Cette présentation a été rédigée pendant le mouvement social à propos de la réforme des retraites en octobre 2010.

Le service de presse de la direction de l’information légale et administrative a mis à notre disposition avec son efficacité habituelle ces trois publications. Elles nous ont servi a rédiger cette synthèse.

Le thème des retraites constitue un sujet essentiel pour nos sociétés, appelé à mobiliser l’ensemble des pays développés lors des années à venir. En effet, le financement des pensions ne représente qu’un aspect d’un problème plus complexe.
Quel effort les actifs, doivent-ils supporter ? Quel partage entre les générations, ou entre le public et le privé ? Comment intégrer la progression de l »espérance de vie ? Comment tenir compte de l’entrée tardive des jeunes et du retrait précoce des salariés sur le marché du travail ?

Ces questions renvoient sans doute à des considérations comme l’égalité, l’équité ou la solidarité, qui demandent à être précisées à l’ ‘occasion de ce débat. Les équilibres actuels, financiers, économiques mais aussi démocratiques, semblent désormais liés aux réponses qui y seront apportées.
Plusieurs vagues de réformes, entreprises en 1993, 2003 et 2010, sont venues nourrir le débat et la réflexion sur ces aspects. La dernière réforme a suscité un mouvement social important pendant le mois d’octobre 2010.

Depuis le début des années 80, la question des retraites se pose en France avec une acuité toute particulière. Le modèle social français repose sur un système de retraite par répartition, basé sur la « solidarité entre générations ». Cela signifie que les actifs d’aujourd’hui cotisent pour les retraités actuels en espérant que les actifs de demain seront en mesure de cotiser pour eux.
Ce système part donc de l’idée que les prélèvements sur les salaires des actifs seront supportables, à savoir que leur nombre sera suffisamment élevé pour en répartir la charge. Or, depuis le début des années 70, la natalité de la France s’est fortement ralentie. Les enfants du baby boom, nés dans seconde moitié des années 40 et la première moitié des années 50, font actuellement valoir leurs droits à retraites et pensions. La charge repose donc sur des générations moins nombreuses et le système apparait menacé. Cette mise en garde avait été faite dans les années 70 par le démographe français Alfred Sauvy. Cela explique pourquoi, les gouvernements successifs se sont préoccupés de cette question. Leurs réponses ont été différentes selon les orientations, mais, une fois adoptée la mesure, intégrée dans le programme de la gauche, de la retraite à 60 ans. Toutefois, depuis dix ans, le taux de natalité en France s’est élevé et se situe, avec l’Irlande, parmi les plus élevés d’Europe.
La retraite à 60 ans a été adoptée Le 4 février 1983 par l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, après négociations avec les différentes organisations concernées. Cette réforme, si elle faisait l’unanimité au sein des syndicats ouvriers, a provoqué certaines discussions des plus âpres avec la Confédération générale des cadres, notamment quant au niveau des retraites versées.
Cette réforme représente un tournant majeur à plusieurs points de vue. Elle permet tout d’abord d’allonger considérablement la durée des retraites, d’autant que l’espérance de vie moyenne ne cesse d’augmenter. La catégorie des «retraités» prend ainsi une dimension nouvelle au sein de la société française. Une autre conséquence de la réforme est qu’elle pèse considérablement sur la Sécurité sociale.
Or le problème du coût de la Sécurité sociale est devenu, depuis la montée du chômage qui diminuait les recettes, un problème lancinant. Il ne cessera de s’accroître en raison de la progression du chômage mais également des déséquilibres démographiques (il y a de moins en moins d’actifs pour de plus en plus d’inactifs), n’épargnant plus aucun gouvernement.

Le débat actuel sur les retraites se révèle pourtant d’une rare complexité. Les équilibres entre les régimes, public /privé, le développement de système de retraites par capitalisation, l’attachement des français aux assurances vie et aux dispositifs d’épargne défiscalisante, rendent la réforme des retraite difficile. Dans le même temps, ce débat s’inscrit dans une réflexion plus globale sur le modèle social français issu du programme du Conseil National de la Résistance et mis en œuvre à a Libération.
Ce socle qui a longtemps fait consensus est-il adapté à l’évolution économique mondiale marquée par la globalisation et la montée en puissance de pays émergents qui seront aussi, et très rapidement, frappés par des déséquilibres démographiques ?
Face à ces pays émergents la question des retraites pose aussi le problème du type même de travail, pénible ou non, de la vie après l’activité salariée et celle de l’espérance de vie. Celle-ci s’est considérablement allongée, si l’on prend le critère de l’espérance de vie à la naissance, mais en va-t-il de même à 60 ans, 62 ans, 65 et 67 ans ?

