Pascal Boniface présente dans son texte les enjeux de politique extérieure pour les candidats, les électeurs et la France. Insistant sur le poids des questions internationales, l’auteur rappelle les prérogatives du président dans ce domaine, et ce alors que les programmes des candidats relèguent souvent à la marge ces thèmes diplomatiques en raison des préoccupations supposées des Français. Cependant, ceux-ci, loin « d’être des idiots » ont une perception du rôle que la France doit jouer dans les affaires internationales et tout candidat qui ne se positionnerait pas clairement sur ces dossiers prendrait le risque de se voir sanctionner dans les urnes.
Ces sujets prennent une importance décisive au moment où selon Pascal Boniface, il faut redessiner les contours de notre investissement dans les affaires de ce monde car nous sommes selon lui à la croisée des chemins : ce qui faisait notre force semble remis en question alors que la France suscite des attentes et que le monde doit faire face à un certain nombre de difficultés. La France doit s’impliquer dans les affaires du monde, son histoire l’y pousse, les français le souhaitent en majorité mais ce choix doit être celui de l’intérêt général et l’auteur de dessiner les grands axiomes de cette nouvelle politique étrangère : promouvoir le multilatéralisme, prendre appui sur les organisations internationales et avant tout l’ONU, refuser la guerre comme moyen de résolution des différents, respect des droits de l’homme…
C’est à l’aune de ces principes qu’il faut considérer notre relation avec l’hyperpuissance américaine ; l’auteur suggère dans ce cas, auquel il consacre son chapitre le plus fourni, une forme de ni-ni : ni refus global de la politique américaine, ni suivisme candide à la britannique. Il insiste sur l’indépendance nécessaire de notre politique vis-à-vis des options de politique étrangère qu’il considère pour partie comme dangereuse pour le monde. Toutefois, l’auteur décrit les risques de cette démarche de non-alignement : les critiques acerbes d’une partie des élites pro-américaine.
Les idées-force, que Pascal Boniface suggère au futur élu, doivent s’appliquer à tous les grands dossiers internationaux : l’Union européenne, le Proche-Orient, l’Afrique, les thèmes de la démocratie, de l’environnement, du terrorisme, de l’OTAN.
Promouvoir un vrai multilatéralisme dans lequel la France ferait comprendre à ses partenaires qu’elle ne poursuit pas des objectifs purement égoïstes mais que ceux-ci et ceux de la collectivité sont superposables. Ce multilatéralisme est illustré par l’auteur dans au moins deux chapitres. Décrivant une Union européenne en panne et une France affaiblie, il suggère que toute relance de la construction communautaire ne peut se faire sans la France mais que la France ne peut plus faire avancer l’Europe toute seule ; de la même manière, dans le cas du Proche-Orient, la France ne dispose seule des arguments, moyens et solutions à ce conflit central dans les questions stratégiques. La même solution est envisagée dans les deux cas : que la France soit l’inspiratrice d’un changement, qu’elle soit le porte-drapeau d’un nouveau dynamisme et qu’elle rallie par sa force de conviction d’autres états. Pascal Boniface reprend l’exemple récent de la guerre d’Irak : à l’heure du choix, la France a su prendre le parti de s’opposer à cette aventure dangereuse pour le bien-être collectif et la paix. De nombreux Etats se sont positionnés à ses côtés car la France s’inscrivait dans une défense de l’intérêt général.
Cette démarche collective prend tout son sens dans le domaine de l’environnement, de la réduction des inégalités. Dans les deux cas, les solutions à trouver ne peuvent être que collectives par le biais de l’ONU et des autres organisations internationales mais là encore la France peut jouer un rôle d’exemple, de promoteur d’idées comme ce fut le cas lorsque la décision fut prise, à l’instigation du président Chirac, par certains pays de taxer les billets d’avions, peut-être un avant-goût d’une taxe mondiale destinée à réduire la fracture mondiale ; quoiqu’il en soit : une chose semble sûre, aucun pays ne pourra résoudre seul ces défis.
Autre paramètre de notre « future » politique étrangère : le refus de recourir à la guerre pour résoudre un différent. Pascal Boniface ne propose pas aux candidats de rejeter la guerre définitivement, le faire serait un renoncement mais la guerre doit être juste, soit une réplique à une agression dont ferait l’objet le territoire national ou une intervention mandatée par l’ONU. Le militarisme est à repousser de la même façon de même que toutes les options qui ici ou là sont belligènes : concept de la guerre préventive revendiquée par les Américains, miniaturisation des armes nucléaires souhaitées par les scientifiques ce qui inévitablement pourrait transformer notre stratégie nucléaire et faire de cet équipement une arme d’emploi alors qu’elle fut conçue comme une arme de dissuasion.
De même, la France doit prendre garde à ne pas laisser l’OTAN se transformer en bras armé de la politique étrangère américaine. Son élargissement envisagé à d’autres pays y compris non-européens, l’extension de ses compétences, la possibilité de recourir (dont un sénateur américain s’est fait l’écho) à la clause de défense commune en cas de mise en danger des approvisionnements énergétiques d’un des pays membres, tout cela représente des dangers de premier ordre auxquels la France ne peut souscrire. Toutes ces modifications pourraient être perçues dans une partie du monde et notamment dans le monde musulman comme la mise sur pied d’une alliance anti-islam ce qui ne pourrait que donner du grain à moudre aux terroristes. Concernant ces derniers, Pascal Boniface souhaite que l’on cesse de s’en tenir à la surface des choses, que l’on arrête les amalgames (islam/terrorisme) et que l’on prenne le temps d’identifier le pourquoi d’un terrorisme dans lequel il ne manque pas de souligner la part qu’il faut imputer à nos (ici les occidentaux) actes.
Enfin, faire correspondre principes énoncés et actions doit être notre ligne de conduite. Le multilatéralisme suppose l’abandon d’une posture hautaine qui est parfois la nôtre, le respect des droits de l’homme exige que nous dénoncions leur violation qu’elle qu’en soit l’origine et l’auteur de rappeler que les Etats-Unis sont nos amis et alliés mais Guantanamo et Abu Ghraib heurtent notre conscience, le refus de la guerre impose une définition claire de l’usage de notre outil militaire, un refus de toute action unilatérale, résoudre les grands problèmes de ce monde s’est aussi s’ouvrir à des pays dont nous sommes absents historiquement ce qui est le cas d’un grand nombre de pays d’Afrique tant nous fûmes repliés sur notre pré-carré.
Ce livre serait-il le volet diplomatique idéal d’un programme ou pacte présidentiel ? Idéal oui dans le sens où toutes les positions exprimées vont dans le sens d’un avenir moins sombre pour l’humanité mais ensuite n’est-ce pas finalement, et malheureusement, un rêve couché sur papier ?
Espérons, malgré tout, que cette vision d’un monde où la France jouerait un rôle pour le bien de tous, que cette lettre au futur représentant de la France dans le monde ne reste pas morte.
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