Robert Belot, Eric Alary et Bénédicte Vergez-Chaignon sont trois universitaires, historiens spécialistes de la France sous l’Occupation et de la Résistance française, auteurs de thèses et d’ouvrages de référence, sur les réseaux de passage en Espagne et sur Henri Frenay, le chef du mouvement Combat pour Robert Belot, sur les vichysto-résistants, sur Pétain et son entourage (le docteur Ménétrel) pour Bénédicte Vergez-Chaignon, sur la ligne de démarcation et sur les Français durant les années noires pour Eric Alary.
Une version allégée et remaniée d’un ouvrage publié en 2003
Les trois mêmes auteurs avaient publié en 2003, aux éditions Larousse, un beau et gros livre qui portait le même titre. Le livre qu’ils nous proposent aujourd’hui en est une version considérablement allégée (128 pages au lieu de 318), construite sur un plan légèrement différent (le précédent se présentait comme un éphéméride), au contenu bien moins approfondi, qui poursuit le même objectif : présenter la Résistance française du point de vue des hommes et des femmes qui firent ce qu’elle fut, présenter les conditions concrètes de leurs action, la diversité de leurs organisations, les motivations de leur engagement, les combats des maquis, les formes de la répression etc., sans occulter la réalité des tensions et des désaccords.
La Résistance et les résistants sous tous leurs aspects
Le plan est à la fois chronologique et thématique : une quarantaine de thèmes sont successivement traités en une double page ou un peu plus, depuis « le choc de la défaite » et « l’appel du 18 juin« , jusqu’à la Libération, l’épuration, et aussi la « nouvelle donne politique » et « la construction d’un mythe« . Il s’agit donc d’aborder à la fois la Résistance extérieure et intérieure, les mouvements, les réseaux et les maquis, l’unification et la répression ; mais aussi quelques aspects thématiques : « Marseille, capitale de la Résistance« , « Les femmes dans la Résistance« , « Les écrivains de la nuit« , « Attentats et sabotages« , y compris ceux qui touchent au quotidien du résistant clandestin : « Le pseudonyme, l’arme secrète du résistant« , « Communiquer dans la clandestinité« .
Priorités aux illustrations et aux documents
L’objectif est d’autant plus ambitieux que la priorité est accordée au document sur le texte. Les illustrations sont nombreuses et de grande qualité. Mais il y a plus, et c’est la particularité de cette édition. On trouve en effet, en feuilletant l’ouvrage, une vingtaine de fac-similés de document d’archives, soigneusement pliés dans des pochettes collées aux pages du livre. La reproduction est parfaite, qu’il s’agisse de tracts ou de documents d’archives. Le lecteur peut ainsi tenir entre ses mains le texte manuscrit de l’appel que le général de Gaulle prépara en juin 1940, le projet d’une charte de la Résistance proposé par le Front national, un télégramme de Jean Moulin au BCRA, la dernière lettre de Jean Moulin à De Gaulle écrite le 15 juin 1943, ou des documents moins exceptionnels, mais qui sont le matériau de l’historien, un rapport de gendarmerie, un compte rendu de sabotage, une circulaire de recherche de « terroristes » etc.
Une approche claire et simple, pas toujours exempte d’un certain parti pris
En conséquences de ces choix éditoriaux (faible nombre de pages, beaucoup d’illustrations souvent de grand format), le volume du texte est réduit et le contenu ne peut être approfondi. Il expose néanmoins clairement l’essentiel et aborde simplement la plupart des sujets qui ont intéressé l’historiographie récente.
Le lecteur un peu mieux informé ne manquera pas de s’étonner devant quelques formules et de regretter un certain parti pris. Sur quelle base scientifique affirmer que les résistants furent 400 000 (4e de couverture) ? Pourquoi reprendre la fameuse phrase d’Eisenhower selon laquelle « l’action de la Résistance a représenté l’équivalent de quinze divisons armées » (p. 93), sans la replacer dans son contexte et en montrer les limites ? Pourquoi se montrer aussi critique à l’égard de Jean Moulin et aussi dithyrambique à l’égard d’Henri Frenay ? Jean Moulin bénéficie certes d’une double page (68-69) avec pour titre « Héros de la Résistance » Mais on y affirme qu’il se laissait « instrumentaliser » par des « résistants de la deuxième génération » qui voulaient « éliminer les chefs historiques« . On insiste sur les « limites » de son oeuvre et l’on estime que Londres le désavouait. Affirmations qui ne font pas consensus parmi les historiens. Mais Robert Belot est le biographe d’Henri Frenay et il en est souvent l’avocat ! Frenay est présenté comme « l’homme qui a montré le chemin » (p. 52), son opposition à Moulin est justifiée par une dérive centralisatrice de ce dernier, et quand l’affaire suisse est évoquée (p. 55), c’est pour justifier totalement cette prise de contact de Frenay avec les Américains sans expliquer vraiment pourquoi « elle engendre un véritable climat de défiance entre Moulin et la Résistance intérieure« .
Cet ouvrage convient bien pour une approche simple du monde résistant et il est tout à fait recommandé dans les centres de documentation de nos établissements scolaires.
© Joël Drogland