Cet ouvrage se propose « de discuter quelques idées reçues ou mythes à propos de l’intelligence ». Citons pêle-mêle « le QI évalue l’intelligence » ou « les robots vont devenir plus intelligents que les êtres humains ». Il a été écrit par Christine Sorsana, maitre de conférence en psychologie du développement et par Valérie Tartas, professeure en psychologie du développement, toutes deux à l’université de Toulouse.
Déconstruire les mythes
Pour cela l’ouvrage aborde d’abord dans quel contexte ces idées ont émergé, quel bilan on peut dresser des travaux scientifiques, propose quelques exemples de recherches récentes et offre une conclusion et des perspectives. On pourra tout d’abord souligner le fait que certaines affirmations présentées comme des mythes ne sont pas forcément partagées par le lecteur au moment où il entame le livre. Pour aller plus loin, on trouve dix pages de référence à la fin qui récapitulent les différentes recherches notamment citées tout au long de l’ouvrage.
« L’intelligence tu l’as ou tu ne l’as pas ! »
Le bilan établi des travaux scientifiques s’avère particulièrement intéressant ainsi que les exemples de recherches. On s’aperçoit que les parents peuvent transmettre des idées très différentes sur l’intelligence à leurs enfants. Ceux orientés vers des buts de performance envoient plutôt une image figée de l’intelligence alors que les parents orientés vers les buts d’apprentissage délivrent davantage une image où l’intelligence est montrée comme quelque chose qui se développe. On peut signaler également cette expérience qui montre que les performances d’une enfant ayant un niveau scolaire faible sont meilleures lorsque la tache à réaliser est présentée comme du dessin plutôt que de la géométrie.
L’éternel QI
Christine Sorsana et Valérie Tartas s’attaquent ensuite à la question du QI. Ce qui est ici très intéressant, c’est de resituer le mythe dans son contexte d’apparition, à savoir le début du XXème siècle. A la suite de l’instruction rendue publique, il fallait repérer les enfants en difficulté et donc classer. L’intelligence est un processus complexe, contextualisé et qui tend à être abandonné au profit de l’évaluation d’un individu en train d’agir en situation. Comment raisonne-t-il par exemple dans des contextes nouveaux ?
« Les enfants d’aujourd’hui sont plus intelligents que leurs parents ». A cette redoutable question les auteurs répondent notamment en évoquant que les connaissances sont liées à une époque : ce qui était important en 1900 ne l’est plus forcément aujourd’hui. Les auteures s’attaquent ensuite à « Les filles et les garçons n’ont pas la même intelligence ». Il faut également mentionner l’importance de la notion d’épigénèse, terme qui désigne l’interaction permanente entre les gènes et leur environnement. Sachez également que le cerveau du nouveau-né compte 100 milliards de neurones et qu’il y a alors seulement 10 % des connexions entre les neurones. Avec « Ecouter du Mozart rend plus intelligent », c’est la question du transfert des connaissances et l’occasion d’écorner le mythe des programmes d’enseignement cérébral. Ce que l’on a établi également, c’est l’importance d’interagir avec les autres car à partir d’une taille de trois membres, les groupes surpassent les meilleurs individus.
Et les émotions ?
On pourra signaler également l’entrée sur « Réagir émotionnellement n’est pas un acte intelligent ». Il est vrai que c’est une des idées les plus profondément ancrées, peut-être parce que ça ne concerne pas que l’école, mais pose la question du rapport entre le corps et l’esprit. Christine Sorsana et Valérie Tartas insistent pour dire que « les émotions reprennent toute leur place dans l’étude de la cognition » et que « nos décisions morales sont influencées par la place que nous avons dans l’action » comme en témoignent plusieurs expériences relatées dans l’ouvrage. C’est aussi dans le temps qu’il faut envisager les processus émotionnels en jeu dans la situation d’apprentissage. Les travaux de Goldberg et Schwarz ont comparé trois modalités d’enseignement d’un fait d’histoire comme la guerre d’indépendance de 1948 en Israël. Leurs conclusions soulignent l’intérêt qu’il y a à ne pas « refroidir » cet objet chaud de l’histoire pour l’apprendre. Autrement dit, c’est la modalité sous forme d’enquête critique qui donne les meilleurs résultats. Le dernier mythe est consacré aux robots et montrent qu’il n’y a pas de « lien direct entre la puissance de calcul des machines et leur capacité à stimuler l’intelligence ».
A la fin on trouve un utile résumé des neuf mythes abordés. Les auteures soulignent d’ailleurs en fin d’ouvrage qu’elles sont évidemment loin d’avoir épuisé les interrogations. Elles concluent « Nous ne pouvons que souhaiter le développement d’autres recherches, au sein d’autres groupes culturels, afin d’enrichir le débat concernant la contextualisation de ces questions passionnantes relatives à l’intelligence ».
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.