L’auteur: Olivier Pétré-Grenouilleau est professeur des universités à l’Université de Bretagne Sud à Lorient et à l’Institut universitaire de France à Paris.
Spécialiste de l’histoire de l’esclavage il a publié de nombreux titres: L’argent de la traite: Milieu négrier, capitalisme et développement: un modèle, Les négoces maritimes français XVIIe-XXe siècle, La vie quotidienne à Nantes au temps de la traite des noirs. Il est aussi l’auteur d’un dossier de la documentation photographique (n° 8032) paru en 2003, d’un numéro spécial de la revue mensuelle L’Histoire: « La vérité sur l’esclavage » (oct 2003).
L’auteur nous rappelle que longtemps l’histoire de la traite négrière a été limitée à celle de la traite atlantique, du moins jusqu’aux années 1960 quand se développent des études portant sur les divers aspects: traite atlantique, mais aussi traites «orientales » et traite intérieure africaine. Son livre se définit dès le début comme une tentative d’histoire globale, l’étude d’un phénomène plus que millénaire et qui se déroule sur trois continents. Il s’appuie largement sur les travaux anglo-saxons mais il tente surtout une synthèse de tous les travaux récents comme plus anciens. Il a choisi une histoire comparative avec comme but d’échapper aux tabous et aux présupposés idéologiques nombreux sur cette question. Son propos est donc aussi historiographique.
La première partie porte sur l’« invention » de la traite dès l’antiquité même si les esclaves noirs n’étaient que peu nombreux, l’auteur s’attache à montrer la genèse des traites négrières au moment de l’expansion de l’Islam, au VIIème siècle, en mettant en évidence les facteurs économiques. Il s’intéresse ensuite au déplacement du trafic, au XVème siècle, vers la traite occidentale au moment même où se met en place l’économie de plantation dans les îles du proche Atlantique et bien sur surtout lors de la mise en valeur du « nouveau monde ». Si les nécessités économiques sont mises en avant, Olivier Pétré-Grenouilleau évoque aussi le rôle joué par la participation des Africains eux-mêmes ainsi que les justifications idéologiques développées (philosophiques, religieuses, économiques, politiques). Il montre comment le « racisme anti noir » peut être une conséquence, une légitimation du statut servile et de la traite plutôt qu’une cause.
Un second chapitre traite des routes terrestres comme maritimes, des lieux de départs et de destination, de protagonistes (traitants, intermédiaires africains, captifs), les modes d’acquisition des esclaves, des effectifs embarqués et des pertes, des conditions de ces déplacements de population qui n’ont pas d’équivalent dans l’histoire. Il analyse les permanences comme les diversités du phénomène dont il veut montrer l’unité. Il analyse en particulier le rôle joué par les Africains eux-mêmes dans ces différentes traites d’exportation. Comment les pouvoirs africains ont été une source de l’ « offre », ont exercé un contrôle des marchés du fait de la tradition esclavagiste et de l’absence de sentiment d’appartenance à une communauté.
Ce livre montre l’essor et l’évolution des traites, le rôle de la traite dans l’histoire de l’Afrique, de l’Europe et de l’Amérique, ainsi que les conséquences, notamment démographiques liées à la surmortalité du système de la plantation qui entretenait la traite. Outre la « commerce triangulaire », l’auteur démontre la place des transferts sud-sud entre l’Angola et le Brésil notamment, il tente de reprendre les diverses tentatives de quantification des traites occidentales, orientales comme internes au continent africain.
La seconde partie est consacrée à l’étude du courant abolitionniste. L’auteur propose une approche multifactorielle et séculaire: 1770-1880, tout en s’attachant à une mise en valeur des variables régionales. Il nous rappelle que le premier Etat abolitionniste fut le Danemark en 1792 et développe longuement les exemples anglais et français et montre quels liens sont possibles entre politique abolitionniste et mouvement colonial dans la seconde moitié du XIXème siècle.
La troisième partie tente une synthèse du rapport de cette histoire particulière avec l’histoire mondiale. C’est un essai pour faire le point sur le rôle de la traite dans l’histoire de l’Occident, de l’Afrique noire et du monde musulman. L’auteur pose des questions, propose un dossier plus qu’il ne cherche à trancher en raison de la diversité des situations dans l’espace comme dans le temps; un champs ouvert pour des recherches à venir. Quelle rentabilité de la traite pour les pays d’Europe? Quels effets du trafic négrier en Afrique: mesure de la ponction démographique, évolution du sexe ratio et répartition du travail en Afrique noire, instabilité politique et guerres africaines, évolution de l’esclavage interne? Quel fut le rôle de la traite dans l’expansion musulmane?L’intérêt de ce livre outre sa richesse documentaire tient à sa méthode: présentation rigoureuse des exemples datés et localisés, des auteurs qui les ont étudiés et des débats interprétatifs. L’auteur ouvre, en conclusion, vers de nouvelles perspectives: « Une histoire renouvelée des représentations de la traite ».
Je suis historienne moderniste de formation: histoire rurale et histoire culturelle. Par mes engagements associatifs en faveur des actions de coopération et de développement je suis particulièrement intéressée par l'histoire de l'Afrique et d'Haïti et plus généralement l'histoire de la colonisation mais aussi la situation aujourd'hui et l'avenir.