Cet ouvrage paru dans la collection Carrefours, les dossiers des éditions
Ellipses, propose une vue d’ensemble de parcs nationaux dans le monde et donne matière à comparaison et réflexion. La plupart des auteurs placent ces parcs dans une perspective historique, ils mettent en évidence enjeux et conflits autour de la création et la gestion de ces parcs.
Par Jean-Jacques Blain,

Dans l’introduction, les deux coordonnateurs de l’ouvrage S. Héritier, maître de conférences à l’Université Jean Monnet de St Etienne auteur d’une thèse sur les parcs nationaux des Montagnes Rocheuses canadiennes et Lionel Laslaz, maître de conférences à l’Université de Savoie, auteur d’une thèse sur le parc de la Vanoise) précisent les définitions des aires protégées et de parcs nationaux ainsi que les enjeux de gestion, de développement et de conflits; cette introduction propose aussi un planisphère bien utile pour la localisation des parcs cités dans l’ouvrage.
Dans la seconde introduction, Johan Milian et Estienne Rodary présentent un aperçu cartographique permettant d’appréhender la diffusion spatiale et temporelle des parcs nationaux, comparent avec les autres formes de protection et montrent qu’aujourd’hui les politiques d’aménagement de parcs sont associées à d’autres modalités de protection ceci traduisant la complexité des « mises en protection » dans un but, en principe, de développement durable plus ou moins réussi.

Une première partie propose trois dossiers autour de la gestion touristique, le premier évoque le cas de la Russie qui a, certes, été très malmenée sur le plan environnemental pendant la période soviétique et l’est encore, mais des politiques de protection se sont initiées lors de la période « communiste » avec les « zapovedniks ». Ce système est bien sûr modifié à partir de 1990 avec une gestion plus cohérente et un réseau intégré de « Territoires Spécialement Protégés » dans un but de protection et de développement touristique mais le manque de moyens risque de rendre difficile une protection effective.

Le second dossier est intéressant dans le sens où il évoque une zone du monde, le Moyen Orient, qui n’est guère connue pour ses parcs nationaux. La mise en place de ceux ci s’est effectuée assez tardivement compte tenu du contexte peu favorable: des systèmes traditionnels de gestion locale et une indépendance tardive.
Néanmoins ces espaces existent et le potentiel touristique de la région incite au développement de ces parcs, la Jordanie fait figure de pionnier à partir d’une expérience pilote menée dans les années 90 dans la réserve de Dana (300km² au sud du pays).

Dans le troisième dossier, Christophe Gauchon décrit le parc national du Triglav en Slovénie et montre que celui-ci a joué un grand rôle dans l’identité nationale de ce pays. Ce parc, marqué par un tourisme précoce, constitue aujourd’hui un élément essentiel de son activité : le centre des Alpes Juliennes, donc pour l’essentiel le parc, couvre 23% des
capacités d’hébergement du pays.

