Comme chaque année, voici la nouvelle livraison de L’Etat du Monde. C’est quasiment une institution à présent puisque ce livre existe depuis 1981. En même temps, ce manuel évolue car depuis deux ans, il s’agit davantage à présent d’une approche transnationale que nationale.
Rappelons que d’autres ouvrages se trouvent sur le même créneau, comme les Images économiques du monde par exemple.
La quatrième de couverture commence par une « étrange » mise en garde sur internet (« L’Etat du monde offre une lecture raisonnée …aux antipodes de ce que l’on trouve couramment sur internet ») : pourquoi une telle mise en garde quand on cite des sites internet dans sa propre bibliographie ? Certes ceux-ci sont triés, mais pourquoi une telle affirmation ? De plus le livre propose de prolonger la lecture avec leur propre site ! Pour les sites internet proposés, on aimerait que des points précis du site soient ciblés plutôt que l’adresse qui nous envoie sur la page d’accueil.
En tout cas, le défi est comme à chaque fois de faire la part entre les nouveautés de l’année et les permanences qui s’imposent. On ne peut que traiter l’actualité. On aimerait cependant parfois davantage de mise en perspective.

Mode d’emploi et bémols

L’ouvrage s’organise en trois parties principales, elles-mêmes subdivisées.
Les enjeux de la période s’articule autour de quatre sous-rubriques : les nouvelles relations internationales, les questions économiques et sociales, sociétés et développement humain, enjeux régionaux. L’idée est donc bien de se livrer à une approche transnationale.

Les grands ensembles continentaux s’intéressent aux différentes régions de la planète : à chaque fois un texte de présentation et des informations sur les tendances de l’année, puis une étude détaillée de quelques pays. Pourquoi pourtant intituler systématiquement la présentation du continent : « une identité en mutation » ?
Pour chaque espace une chronologie est jointe, mais attention car à chaque fois la chronique concerne la période de juin à juin !

Chroniques de l’année : une quinzaine de thèmes sont abordés parmi lesquels les matières premières, les organisations régionales ou les entreprises transnationales.

Le tout est ponctué d’un utile index et des indicateurs sous forme de tableaux avec une utile mise en garde au début du livre sur les précautions pour chacun d’eux.

Au fil des pages pour nos cours….

En seconde :
Roland Marchal livre en quelques pages une analyse à plusieurs échelles du conflit du Darfour, il distingue également les logiques des différents acteurs et les confusions sur ce conflit.
Un autre article intéressant s’occupe de la Chine et s’occupe de la progression des inégalités sociales.
Quelques pages synthétisent le Brésil autour de la figure de Lula.
Parmi les thèmes de la troisième partie, signalons particulièrement celui sur énergies et combustibles : la localisation des champs pétroliers est de plus en plus contrainte par le nouveau nationalisme pétrolier qui restreint l’accès à certains territoires. Cela permet d’aborder le sujet de façon plus intéressante que le sempiternel cours journalier du prix du baril. On assiste aussi au retour du charbon. N’oublions pas non plus que la demande d’énergie se trouve désormais en Chine en Inde et dans les économies émergentes.
Il y a aussi le thème des céréales car les récoltes baissent encore l’an dernier. Le blé a connu une baisse de plus de 4 % ! Ce que l’on sait moins parfois c’est que l’essentiel de ce recul concerne les pays du Nord et les grands pays du Sud.

En première :
Les tendances sur la famille en Europe : le nombre de mariages a chuté de 33 % entre 1972 et 2004. L’auteur évoque aussi quelques fractures qui existent en Europe sur les faits de société : 82 % des Danois sont favorables au mariage homosexuel contre 9 % des Chypriotes.

En terminale :
Sur le climat, Hubert Kieken rappelle que, dans un rapport remis au gouvernement britannique les coûts actualisés des dommages climatiques des deux prochains siècles se monteraient à 20 % du PIB mondial alors que le coût des politiques à mettre en œuvre atteint 1 % !
L’article de présentation sur l’Asie se révèle fort intéressant : il rappelle utilement que « des centaines de millions de personnes n’ont de contact qu’ épisodique avec le moteur ou la roue, avec la force électrique ou le chauffage au gaz dans la vie quotidienne (…) les riziculteurs du Bangladesh, (…) les ouvriers des plantations malaises, les pasteurs du Tibet (…) continuent pour l’essentiel de vivre à l’écart.
Sur le Japon, l’auteur insiste sur la fracture sociale avec l’émergence de gagnants et de perdants, le terme de kakusa (disparités sociales) entrant désormais dans le vocabulaire.
L’article sur le Vietnam nous renseigne sur ce pays qui vient d’intégrer l’OMC. La politique reste encore fortement contrôlée par le parti communiste.
L’article sur Cuba intitulé « L’après-castrisme a commencé », fait un point sur la situation : au-delà de ce que l’on sait au niveau politique, l’auteur esquisse les pistes de changements : une commission de travail sur la structure de la propriété dans un état socialiste devrait remettre un rapport sur le sujet en 2009. Plusieurs indicateurs sont au rouge, y compris ceux qui étaient traditionnellement positifs : on assiste ainsi au déclin du tourisme et même la récolte de sucre est restée faible.
Sur les NTIC, on apprend que la version anglaise de wikipedia comporte plus de 1, 3 millions d’entrées alors que la version numérique de l’Encyclopedia Britannica n’offre que 100 000 entrées !

Bilan :

Au total et dans un cadre figé, L’Etat du Monde propose des synthèses de qualité. Néanmoins on peut ressentir une certaine frustration à la lecture de thèmes qu’on possède bien, car le format en quelques pages contraint.
Il ne s’agit sans doute pas de l’acquérir chaque année mais, un peu comme un quid ou un dictionnaire, d’en posséder un pas trop vieux puis, quand le besoin s’en fait sentir, de le renouveler.