Depuis plusieurs décennies, la population mondiale augmente à un rythme sans précédent, suscitant angoisses et interrogations, notamment sur le vieillissement de l’humanité, les migrations, etc. Selon les projections de l’ONU, la population mondiale pourrait atteindre les 10 milliards de personnes en 2050, soit dans moins de 30 ans. Cette croissance démographique est le résultat d’une transition démographique, caractérisée par de faibles taux de natalité et de mortalité, qui a débuté dans les pays industrialisés et qui continue, aujourd’hui, dans les pays moins développés. Elle est encore inachevée dans le continent africain.
Alors que le cap des 8 milliards d’habitants vient d’être franchi, Gilles Pison et Guillaume Balavoine, historien et cartographe, nous proposent une troisième édition de l’Atlas mondial de la population. Gilles Pison est généticien et démographe reconnu pour la qualité de ses travaux sur la démographie. Il est également professeur au Muséum national d’histoire naturelle et chercheur associé à l’INED.
Cet ouvrage ne cherche ni à grossir, ni à minimiser les problèmes démographiques. Il cherche à alimenter le débat en fournissant des données aussi objectives que possible sur les tendances démographiques actuelles, la question en toile de fond étant de savoir combien la terre comptera d’habitants demain et à quoi ressemblera la population mondiale. Avec plus de 90 cartes, à différentes échelles, et documents actualisés d’une grande qualité, cet atlas offre un regard précis sur les défis de la croissance démographique ainsi que ses conséquences pour la planète et notre environnement. Avec une approche thématique intelligente, il revient sur la transition démographique, les différents cycles de la vie (naissances, durée de vie et vieillissement), les inégalités mondiales, les migrations, l’urbanisation et le développement.
Chaque chapitre propose un état des lieux de la population mondiale, des mécanismes et des conséquences de sa croissance, ainsi que des grands enjeux qui l’accompagnent. Ils sont complétés par des exemples variés, qui peuvent être réinvestis en classe. De petits encarts mettent en avant des chiffres et données clés. Dans chaque double page, les graphiques et les cartes sont très nombreux et prennent une place majeure.
Huit milliards d’êtres humains
La population mondiale compte 8 milliards d’habitants en 2022 et augmente rapidement. Elle devrait franchir le seuil des 9 milliards en 2037 et atteindre les 10 milliards en 2050, d’après le scénario de projection des Nations Unies. Cette annonce des démographes est solide. En effet, la majorité des personnes qui vivront en 2050 sont déjà nées et on peut estimer, avec une marge d’erreur, la part d’entre elles qui ne sera plus en vie. Le nombre de nouveaux nés à venir peut également être estimé. Cette population est inégalement répartie sur la planète.
Après avoir présenté la population mondiale et la transition démographique, inégalement achevée en fonction des régions du monde, dans un premier chapitre introductif, l’atlas analyse les différentes étapes du cycle de la vie, avec les naissances, l’évolution de la durée de vie et le vieillissement de la population (chapitres 2, 3 et 5).
Tout d’abord, si la population mondiale continue d’augmenter, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès (les naissances sont, en moyenne, deux fois plus nombreuses que les morts). Cet excédent est lié à la transition démographique. Pourtant, la croissance démographique décélère en raison d’une diminution de la fécondité. Les disparités sont, néanmoins, importantes entre les différentes régions du monde, avec des taux de fécondité très variables, allant de 0,9 enfant par femme en Corée du Sud à 6,7 enfants par femme au Niger, les deux pays étant situés aux deux extrémités de l’échelle de mesure. Les femmes d’aujourd’hui mettent au monde, en moyenne, 2,3 enfants. C’était deux fois plus, au moins, en 1950.
Ces disparités soulèvent plusieurs questions, et notamment celle de l’inégal accès à la contraception et ses différentes formes. Par exemple, certaines régions d’Afrique utilisent peu la contraception. De plus, dans certaines sociétés patriarcales, on note une préférence pour les garçons, entraînant des avortements sélectifs. Les exemples de la Chine et de l’Inde, souvent utilisés en classe dans les chapitres sur la croissance démographique et ses effets, sont parlants. La Chine, qui a longtemps pratiqué une politique de l’enfant unique et se verra prochainement dépassée par l’Inde en nombre d’habitants, a longtemps privilégié les garçons par rapport aux filles. Cela entraîne une sur-masculinisation de la population et, aujourd’hui, le problème de son vieillissement. Ces choix ont un impact en termes d’éducation, de nutrition ou de soins.
Malgré la baisse de la fécondité, la croissance démographique mondiale reste élevée en raison, pour partie, du relativement faible nombre de décès à l’échelle de la planète. La population mondiale est jeune et compte peu de personnes âgées. Mais, la durée de vie moyenne s’est allongée, même si, encore une fois, les disparités sont significatives. L’espérance de vie varie entre environ 84 ans au Japon, en Suisse ou en Italie et seulement 53 ans au Tchad, au Lesotho ou au Nigéria. Plusieurs causes sont à l’origine de l’allongement de la durée de vie. Par exemple, la mortalité infantile recule, notamment grâce à des campagnes de vaccinations. Cependant, certaines régions du monde, telles que l’Afrique et l’Amérique du Sud, ont une couverture vaccinale moins importante. Les progrès socio-économiques et l’augmentation des rendements agricoles ont également contribué à la réduction de la mortalité infantile.
L’une des conséquences de la transition démographique est le vieillissement démographique, avec une nouvelle répartition de la population par âge. Pour Gilles Pison, désormais, la pyramide des âges ressemble à une toupie. Ce vieillissement entraîne de nouveaux défis. S’il touche la totalité de la planète, son calendrier, son intensité et sa vitesse varient d’un pays à l’autre. C’est l’un des plus grands changements sociaux du XXIe siècle.
