Monographie régionale sur l’histoire d’un lignage seigneurial au XVe siècle
C’est le mérite des éditeurs régionaux que de donner leur chance à des auteurs faisant leurs premiers pas dans la recherche historique. Les éditions Alice Lydner ont ainsi entrepris d’éditer quelques mémoires de maîtrise soutenus à l’université de Limoges. Tel est le cas de ce volume consacré aux seigneurs de Boussac à la fin du Moyen Age.

Boussac, actuellement chef-lieu de canton du département de la Creuse, était, depuis le Moyen Age, le siège d’un puissant château situé aux confins du Berry et de la Marche, mais dépendant religieusement du diocèse de Limoges. Le château de Boussac revient au XIIIe siècle à une branche cadette de la famille de Brosse (château situé sur la commune de Chaillac, sud de l’Indre), qui le détient jusqu’au XVIe siècle. Les seigneurs de Boussac contrôlent aussi bien d’autres seigneuries des confins berrichons et Marchois, qui leur échoient au gré d’alliances matrimoniales avisées, notamment les seigneuries de Sainte-Sévère, d’Huriel en Bourbonnais, et de Bridiers, acquise au début du XVe siècle.

L’auteur a choisi de présenter l’ascension de la famille des seigneurs de Boussac et l’expansion de leur puissance politique et territoriale, dans le contexte de la guerre de Cent Ans. Leurs seigneuries relèvent de l’hommage au roi de France et sont situées aux limites des territoires contrôlés par le roi de France (ou le « roi de Bourges » qu’est Charles VII, replié sur le Berry, le Poitou et la Touraine), et par les partisans des Anglais au Sud.

L’auteur commence par présenter les origines de la famille détentrice du château de Boussac, en remontant aux origines de la famille de Brosse, dont la généalogie est un peu difficile à reconstituer jusqu’au XIIIe siècle, puis les alliances matrimoniales qui permettent d’élargir les horizons des possessions. Du mariage de Roger de Brosse avec Marguerite de Déols (avant 1256) à celui de Pierre II de Brosse avec Marguerite de Malleval (1375), les horizons se limitent au Berry et régions voisines. Deux unions avec des femmes, qui sont les seules héritières de leur lignée, aident à rassembler de nombreux domaines, Jean de Brosse épousant Jeanne de Naillac (en 1419), et Jean II de Brosse Nicole de Blois (en 1437), seule héritière de son père Charles de Blois et de son oncle Jean de Penthièvre pour le comté breton de Penthièvre. Suite à cette politique matrimoniale avisée, les enfant de Jean II contractent des alliances hors de la province dans de grandes familles (Laval, Montferrat, Nevers et Brabant…), reflet d’une influence grandissante du lignage de Boussac.

Celui qui fait sortir le lignage d’une relative obscurité est Jean de Brosse, qui devient chambellan du dauphin Charles en 1418, puis est attaché à sa protection quand ce dernier devient le roi Charles VII. Jean de Brosse devient maréchal en 1426. Ses participations aux campagnes militaires de reconquête de son royaume sont évoquées jusqu’à sa mort qui survient en 1433, laissant un patrimoine à peu près ruiné… Jean II de Brosse prend la suite de son père dans l’entourage royal, où il commence comme chambellan, puis il devient conseiller d’état, et participe aussi activement aux dernières opérations militaires de la guerre de Cent Ans.

L’emprise territoriale des principales seigneuries détenues par cette famille est ensuite décrite par l’auteur. Le propos traite principalement de la seigneurie et château de Boussac, avec quelques rapides indications sur son administration et ses sources de revenus. Le maréchal, sans doute pressé par des besoins financiers et désireux d’augmenter la population du bourg de Boussac, octroie en 1427 une charte de franchise à tous ceux qui viendraient s’y installer. Viennent ensuite des difficultés survenues à la mort du maréchal de Boussac en 1433, du fait de la minorité de son fils Jean II, dont la tutelle fut disputée entre sa grand-mère Marguerite de Malleval, qui semble avoir dilapidé le peu de ressources qui restaient à la mort du défunt, et son cousin Louis de Culant, amiral de France et compagnon d’armes du maréchal de Boussac. Ces pénibles affaires durèrent environ dix années.

Sont abordées ensuite les seigneuries d’Huriel en Bourbonnais, dont le château est réaménagé au XVe siècle, à côté duquel se trouvait une chapelle, où la famille de Boussac avait fait installer un tombeau familial, amorce de nécropole dynastique ?
Ensuite les seigneuries secondaires du château de Bridiers, puis de divers domaines en Bourbonnais, en Poitou puis en Penthièvre en Bretagne sont brièvement évoquées.
L’ouvrage se termine sur l’évocation des relations des seigneurs de Boussac avec les établissements religieux voisins ou plus lointains. Sont d’abord présentées leurs donations et fondations d’anniversaires (commémorations périodiques des défunts d’une famille par des messes dites par des religieux) au profit des ordres mendiants des Franciscains et Dominicains à Brive et Limoges. Leurs relations avec la petite collégiale d’Huriel, où ils avaient élu leur sépulture, sont également évoquées. C’est ensuite le tour des commanderies hospitalières proches de leurs châteaux de Boussac et de Bridiers, respectivement les commanderies de Lavaufranche et de Morterolles, avec lesquelles les seigneurs eurent des démêlés concernant des droits de guet, le contrôle sur les populations dépendant des seigneuries ecclésiastiques, et le droit de fortifier revendiqué par les religieux…

L’ouvrage est joliment illustré par des plans et gravures anciennes (parfois un peu sombres), et des photographies récentes évoquant l’environnement matériel actuel. Une carte d’ensemble localisant les lieux cités aurait été utile, de même qu’un petit lexique géographique, notamment lorsque l’auteur cite les différents lieux dépendants de seigneuries, peu familiers aux lecteurs étrangers à cette région.

Bien que le titre annonce une étude centrée le XVe siècle, l’auteur ne s’interdit pas d’exposer ce que l’on sait de l’histoire de cette famille et de ses possessions dans les siècles qui on précédé. A propos de l’étude des seigneuries dominées, l’auteur annonce ne pas avoir l’ambition de présenter une étude exhaustive et choisit de mettre l’accent seulement sur certains aspects jugés significatifs d’après l’examen des seules archives seigneuriales déposées aux archives départementales de la Creuse.

Le lecteur averti relèvera peut-être quelques naïvetés ponctuelles de médiéviste débutante : par exemple, l’auteur s’interroge sur une éventuelle parenté avec une famille de drapiers de Bourges nommée Turpin, alors que le lien concerné désigne assurément la lignée noble du même nom influente en Poitou et Touraine, ou bien encore s’aventure dans l’audacieuse extrapolation d’un banal litige de juridiction avec une commanderie de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, interprété comme le signe d’une prétendue menace d’agression militaire aux dépens du seigneur de Boussac.

Ce livre n’en constitue pas moins une commode initiation pour ceux qui s’intéressent à l’histoire régionale de ce territoire de marches entre Berry et Limousin, dans un registre de lecture facile à aborder par un lecteur peu au fait de la période médiévale.

Noëlle Cherrier-Lévêque