Fermiers, ouvriers et bûcherons, ces immigrants irlandais ont joué un grand rôle dans la mise en valeur du centre du Canada à la fin XVIIIe siècle et au XIXe siècle. L’ouvrage retrace les motivations de cette migration et les différents groupes qui se sont installés soit en Ontario, soit au Québec. Ce furent d’abord des protestants des ports d’Ulster, puis des catholiques du sud et de l’ouest. L’autrice s’est beaucoup appuyée sur les journaux intimes et des lettres envoyées en Irlande.
L’histoire de cette immigration permet également d’aborder l’évolution économique et sociale de cette région du Canada.
L’attrait du centre du Canada pour les Irlandais
L’autrice décrit les moyens financiers destinés à financer la traversée et les réseaux, souvent familiaux.
« Une part considérable des dépenses associées à l’émigration des Irlandais [était] défrayée par de l’argent envoyé en Irlande par des personnes ayant déjà émigré en Amérique du Nord. ». Extrait d’un rapport de 1848, par les agents de la Colonial Land and Emigration Commission, cité p. 14
Souvent des ouvriers, ces migrants trouvent outre-atlantique de meilleures conditions de vie et de travail, ils font venir d’autres membres de leur famille dont ils financent le voyage.
L’autrice note que beaucoup arrivèrent dans les années 1800, donc bien avant la grande famine, souvent considérée comme la cause de la migration irlandaise. Elle rappelle que les premiers Irlandais venus s’installer venaient de France où ils s’étaient réfugiés après la répression anticatholique de 1641. Le second contingent venait des États-Unis, des colons probritanniques, après la guerre d’Indépendance américaine. Enfin vers 1820, fuyant la crise économique au Royaume-Uni après 1815, ils installent au nord et au sud de Montréal et de Québec, notamment dans le comté de Mégantic, comme fermiers.
Au cours du XIXe siècle, les installations se déplacent vers l’ouest, dans la vallée de l’Outaouais, on les trouve dans les activités forestières. L’autrice détaille ces arrivées de migrants au Québec et dans l’Ontario, ainsi que les différences entre catholiques, anglicans et protestants.
Les premiers arrivants
Après un premier chapitre introductif, l’auteur revient, avec une grande précision sur les premiers arrivants en Nouvelle-France et les loyalistes fuyant les États-Unis qui furent récompensés de la loyauté par des attributions de terre.
La ville de Québec et les régions rurales au nord et au sud
De vastes terres en périphérie de la ville de Québec étaient toujours inexploitées, au début du XIXe siècle. Une politique d’accueil permit l’installation des migrants. Un véritable réseau se mis en place pour faciliter voyage et installation qui n’était pas toujours facile.
L’autrice décrit la situation dans les différents cantons au cours du XIXe siècleCarte des communautés irlandaises au nord et au sud de Québec, 1851, p. 55.
Les Cantons-de-l’Est
Le cas du Canton de Mégantic et l’histoire de la famille Kerr permettent de mesurer l’œuvre de mise en valeur des terres : défrichement, tracé des routes par les loyalistes. Cette colonisation fut soutenue par le gouvernement pour contrôler la frontière américaine. Cependant, les hivers rudes et le sol de qualité variable ne les encourageaient pas à rester. L’implantation de la British American Land Company, dans les années 1830, leur offrit des emplois. Ce qui attira de nouveaux migrants, dans la région de Sherbrooke.
Montréal et les régions rurales au nord et au sud
À partir de l’exemple de la communauté agricole de Saint-Colomban, fondée par des catholiques irlandais, dans les années 1820, ce chapitre traite des implantations dans la région de Montréal. Il montre la croissance rapide de la population irlandaise que Raoul Blanchard voyait comme « une invasion irlandaise » Cité p. 103, surtout des catholiques. Ils étaient ouvriers, notamment au port, dans le quartier pauvre de Griffintown. Petit à petit, des communautés rurales se développent. L’autrice montre comment chaque communauté, dès quelle est assez nombreuse, construit son édifice religieux.