Population et développement
La population a été multipliée par huit depuis deux siècles. Et pourtant, nous vivons mieux que nos ancêtres si l’on regarde la durée de vie, la santé et la richesse. Mais, cette amélioration des conditions de vie de l’humanité s’est faite aux dépens des ressources, de l’environnement et de la biodiversité. La transition écologique est à mettre en œuvre rapidement si l’on veut que le développement soit durable. Les écarts de développement entre les pays sont importants, tout comme les inégalités socio-économiques à l’intérieur des pays. Leur réduction, en parallèle au développement durable, est l’un des grands défis de ce siècle.
Les exemples de l’inégale répartition des richesses et de l’alimentation sont abordés. 50% les plus pauvres ne disposent que de 8% du revenu mondial, tandis que les 10% les plus riches détiennent 52% du revenu mondial.
Les questions d’urbanisation et du développement des mégapoles complètent ce quatrième chapitre, avant de conclure sur les bons et les mauvais élèves du développement durable. Depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville, contre une personne sur dix en 1900 et trois sur dix en 1950. L’Amérique du Nord, l’Europe et l’Amérique latine sont les régions où la concentration urbaine est la plus forte. Les grandes villes sont inégalement réparties dans le monde, et, se trouvent souvent dans des zones littorales de faible altitude. Elles sont particulièrement menacées par le changement climatique et l’élévation du niveau des océans. Ces transformations, tant en termes de développement que de répartition de la population mondiale, ont un impact considérable sur l’empreinte écologique des pays. Par exemple, celle du Qatar est catastrophique, alors que l’Uruguay apparaît comme un exemple à suivre.
Les migrations
Le sixième chapitre propose une analyse des migrations. Ces migrations suscitent la crainte et sont perçues comme une menace pour les sociétés du Nord. Néanmoins, ellesn’ont jamais cessé depuis que les humains existent. Si les peurs évoluent, elles ne tiennent pas compte des facteurs de migration. En réalité, la probabilité qu’une personne migre d’un pays à l’autre est faible et dépend de son niveau d’instruction et de richesse. Sur 100 personnes, 96 vivent actuellement dans le pays où elles sont nées. Certaines régions du monde, comme l’Amérique du Nord, l’Europe, la Russie et l’Australie, attirent l’immigration, tandis que d’autres, notamment en Asie, avec l’exemple de la péninsule indienne, sont une source d’émigration. De plus, l’immigration peut également jouer un rôle considérable dans la lutte contre le déclin démographique, notamment en Europe.
D’une région à l’autre du monde
Dans un dernier chapitre, Gilles Pison et Guillaume Balavoine, étudient quatre sous-ensembles géographiques afin d’entrevoir à quoi pourrait ressembler la population mondiale de demain.
• L’Europe et les Etats-Unis sont les pionniers de la transition démographique. Longtemps, ils ont rassemblé l’essentiel de la richesse mondiale tout en abritant une minorité seulement de l’humanité. L’Europe et les Etats-Unis ont en commun de bénéficier de flux d’immigration importants. Cependant, leur dynamique démographique est différente. La moitié de la croissance démographique américaine résulte du solde naturel, alors qu’en Europe, ce solde est nul voire légèrement négatif, la croissance ne tenant que grâce à l’immigration.
• La Chine et l’Inde, premiers pays au monde par la population, rassemblent un humain sur trois et une naissance sur quatre. Les changements démographiques y ont été très rapides ces dernières décennies. La population indienne devrait continuer à augmenter alors que celle de Chine devrait diminuer. L’Inde devrait dépasser la Chine en 2024, pour devenir le pays le plus peuplé au monde avec 1,7 milliards d’habitants en 2050 (1,3 milliards pour la Chine). Les raisons de ce dépassement tiennent aux histoires démographiques spécifiques de ces 50 dernières années.
• Le monde arabe inquiète en raison de son potentiel d’accroissement démographique important, des conflits qui le minent, et du rôle prêté à l’islam de frein aux évolutions.
• Enfin, l’Afrique a un potentiel d’accroissement encore plus important, malgré les épidémies. Sa population pourrait représenter le tiers à la moitié de l’humanité au siècle prochain. Comme les autres continents, elle ne devrait pas échapper à la diminution de sa fécondité ainsi qu’au vieillissement de sa population (qui arrivera plus tard).
Une ressource précieuse pour les enseignants
Les Atlas Autrement ne sont jamais décevants et, comme les autres, l’Atlas de la population mondiale est une ressource de qualité. Gilles Pison et Guillaume Balavoine nous proposent un ouvrage aux contenus précis, superbement illustrés, faisant, toujours très pédagogiquement, un état des lieux de la démographie mondiale, de ses mécanismes et de ses enjeux.
En plus d’être une synthèse actualisée d’une grande richesse, cet atlas propose une réflexion apaisée sur la démographie mondiale et ses enjeux, loin des discours alarmistes et angoissants véhiculés par les médias et les réseaux sociaux. La richesse et la diversité des illustrations (cartes, schémas, graphiques…) font de cet atlas une ressource indispensable pour les professeurs du secondaire. Ils peuvent être utilisés dans les programmes de géographie de cinquième et de seconde (concernant la démographie, le développement, les mobilités et les ressources alimentaires), mais également dans les chapitres consacrés à l’urbanisation. Clair, concis et écrit simplement, cet atlas très accessible sera d’une grande utilité aux enseignants désirant obtenir rapidement les dernières données statistiques de la population mondiale et enrichir leurs séquences par des documents actualisés. L’ensemble est complété par des tableaux de données en annexe.