En effet très souvent l’historien dispose de matériaux qui émanent d’une certaine catégorie de la population, plutôt aisée, alors que là le spectre est plus large. De même, on a souvent des documents qui ont été pensés, organisés et où la spontanéité a disparu. C’est sans doute moins le cas avec des graffitis.
Aussi est-il finalement logique de ne trouver que dans 2 % des cas des graffitis avec des images de divinités. Ces dernières sont plutôt liées à un discours organisé, codifié.
Pour tenter donc un premier tour d’horizon, le livre propose huit chapitres qui traitent chacun d’une thématique. Précisons qu’il y a un catalogue à la fin de chaque chapitre, ce qui est très pratique. A remarquer aussi la qualité des reproductions. Enfin, le tout est complété par une bibliographie et un glossaire.
Exercices de stylet
On apprend par exemple que le mur est potentiellement un cahier d’exercice. On découvre également des abécédaires. Il y a aussi des bustes qui très souvent appartiennent au registre de la caricature. On a trace aussi de commentaires d’élèves pas toujours très flatteurs pour leurs professeurs. En tout cas, et dès ce chapitre, on constate combien on doit être attentif à une certaine méthode pour bien comprendre les graffitis. Ainsi, un dessin mal assuré n’est pas forcément un dessin d’enfant. « Les enfants gravent de préférence à hauteur d’épaule alors que les adultes privilégient une écriture à hauteur d’yeux ». Ceci est à considérer pour identifier parfois certains graffitis.
Les troisième et quatrième chapitres s’intéressent aux animaux à travers la chasse et au « monde de Neptune ».
Quelle utilisation en classe ?
Certains graffitis sont très précis et pourraient être utilisés pour parler de Rome. La partie catalogue livre un utile commentaire au professeur qui veut s’y essayer. Signalons particulièrement les figures 53 et 54 qui traitent des gladiateurs. Signalons néanmoins que tous les graffitis ne sont pas d’une telle lisibilité. Il s’agit en tout cas d’un sujet qui plaisait car ce sont plus de 300 graffitis faisant référence aux jeux qui ont été trouvés dans l’ensemble du monde romain.
On peut noter aussi le chapitre 8 intitulé « le parler écrit » qui traite des jeux de mots, des jeux de langues, une manière comme une autre de redonner vie aux hommes de l’Antiquité. Un des apports les plus riches des graffitis reste celui des noms propres, façon de dire qu’hier comme aujourd’hui on inscrit son nom, comme une sorte de tentative d’éternité. La photographie de conclusion montre justement la permanence de ce comportement avec des noms gravés par des touristes d’aujourd’hui sur des cactus à Malte.
Réservé aux plus de…
Une autre partie du livre serait plutôt à réserver aux adultes. Sur ce thème, on pense souvent à Pompéi, mais les graffitis ont aussi beaucoup à nous apprendre, si je puis dire. On y trouve beaucoup de vantardises et pas mal de langage assez cru comme en témoigne ce qui concerne la jeune Aucina. Les gens intéressés trouveront tous les détails page 142.
Un champ ouvert
Le travail de l’historien reste énorme et plusieurs problèmes demeurent. On peut évoquer par exemple la question de la conservation des graffitis qui est loin d’être réglée. De plus, on ne prend pas encore assez conscience du rapport entre le message et le lieu où il est conservé. En effet on remarque déjà que très souvent les graffitis s’inspirent de mosaïques ou de peintures. Cette voie est encore à explorer. Se pose enfin la question, comme pour certains autres textes de l’Antiquité, de la réception de ces messages à l’époque.
La présentation de l’éditeur précise que l’exposition voyage. Ainsi est-elle visible à Périgueux depuis début mai et jusqu’à fin septembre 2009.
Au total, ce catalogue d’exposition a l’avantage de combiner la découverte d’une source, pas toujours identifiée comme telle, et d’en proposer une sélection commentée dans le cadre d’un bel ouvrage.
Jean-Pierre Costille © Clionautes