La vallée de l’Outaouais
Attirés par des salaires élevés dans la percement de canaux et le bûcheronnage, nombreux sont les Irlandais qui s’installent dès les années 1820. Les bois descendaient vers le Saint-Laurent avant d’être expédiés vers le Royaume-Uni.
« John Egan, un Irlandais de Galway, succéda à Wright comme « roi d’Ottawa » vers 1845, embauchant chaque année 3 800 hommes pour abattre des arbres et expédier environ 55 trains de bois vers Québec. » (p.129)
Les autres régions de l’Est ontarien et le second groupe de Peter Robinson
Ce chapitre conduit vers l’Ontario, on retrouve la description détaillée des origines, notamment religieuses et des implantations des migrants, qui furent moins aidés, moins encadrés que dans les régions décrites précédemment. L’autrice met en lumière le projet de Peter Robinson de 1825 :
« Des 50 000 demandes reçues de fermiers, d’ouvriers et d’artisans, Robinson choisit 307 familles (2 024 personnes), surtout du comté de Cork, même s’il y en avait aussi des comtés de Limerick, Tipperary, Waterford et Kerry. Ils venaient en majorité des 90 mêmes paroisses (quelques personnes pour chacune). Huit propriétaires terriens dont les domaines occupaient cinq comtés irlandais contigus se chargèrent du gros de la sélection ; le reste des familles fut choisi par 37 autres propriétaires. Les immigrants devaient être pauvres, catholiques et âgés de moins de 45 ans. » (p.155)
D’autres communautés protestantes s’installèrent dans la région.
L’autrice décrit de manière minutieuse la situation au nord vers le lac Simcoe et à l’ouest vers la vallée de la Thames, la péninsule ouest de l’Ontario.
L’immigration irlandaise pendant la Grande Famine de 1847
On connaît cet épisode dramatique pour les Irlandais, nombre d’entre eux tentèrent leur chance outre-Atlantique, d’autant de ne nombreuses communautés irlandaises étaient déjà implantées.
En 1847, ce sont environ 54 300 immigrants qui débarquent au port de Québec, sans doute 70 000 si on ajoute ceux arrivés par le port de Liverpool Tableau des navires transportant des immigrants irlandais arrivés à Québec en 1847, p. 240 à 250 et tableau des immigrants arrivés à Québec de ports irlandais pendant la famine p. 250. La mortalité durant la traversée et dans les semaines qui suivent est très élevée (malnutrition, maladie), une fosse commune fut creusée au cimetière de la Grosse île.
L’autrice évoque l’aide apportée par les propriétaires terriens pour encourager la migration et ainsi sauver économiquement leurs propriétés irlandaises.
Plutôt ruraux au départ, de nombreux Irlandais arrivés pendant la famine, s’installèrent en ville.
Les traversées maritimes
Ce chapitre s’appuie sur des témoignages qui rapportent les difficultés du voyage à différentes dates, au cours du XIXe siècle.
Les Irlandais du Québec et de l’Ontario
Dès le dernier quart du XIXe siècle, les Irlandais du Québec étaient plus nombreux que les Anglais et les Écossais réunis. En Ontario, ils formaient le plus grand contingent d’immigrants.
Parmi eux, on trouve des nationalistes irlandais qui tentèrent sans succès de peser sur la politique britannique en Irlande, quand d’autres se veulent avant tout canadien, comme Thomas D’Arcy McGee. La désunion, au Canada, entre catholiques et protestants d’origine irlandaise était vive, à la fin du XIXe siècle.
L’autrice évoque le goût immodéré de l’alcool dans la communauté irlandaise, l’importance de la Saint-Patrick et du parti orangiste.
L’intérêt de l’ouvrage réside dans la déconstruction de l’idée, communément admise, que l’émigration irlandaise est liée à la grande famine de 1845-1847.