Qui connaît Charles de Batz de Castelmore ? Sous ce nom sûrement pas grand monde … alors qu’il n’est autre que le célèbre d’Artagnan ! Depuis le feuilleton d’Alexandre Dumas publié dans le journal Le Siècle en 1844 jusqu’aux multiples adaptations cinématographiques des Trois Mousquetaires portées à l’écran par Douglas Fairbanks, François Civil ou encore Jean Marais, d’Artagnan est devenu un véritable héros populaire. Odile BordazOdile Bordaz est historienne et docteur en histoire de l’art. Conservateur du patrimoine, elle a été successivement responsable des musées du Gers, administrateur pour le Centre des monuments nationaux, de la basilique royale de Saint-Denis et de la Chapelle expiatoire, du château de Vincennes, puis conservateur aux Archives nationales. Conseillère historique pour des films sur d’Artagnan et son époque, présidente de la commission historique et culturelle de la Route européenne d’Artagnan, elle est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment une importante trilogie sur d’Artagnan et les mousquetaires du roi., en éminente spécialiste du Gascon et des mousquetaires du roi, nous livre ici les clés afin de comprendre qui est, au delà de la fiction, Charles de Batz de Castelmore, comte d’Artagnan. L’auteure s’appuie sur des documents inédits, sa correspondance, les témoignages de ses contemporains ou encore l’inventaire de ses biens. L’ouvrage est à la fois détaillé, notamment du point de vue chronologique, mais très plaisant à lire … la fougue et le panache de d’Artagnan sans oublier le talent de l’auteure y sont sûrement pour quelque chose ! Une très belle traversée des règnes de Louis XIII et Louis XIV à l’échelle de la France et de l’Europe.
Le cadet de Gascogne devenu mousquetaire du roi
Né à Lupiac, entre 1610 et 1615, du mariage de Bertrand de Batz de Castelmore et de Françoise de Montesquiou d’Artagnan, Charles est le fils cadet d’une famille de la noblesse gasconne sans véritable fortune. Odile Bordaz nous immerge dans cette Gascogne du XVIIe siècle fraîchement rattachée au royaume de France et nous décrit la misère qui y règne à l’origine de nombreuses révoltes antifiscales. Un précieux inventaire permet une fine description du manoir des Castelmore.
Initié au métier des armes comme de nombreux Gascons réputés pour être de bons soldats, Charles monte à Paris au début des années 1630. L’auteure rappelle que ces jeunes gentilhommes « se pressent dans l’antichambre de M.de Troisvilles – ou Tréville -, comme l’a si bien décrit Alexandre Dumas ». Celui-ci est alors le capitaine-lieutenant de la compagnie des mousquetaires du roi Louis XIII. Ce serait Louis XIII, en hommage à Charles Jean de Montesquiou d’Artagnan l’oncle maternel tué au siège de La Rochelle, qui aurait demandé à Charles de prendre le nom de d’Artagnan. En 1633, le nom de Charles de d’Artagnan apparaît dans la liste des mousquetaires passés en revue par Louis XIII dans la plaine d’Ecouen.
Une carrière au service des puissants de son temps
Odile Bordaz dépeint ensuite la formidable ascension de d’Artagnan. Alors que la compagnie des mousquetaires est dissoute, il est rapidement chargé des missions les plus délicates de son temps !
En 1648, il entre au service du cardinal de Mazarin, il est le « gentilhomme de Son Eminence » et transmet notamment des messages de la plus haute importance aux chefs militaires ou encore à la reine Anne d’Autriche.
En 1658, d’Artagnan est reçu sous-lieutenant dans la compagnie des mousquetaires qui a été rétablie l’année précédente puis, en 1667 il en devient le capitaine-lieutenant.
Toujours en homme de confiance, c’est d’Artagnan qui est chargé par Louis XIV, en 1661, d’arrêter Nicolas Fouquet et d’en être le geolier jusqu’à la forteresse de Pignerol près de Turin. En 1671, ce sera le comte de Lauzun qu’il devra accompagner vers le même lieu de captivité.
Il participe aussi à de nombreux corps expéditionnaires lors des guerres du XVIIe siècle. Ainsi, on retrouve d’Artagnan, aux sièges de Douai ou de Lille lors de la première campagne de la guerre de Dévolution contre l’Espagne (1667) puis aux sièges de Dole ou de Besançon lors de la deuxième campagne (1668). Durant l’année 1672, c’est à Lille justement qu’il est nommé par Louis XIV gouverneur. Enfin, c’est alors qu’il participe à la seconde campagne de la guerre de Hollande, que d’Artagnan meurt, tué à l’ennemi, en 1673, lors du siège de Maastricht.
La vie privée de d’Artagnan
Odile Bordaz nous décrit aussi un d’Artagnan plus intime. Ainsi, celui-ci se marie en 1659 avec Charlotte-Anne de Chalancy, baronne de Sainte-Croix en Bresse. Le contrat de mariage est signé des mains de Louis XIII et de Mazarin. De ce mariage, naissent deux garçons. Ils sont baptisés à Versailles et bénéficient respectivement de la protection de parrains et marraines illustres : Louis XIV et la reine Marie-Thérèse ainsi que le Grand Dauphin et la cousine du roi Mademoiselle de Montpensier. Charlotte-Anne de Chalancy retourne rapidement vivre dans ses terres de Bourgogne du fait des absences répétées de son mari mais aussi afin de gérer au mieux ses biens.
L’auteure clôture son ouvrage en analysant l’inventaire réalisé à la mort du capitaine-lieutenant. La demeure parisienneDémolie au XIXe siècle, aujourd’hui une plaque est apposée 1 rue du Bac à Paris se compose de nombreuses pièces et d’un bel intérieur : cuisine, chambres, antichambres, cabinet de travail, grenier, etc. On y trouve des tapisseries, tableaux, objets de piété ainsi qu’un important mobilier. Enfin, la liste des vêtements permet d’imaginer un d’Artagnan, non pas seulement affublé de ses bottes, de son chapeau et de sa casaque, mais joliment habillé avec des dentelles, des broderies et des rubans.