civile « combattue » des mouvements considérés comme dangereux pour le pouvoir. Malgré une tendance à réévaluer ses relations avec les organisations de la société civile pour créer ce qu’il appelle « une société harmonieuse » ( titre choisi pour ce numéro ), et à cause d’ une forte croissance du nombre d’associations, le pouvoir chinois ne s’ouvre que lentement. Toutefois, la présentation en mars 2007 d’un texte devant l’Assemblée Nationale Populaire de trois textes ( non adoptés) pour améliorer le statut juridique des associations constitue tout de même une avancée.
Chen LICHUAN, journaliste, propose une analyse de la situation des organisations sociales face à l’Etat. Après une analyse du contexte historique et des difficultés d’expression de la société civile, l’auteur décrit les organisations sociales aujourd’hui et, à côté des GONGOs qui ont un statut officiel, se développent des organisations appelées en chinois caogen zuzhi que l’auteur définie comme des « grassroots », organisation d’initiative populaire plus critiques voire protestataires mais fortement liés aux activités d’ONG internationales surveillées; pour l’Etat, il s’agit encore de réguler ces organisations sociales afin d’éviter que leur démarches ne deviennent des instruments dans la main d’ennemi politique.
Pierre CALAME, président de la fondation china Europa, présente les enjeux du dialogue de société à société dans un monde globalisé et indique qu’à l’issue des secondes biennales du forum Europa china, malgré leurs différences, les sociétés chinoises et européennes sont confrontées aux trois mêmes défis: passer à un modèle de développement soutenable, réconcilier le passé avec le futur, permettre une démocratie plus authentique.
Thierry PAIRAUT, sinologue directeur de recherche au CNRS, évoque dans son article le rôle de la microfinance en Chine, celles-ci sont très nombreuses en Afrique (762 Institutions de microfinance au Bénin) alors qu’il n’y en a que 300 en 2006 en Chine. En effet, le pouvoir chinois refuse le foisonnement de ce type d’institutions, largement développées en Inde, qui ne se conçoivent; pour eux, que comme des excroissances d’institutions financières d’Etat.
Estelle AUGUIN, sociologue, propose une réflexion intéressante sur le cas de la préfecture de Wenzhou. Les habitants de cette région ont une organisation sociale et économique spécifique orientée autour de la migration, notamment en France, mais aussi dans les autres régions de Chine. L’auteure décrit un système de dons et contre-dons permettant à ces Wenzhou migrant une certaine réussite économique. La norme sociale du groupe implique une réussite personnelle qui passe par l’entrepreneuriat, leur permettant de gagner de l’argent, de la notoriété et de devenir alors de généreux donateurs.
Eric SAUTEDE est interrogé par la revue sur le rôle d’internet. Va–t-il révolutionner la société chinoise en faisant émerger une société civile ? La circulation sur internet est largement contrôlée par le pouvoir, même s’il est vrai que certaines ONG l’utilisent largement (celles notamment qui s’occupent du droit des femmes et des enfants). Toutefois des responsables politiques, les plus modernes, pensent qu’il est nécessaire de tolérer voire d’encourager de façon sélective des expressions virtuelles pour mesurer l’état de l’opinion et éventuellement ajuster certaines réformes.
MA JUN, sinologue à l’EHESS, évoque la longue marche vers le suffrage universel, en 1912, la Chine républicaine met en place un système électoral accordant un droit de vote limité tenant compte de la propriété, du niveau de l’impôt ainsi que du niveau d’études. Le suffrage universel existe en droit en 194, mais, appliqué dans un contexte de guerre civile, celui-ci n’a guère de signification. Après 1949, le suffrage universel est établi pour les chinois de plus de 18 ans, mais le contrôle du parti interdit l’expression de la diversité. L’auteur pense que la route reste encore longue pour l’avènement d’une démocratie authentique.
Christophe-Alexandre PAILLARD, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, propose un long et passionnant article sur la contrainte environnementale, qui, ajoutons-le, peut être particulièrement utile aux candidats préparant le CAPES sur le thème « nourrir les hommes » puisqu’il soulève cette problématique essentielle pour la Chine : nourrir 1,5 milliards d’habitants et protéger l’environnement (grande utilité aussi pour les collègues enseignants en classe de seconde).
L’auteur indique que la Chine est consciente des limites de sa politique de développement, mais n’a pour l’instant pas d’alternative crédible en la matière, malgré certaines initiatives autour de programme nucléaire civil et de partenariat avec des entreprises occidentales dans le secteur des technologies énergétiques propres.
Alexis BACONNET, politologue, chercheur associé au Centre de recherche et d’Etudes en Droit et Sciences politiques à l’Université de Bourgogne présente un article sur le Tibet intitulé : Tibet, la géopolitique a ses raisons que la morale ignore. L’auteur, retrace rapidement l’histoire du Tibet et surtout la situation de cette région après l’invasion chinoise de 1950. Il montre l’intérêt stratégique du Tibet pour la Chine et donc la très faible probabilité pour que ce pays acquiert son indépendance. Le Daïla Lama en a d’ailleurs conscience, demandant simplement une autonomie dans la gestion interne mais la Chine a tant d’intérêts à maintenir son hégémonie qu’elle choisit la voie de la colonisation Han et ne laissant que peu de place à une perspective autonomiste tibétaine. L’espoir réside dans une démocratisation du régime, qui le rendrait plus sensible aux revendications culturelles et permettrait d’accéder à certaines demandes du Daïla Lama.
CHRONIQUES ET REPORTAGES : Dans cette partie, nous avons toute une série de textes sur les aspects culturels chinois. Barthélémy COURMONT évoque la culture chinoise de Taïwan qui
est omniprésente sur l’Ile, permet de considérer Taïwan comme une « autre chine ».
Christophe FALIN, nous propose une réflexion sur l’adaptation d’une ancienne légende chinoise : Les amants papillons, portée au cinéma dès les années vingt, aujourd’hui on compte une quinzaine d’adaptations cinématographiques qui sont à mettre en relation avec l’histoire contemporaine chinoise.
Enfin, un ecellent reportage de Barthélémy COURMONT sur la danse contemporaine chinoise et la grande chorégraphe Lin Li Chen, assorti de photographie de danseurs d’excellentes qualités.
Cette revue est donc très intéressante pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution contemporaine de la Chine, aux enseignants d’histoire et de géographie qui trouveront des ressources solides et des documents inédits. A recommander.