La date pour le rendez-vous de 2010 n’était pas forcément impérative. Cela ne faisait d’ailleurs pas partie du programme du Président de la République lors de l’élection de 2007. La réforme de 2010 a surtout été marquée par le début et l’approfondissement de la crise financière à partir de 2008, et par la nécessité impérative de résorber les déficits publics.
À la fin de2010, si l’on se base sur les prévisions antérieures le déficit du système de retraite aurait dû être de « seulement » 11 milliards d’euros. La crise financière apportée ce montant à 21 milliards d’euros et les dépenses sociales représentent désormais 8 % du PIB.
La publication en 2010 du rapport du comité d’orientation des retraites a mis en lumière des situations à risque.
Alors que de façon globale, dans les décennies précédentes le niveau de vie des retraités s’était maintenu, voire avait connu une certaine augmentation, celui-ci apparaissait de plus en plus menacé si le creusement des déficits conduisait à une baisse du niveau des pensions servies.
Dans le cadre du système par répartition l’équilibre est à trouver entre une augmentation de la durée de cotisation, une baisse des pensions, ou alors une augmentation des cotisations. Parmi les paramètres qui sont également à prendre en compte pour alimenter cette réflexion, on trouve également l’augmentation du chômage particulièrement sensible entre 2008 et 2010.

Très clairement, il s’agit là de la remise en cause de l’équation qui avait fondé les mesures du début des années 80, le départ à la retraite est censé favoriser l’emploi des jeunes. On retrouve ici le paradoxe français cité plus haut d’un fort chômage des jeunes et d’une activité faible des seniors. Cela peut être présenté de façon plus brutale : « pour changer la retraite, il faut changer le travail, or le travail vient à manquer. »
Face à cette équation de départ à la retraite censés favoriser l’emploi des jeunes, le patronat oppose l’argument suivant : l’allongement de départ à la retraite favoriserait les efforts des entreprises pour employer des seniors qui pourraient ainsi compter sur une main-d’œuvre plus qualifiée. Les pays de l’union européenne qui sont passés à l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, ont maintenu les dispositifs de préretraite et ont également développé des dispositifs prenants en compte l’invalidité des travailleurs devenus âgés.
Les différentes variables d’ajustement ne sont pas forcément faciles à mettre en œuvre.
La réduction du niveau des retraites, incitant un départ plus tardif pose le problème du différentiel de revenus entre les actifs et les retraités. Celui-ci serait actuellement de 8 % et de 3 % si l’on ne prend pas en compte le logement. Les emprunts pour l’acquisition de la résidence principale sont en général soldés au moment du départ en retraite. La question qui reste posée est celle de la pauvreté des plus de 65 ans, qui représente 10 % de la catégorie concernée, contre 13,4 % pour l’ensemble de la population.

L’augmentation des prélèvements sociaux, contribution sociale généralisée, contribution au remboursement de la dette sociale, pose un problème général de maintien du pouvoir d’achat. De plus l’effet de cette mesure serait sans doute aggravé par l’augmentation de la taxation sur l’assurance-vie, placement préféré des Français, dans le cadre du « rabotage des niches fiscales ».
Parmi les problèmes qui se posent également, celui du taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le salaire d’activité et la retraite ou la pension perçue.
Ce qui concerne spécifiquement la fonction publique, l’harmonisation envisagée de faire le calcul sur les cinq dernières années, au lieu des six derniers mois comme actuellement, (octobre 2010), conduirait revoir le niveau des pensions baisser de 10 % en moyenne. Cela ne serait pas compensé par l’intégration des primes et bonifications dans le calcul. La part variable de la rémunération dans les salaires de la fonction publique est en effet très différente selon les métiers. Comme on peut le constater, la réforme du système de retraite mise en chantier en 2010 ne semble pas régler tous les problèmes qui se posent aujourd’hui, et qui sont amenés à se poser jusqu’en 2018, date jusqu’à laquelle l’équilibre serait assuré dans le cadre de cette réforme.
La dramatisation du problème du déficit démographique, et du déséquilibre à venir entre les actifs et les inactifs, semble avoir eu pour conséquence une montée des inquiétudes au sein de la jeunesse scolarisée, qui s’intéresse forcément à son accès à l’emploi et à la pérennité du système dont les générations précédentes ont pu bénéficier. Cela s’est traduit pour 2010 par l’irruption de la jeunesse scolarisée dans le mouvement social, ce qui n’avait pas eu lieu de façon aussi importante à propos des réformes précédentes.