L’auteur Khaled Igué est un intellectuel et économiste béninois. Après des études au Ghana, en France pour devenir ingénieur, après un passage chez Areva il s’investit en Afrique, une vie qu’il évoque en avant-propos ; Il est le fondateur – président du think tank Club 2030 Afrique et a été élu en 2018 Young Global Leader à Davos.

Il présente dans cet ouvrage un essai, en beau titre qui hélas risque d’être contredit par l’actuelle pandémie de COV 19. Son livre est résolument positif, à partir d’exemple il montre comment favoriser un recul de la pauvreté et faire du développement en Afrique une réalité. Il a une foi inébranlable dans le potentiel de la jeunesse africaine et un style littéraire de qualité qui rend la lecture très agréable.

État des lieux et blocages du développement africaine

Cette première partie en trois chapitres s’ouvre sur un tableau du continent : étendue, berceau de l’humanité, histoire pré-coloniale avec la volonté de relativiser quelques clichés sur l’Afrique, notamment son extrême pauvreté. Il montre la validité contestable des statistiques disponibles, l’évolution des données macro-économiques permettent de montrer le potentiel de développement sans pour autant caché les défis à relever : blocages idéologiques et culturels. Ces blocages sont décrits et analysés : limites du panafricanisme, régime du parti unique dans beaucoup de pays, absence de tradition démocratique à l’occidental et en même temps oubli des formes pré-coloniale d’organisation. L’auteur parle de « l’aliénation générationnelle au modèle occidental » au point que « l’Europe semble devenir un lieu de passage obligatoire pour toute la jeunesse africaine »1. Ce qui est aussi son parcours. Cette réalité pour les élites qui ont étudié en Europe sert de modèle à toute la société et, selon Khaled Igué, un moteur de la migration des classes populaires, une migration idéologique autant qu’économique.

L’aide au développement peut également constituer un autre blocage par le maintien de l’idée que le développement dépend de l’extérieur. La critique assez vive de l’aide apportée par la diaspora ne me paraît pas fausse mais exagérée.

Dernier point abordé dans cette première partie, la faible valorisation des acteurs du développement que l’auteur remet en cause en montrant la mobilisation actuelle de la jeunesse et des femmes qui revendiquent la possibilité de s’impliquer dans la gouvernance. Ce propos amène un long développement sur une diaspora au sens large des Afro-descendants américains aux fils d’immigrés en Europe mais aussi à la diaspora nitra-continentale. Si cette définition est reconnue dans les statuts de l’Union africaine, l’auteur est plus dubitatif quant au lancement de l’État de la diaspora africaine2 en 2018 dont le premier ministre est Louis George Tin, le président du CRAN qui y voit le troisième État le plus peuplé du monde avec 350 millions d’habitants.

Propositions d’un développement africain par les Africains

Comment stimuler le développement africain ? Voilà la question à laquelle l’auteur consacre les trois chapitres de la seconde partie en commençant par les démarches, elles sont trois plutôt contradictoires, pour éradiquer la pauvreté : celle des partisans de l’aide au développement, celle des opposants qui dénoncent l’inefficacité de l’aide enfin les pragmatiques qui voudraient faire des opérations tests à dupliquer en cas de réussite préconisée par Esther Duflo3.

L’auteur propose d’inverser le raisonnement en partant d’une description de ce qu’il nomme le « triangle des ressources » : l’expertise, à développer par la formation et le développement du capital humain ; le financement, favoriser les investissements comme au Rwanda ; la technologie, développer des technologies africaines, innovante et adaptées aux besoins dont il donne quelques exemples.

Il prône une revalorisation des savoirs endogènes et une réorientation de l’effort éducatif, un financement des énergies modernes, mais lesquelles, et des infrastructures en s’appuyant sur des partenariats public-privé comme au Maroc et enfin développée une agriculture raisonnée et durable donnant accès au foncier aux jeunes et aux femmes. Dans le domaine sanitaire l’auteur souhaite le développement des technologies numériques à partir des quelques exemples.
Reste la question du financement et de la gouvernance. Sans bonne gouvernance, pas d’investissement privé, ce qui suppose de former la jeunesse en matière de participation citoyenne4 pour faire émerger de jeunes leaders pas seulement dans le domaine politique mais aussi dans les entreprises ou le secteur public (ex : Maroc). Partout des associations, des ONG, des think tanks, des fondations comme celle du Soudabais Mo Ibrahim et quelques autres se développent.

La diaspora est aussi une ressource, souvent présente dans l’expertise elle peut aussi être source de financement et contribuer à modifier l’image de l’Afrique. L’auteur n’oublie pas les facteurs endogènes comme les petites et moyennes entreprises pourvoyeuses d’emplois, les tontines5 et le rôle des femmes.

Un paragraphe est consacré au grand projet éthiopien du barrage de la renaissance financé par la diaspora. I sur ce point cela semble une réussite manque l’analyse des effets sur l’environnement et la tension avec les paysans voisins en aval.

 

 

L’essai se termine sur le « rêve africain » de Khaled Igué, celui d’une Afrique interconnectée à sa diaspora récente ou ancienne des afro-descendants américains ou caribéens.

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1Citation p. 55

2Page facebook 972 likes, voilà un nouvel État difficile à cerner, annoncé sur France 24 mais démenti par l’Union africaine, sur ce sujet voir l’article de Géoconfluences

3Economiste française, professeure au Massachusetts Institute of Technology, prix Nobel d’économie en 2019. Interview sur France Inter

4On pourrait ici mentionner l’exemple au Sénégal des « gouvernements scolaires » qui donne des idées en France

5Forme d’épargne collective et solidaire : mise en commun d’ une certaine somme prédéfinie. Celle-ci était ensuite redistribuée selon différentes modalités : en cas de besoin de l’un des membres, par tirage au sort…