Voici la deuxième édition de ce livre précédemment paru en 2007. Il appartient à la collection Castordoc qui prend la suite en âge de « mes premiers Castordoc. Il s’agit en dix chapitres d’aborder la question de l’esclavage sur le temps long. Comme toujours, la moindre place est exploitée pour délivrer de l’information : un lexique dans les rabats, ainsi qu’une carte et une chronologie. On trouve également un quizz, des informations sous forme de références de sites internet et de livres ainsi qu’un index. On relèvera aussi la multiplication d’encarts tout au long du texte qui servent à préciser et définir le vocabulaire employé dans le texte principal.
Trois thèmes sont annoncés sur la quatrième de couverture : 5000 ans d’histoire, révoltes et abolitions et la situation aujourd’hui.

5000 ans d’histoire

Le livre suit classiquement un plan chronologique en commençant par l’Antiquité. La première fois où l’on identifie l’esclavage, ce fut au temps des Sumériens. Mathilde Giard évoque évidemment le cas athénien, avec le rôle par exemple des mines du Laurion qui virent travailler entre dix mille et vingt mille esclaves pour extraire le minerai utilisé pour fabriquer la monnaie en argent. L’auteur aborde ensuite le fait qu’il existait des esclaves lettrés du temps de Rome. Le livre aborde des exemples de vies d’esclaves avec un pluriel bienvenu qui permet d’aller contre certaines idées reçues. Le passage évoque ainsi l’esclave agricole, l’esclave « fonctionnaire » ou encore l’esclave domestique.
Spartacus n’est pas oublié non plus. Ensuite, le déroulé chronologique s’intéresse à esclavage et servage. Est évoqué ensuite le marché de Verdun qui constituait le principal marché d’Europe ou encore Venise qui fit fortune grâce au négoce des esclaves. La différence entre serf et esclave est clairement expliquée.

Les traites

Les apports historiques des dernières années sont pleinement intégrés à l’ouvrage si l’on songe aux travaux par exemple d’Olivier Pétré-Grenouilleau. Il a mis l’accent sur le pluriel nécessaire pour comprendre le phénomène de la traite esclavagiste. En Afrique, la traite interne a concerné au total plus de 14 millions d’Africains. Seuls 2 % des captifs de la traite occidentale auraient été kidnappés directement par les négriers européens ! Mathilde Giard rappelle que les esclaves étaient exploités dans des plantations où était cultivée de l’huile de palme qui servait ensuite à lubrifier les machines industrielles.
Elle évoque ensuite la traite orientale qui toucha 17 millions de personnes et elle souligne le rôle de Zanzibar. Le livre approche également des aspects sans doute moins connus comme la révolte des Zanj page 49. Il s’agit de la plus importante révolte d’esclaves du Moyen Age.
La traite occidentale concerna elle 11 millions de personnes dans le cadre du commerce triangulaire. Une personne sur 10 mourrait durant la traversée et la moitié était morte dans les 3 ans suivant leur arrivée ! Toujours dans la foulée de travaux historiques récents, l’auteur souligne combien la beauté de certaines villes françaises s’explique par l’enrichissement réalisé alors sur le travail des esclaves.

Vers l’abolition

Quatre chapitres s’intéressent ensuite à ce mouvement en soulignant bien la diversité des situations selon les temps et les lieux. Le lecteur aura peut être quelques surprises à la lecture de ces chapitres car sur un tel sujet quelques images fortes dissimulent souvent une réalité très contrastée.
Ainsi dès la fin du XVIIIème siècle, les quakers décident de ne plus accepter dans leurs rangs quiconque participe à la traite. C’est la première fois que l’esclavage est condamné par une communauté et non plus par un individu isolé ! Toujours dans la série des premières, il faut se rappeler que le premier pays à renoncer fut la Danemark en 1803. En France, on sait bien maintenant que l’abolition se fit en deux temps : les idéaux de la Révolution française et Toussaint Louverture puis la position de Napoléon Ier.
Le lecteur apprendra aussi que Jefferson qui fit voter l’interdiction de la traite en 1808 possédait des esclaves dans sa plantation de Virginie et aurait même eu des enfants de sa maitresse noire qu’il n’a jamais affranchie. Sacré paradoxe qui permet de revenir sur traite et esclavage. Le livre s’intéresse évidemment longuement aux Etats-Unis et aborde le phénomène des Breeding states ou états reproducteurs . C’est ainsi que l’on désignait les états qui se livraient à un véritable élevage où les esclaves étaient traités comme des chevaux de race. On lira aussi d’incroyables trajectoires comme celle d’Harriet Tubman. Elle fut une passeuse qui contribua à sauver plus de 300 esclaves au milieu du XIXème siècle.

Et aujourd’hui ?

Le livre ne se contente pas d’une approche historique et aborde la situation actuelle. L’auteur choisit des « cas » pour concerner et impliquer les enfants, ce qu’ils remarquent d’ailleurs. Ce sont de véritables histoires de vie. Alang Ajak fut ainsi une petite fille capturée à l’âge de six ans par l’armée soudanaise et vendue comme esclave. Le livre aborde le rôle des ONG dans la lutte contre l’esclavage. Des chiffres sont forcément incertains, mais les ordres de grandeur font néanmoins frémir. L’auteur choisit d’aborder la question de la servitude pour dettes ou celles de enfants soldats. L’esclavage dans les pays pauvres représente peut-être 200 millions de personnes. Le livre n’oublie pas de parler de la situation dans les pays du Nord.

En 128 pages, le tour d’horizon est à la fois complet et très illustré. La structuration en trois grandes parties est très claire. Un ouvrage à conseiller.

© Jean-Pierre Costille avec l’aide Clara pour les Clionautes.