Une deuxième partie, intitulée « Nature et développement durable : une gestion de la géodiversité », présente les politiques de gestion des ressources à travers trois exemples régionaux : l’Amérique latine, l’Europe centrale et la Chine.
Christophe Grenier analyse les modalités de gestion de trois parcs emblématiques de l’Amérique latine celui de Corcovado (Costa Rica) et surtout ceux plus connus des Galapagos (Equateur) et de Rapa Nui (Chili, Ile de Pâques). Particulièrement pertinent est l’usage du concept de « géodiversité » défini au sens géographique où, certes, on intègre la diversité des caractéristiques physiques en interrelations avec leurs propriétés et leurs systèmes mais aussi la dimension sociale et humaine cette notion peut donc ainsi aider à analyser l’adaptation géographique des sociétés à l’environnement selon l’usage qu’elles en font en préservant la diversité et leurs cultures. L’auteur déplore le risque d’un usage touristique important entraînant des pertes définitives de cette géodiversité.
Lucile Médina-Nicolas observe la tentative de mise en place de parcs transfrontaliers en Amérique Centrale pour protéger certes. Mais la politique n’est pas absent : la création du parc de La Amistad à la frontière du Costa Rica et du Panama doit permettre à ces deux Etats de nouer des liens dans un contexte régional longtemps troublé. Par contre l’initiative dès 1970 d’un parc transfrontalier entre le Guatémala, le Salvador et le Honduras n’a pas encore été conclue, montrant les difficultés de gestion et d’harmonisation à l’échelle transfrontalière.
Samuel Dépraz engage une réflexion sur les parcs d’Europe centrale (ex-socialiste) où, malgré des dégâts environnementaux majeurs, des politiques de création de parcs nationaux ont été précocement mises en place. Tel est le cas de la Pologne qui possédait 13 parcs nationaux avant 1990. Ces parcs sont extrêmement diversifiés : parcs forestiers, littoraux ou zones humides continentales. Aujourd’hui, les pratiques de gestion tentent de s’aligner sur l’Europe de l’Ouest.
Guillaume Giroir aborde le mode de gouvernance des parcs nationaux en Chine. La surface des parcs a considérablement augmenté depuis 1978, passant de 201000 ha à 88 millions d’ha aujourd’hui. L’auteur en décrit les difficultés de gestion. Elles sont le fait de la présence importante de résidents permanents qui appartiennent souvent à des populations non han. Autres difficultés: le manque de financement et le mode de gouvernance de l’espace chinois.

Au cour de la dernière partie, « Des territoires appropriés: les modalités de gestion politique des populations locales », les auteurs mettent en évidence, à travers les exemples africain, français, américain et australien, les conflits et les enjeux entre les différents acteurs de ces parcs.
Estienne Rodary, dans le dossier sur les parcs africains, montre que, malgré l’étendue des parcs et leur ancienneté (les premières mesures de protection sont prises entre les années 1880 et 1920), les difficultés de gestion restent importantes. Les parcs ont systématiquement été utilisés comme outils politiques aussi bien par les gouvernements que les acteurs internationaux ou plus récemment les pouvoirs locaux. Plus loin, Sylvain Guyot et Lizile Mniki rappellent qu’en Afrique du Sud les parcs nationaux ont servi de support à un développement séparé et une gestion « raciale » des territoires ; aujourd’hui malgré l’excellente réputation internationale de ces parcs, ils conservent pour les populations rurales une représentation négative avec un sentiment de spoliation et d’injustice. Lionel Laslaz étudie les mutations des parcs nationaux alpins suite à la loi de 2006 sur les parcs nationaux. Ils s’orientent d’avantage vers des objectifs d’acceptation locale; par ailleurs les dimensions internationale et européenne constituent pour l’ensemble des parcs alpins un défi pour les années à venir, des échanges d’expériences s’effectuent déjà au sein du réseau alpin des espaces protégés. Stéphane Héritier présente une comparaison entre le Canada , les Etats-Unis et l’Australie et montre que les communautés aborigènes revendiquent le droit de participer à la gestion et ainsi bénéficier des retombées touristiques.

Dans leur conclusion, les auteurs mettent en perspective les différentes contributions et incitent à élargir les recherches de géographes et plus généralement de chercheurs en sciences sociales autour des questions culturelles et politiques permettant d’améliorer « le vivre ensemble » des différents acteurs.

Cet ouvrage présente de nombreux intérêts. Pour l’enseignement secondaire, il fournit aux collègues un panel varié de zones protégées dans le monde entier dans le cadre de l’enseignement du développement durable, des cartes de localisation et thématiques; surtout l’ensemble de photographies au centre de l’ouvrage témoigne du soucis pédagogique des auteurs.
Bien évidemment cet ouvrage constitue un bon outil universitaire particulièrement en 1er cycle dans le cadre d’un enseignement de géographie environnementale ou de cours sur le développement durable fournissant aux étudiants quantité d’études de cas à l’échelle du monde.
Un ouvrage sérieux et à recommander pour les collègues de l’enseignement secondaire ou supérieur.

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