Présenté dans la collection U de chez Armand Colin, cet ouvrage collectif appartient à une collection destinée au départ au premier cycle universitaire. Coïncidence fortuite ou non, il sort en parallèle de la question de l’agrégation interne : chrétiens juifs et musulmans. pouvoirs et minorités dans l’espace méditerranéen (VIIe-XVe siècles). Par son cadre temporel, il dépasse la question de l’agrégation, son cadre spatial étant par contre totalement en adéquation. Il permet ainsi, disons-le tout de suite, une vraie mise en perspective du sujet. S’il n’est évidemment pas un ouvrage de préparation pour ce concours, s’il doit être complété par de nombreuses lectures, sur lesquelles nous reviendrons, il a une utilité toute trouvée pour synthétiser un espace aux compositions ethnico-religieuses et aux variations politico-économiques majeures sur une période aussi longue.
Ce livre est rédigé par 4 universitaires issus de l’université Jean Jaurès de Toulouse. Daniel Baloup est spécialiste de la péninsule ibérique médiévale. David Bramoullé, du monde fatimide et des relations commerciales entre les espaces méditerranéen et indien. Bernard Doumerc a fait ses recherches sur Venise et les échanges en Méditerranée tandis que Benoït Jaudiou nous fait part de son expertise sur les mondes byzantin et balkanique.
L’ouvrage est divisé en 3 grandes parties: Accaparer et intégrer les espaces; Construire des sociétés diverses; Circuler et partager. A travers ces titres, l’objectif des auteurs apparaît clairement: saisir un espace mouvant, parfois (souvent) chargé de mythes ou de fantasmes pour un dresser un portrait qui soit le plus précis possible et surtout le plus factuel. C’est notamment pour cela qu’ils ponctuent au maximum leurs réflexions d’extraits de sources pertinents. Dans chacune des parties se retrouvent cartes et illustrations, qui auraient pu être plus nombreuses tant elles sont précises et structurantes, mais qui permettent de se projeter plus facilement.
La 1ère partie comporte 3 chapitres. Le point de départ est le basculement de la Mare nostrum romaine à la Mer des califes, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Christophe Picard, jusqu’à la domination européenne sur la majeure partie de cet espace. Ce premier temps permet de saisir les évolutions politiques, ethniques, religieuses du bassin, avec comme filigrane la complexité des échanges et les interactions économiques à différentes échelles. Le bassin méditerranéen est montré comme un centre névralgique, un espace d’impulsion, exaltant les tensions, suscitant les passions et les intérêts. Si le pur cadre chronologique pourrait être largement plus étoffé (mais ce n’est pas le but de ouvrage au départ), et devra l’être pour ceux qui préparent le concours, il est efficace et pertinent pour une première approche. Surtout, les auteurs insistent sur des aspects fondamentaux de la question: les minorités ethniques et religieuses au sein de ces espaces fragmentés politiquement, leur participation à la vie quotidienne et aux échanges.
La 2e partie se divise en 3 chapitres. C’est clairement la partie la plus orientée par rapport à la question de l’agrégation interne. Espace de diversités culturelle, ethnique et religieuse, le bassin méditerranéen est une région de brassage de populations, de confrontations, de co-présense et de co-habitation, pour reprendre des termes géographiques en vogue. Reprenant tous les espaces à traiter dans le cadre du concours, il fait de cet ouvrage un passage obligatoire, d’autant plus qu’il n’y aura sûrement pas d’autres sorties d’ici les écrits de janvier, l’ouvrage chez Atlande étant repoussé chaque semaine. Encore une fois, au-delà de la question du concours, cette partie met en avant des aspects peu traités dans la bibliographie en français et c’est ce qui fait de ce livre un ouvrage de référence. Les auteurs dépassent la vision simpliste d’un monde méditerranéen médiéval réduit par certains à des oppositions frontales et guerrières entre chrétiens et musulmans pour en offrir une lecture beaucoup plus fine et précise.
La dernière partie est elle aussi séparée en 3 chapitres. Toujours centrée autour de la notion d’échanges, elle se veut une présentation des routes, des transferts culturels, des itinéraires individuels et collectifs qui traversent le bassin méditerranéen. Les auteurs ont choisi de varier les espaces, entre littoraux, ports et arrières-pays montagneux ou désertiques. Le 2e chapitre, consacré aux diasporas et aux réseaux et le 3e, aux échanges culturels, sont à conseiller très fortement dans le cadre de la préparation au concours. Le cadre chronologique est ici précisément celui de la question de l’agrégation. Il permet de saisir le foisonnement intellectuel et spirituel de cet espace. A compléter, par exemple, avec l’ouvrage de John Tolan Les Sarrasins, et celui de Mark Cohen, Sous le croissant et la croix, pour saisir les ambitions de ces querelles et disputes.
L’ouvrage se termine par un glossaire, toujours utile, et par une bibliographie, d’ouvrages récents, ce qui est non négligeable, notamment quand on la compare avec celle fournie par le jury de l’agrégation.
Au final, un ouvrage à mettre entre toutes les mains, grâce à ces nombreux apports et la facilité d’accès que permet l’écriture des auteurs. Pour les candidats à l’agrégation interne, vous trouverez de nombreuses bases dans cet ouvrage, n’en attendez pas un autre, mais il faudra bien évidemment le compléter pour explorer chacun des éléments de la question.