Compte-rendu de Jean Philippe Raud Dugal, professeur au Lycée Edmond Perrier, Tulle.
La première partie de l’ouvrage, « L’eau entre abondance et pénurie » rappellera aux professeurs du lycée une étude qu’il doivent faire avec leurs élèves. Insistant sur l’inégale répartition géographique de la ressource, l’auteur pose en préalable les différentes définitions nécessaires pour une étude approfondie sur ce thème. L’approche est volontairement multiscalaire et sa présentation des différents indices pouvant marquer la pénurie est sans aucun doute la partie la plus intéressante. Les usages de l’eau sont aussi envisagés avec la traditionnelle division usages domestiques, industriels et agricoles, même si les conflits d’usages ne sont envisagés que dans la seconde partie. La sous-partie sur « l’eau et l’énergie » permet de mesurer tout à la fois l’importance de cette ressource pour la production d’électricité et d’en montrer les limites notamment avec l’analyse des grands barrages.
Rappelant les facteurs de la crise de l’eau (explosion démographique, révolution verte…), l’auteur en appelle à une révolution bleue. De même, les atteintes à l’environnement sont soulignées.
L’eau peut être aussi considérée comme source de tensions ou de coopérations. Pour l’auteur, une guerre liée à l’au s’avère fort peu probable. Il affirme ainsi que le coût d’une guerre de l’eau pour les bénéfices à en tirer dissuadera n’importe quelle nation de partir à l’aventure. L’eau serait plutôt un instrument de pouvoir, comme l’on parfaitement montré les actes du Festival International de Géographie de Saint-Dié en 2003 : http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2003/ ).
Une solution émerge : partager la pénurie. La sous-partie consacrée à la pénurie rencontrée par les grands fleuves est digne d’intérêt. Les études de cas sont nombreuses et assez bien détaillée du Nil à l’Euphrate, du Mékong au Sénégal et du Danube à la mer d’Aral.
La seconde partie, « Une ressource à transmettre » explicite l’action internationale en cours pour conserver l’état de cette ressource. Le rôle central de l’ONU, à travers les objectifs du Millenium ou de la première conférence sur l’eau à Mar del Plata en 1977 jusqu’à la première conférence mondiale sur l’eau à Marrakech en 1997, est souligné. L’approche de l’auteur se tourne résolument vers le développement durable mais aussi vers le concept de droit à l’eau qui lui semble aussi indispensable que compliqué à mettre en place. Le contexte actuel de gestion de cette ressource est de plus en plus marqué par la concurrence et les enjeux qui entourent la prise de participation de plus en plus importante du secteur privé.
Alexandre Taithe remarque qu’ «une longue tradition d’eau gratuite existe dans toutes les civilisations». Avec l’intrusion de la marchandisation de l’eau, la ressource acquiert une dimension économique. Est-ce pour autant un bien comme un autre ? Il en présente les enjeux tout en insistant sur la dichotomie entre intérêts privés et intérêts publics.
L’auteur envisage ensuite la question de l’eau dans les pays en développement au travers d’une problématique intéressante : existe-t-il un lien entre la richesse et la pauvreté d’un Etat et le volume de ses ressources en eau ? En effet, la rareté en eau peut être considérée comme un facteur limitatif au développement.
C’est ainsi qu’il en arrive à la conclusion de la nécessité d’une nouvelle gouvernance pour trouver des compromis entre les différentes formes d’usages et les acteurs publics et privés. C’est, en effet, l’intrusion sur ce marché des firmes multinationales qui changent la donne. De façon un peu confuse, l’auteur revient un peu plus loin sur cette idée d’une régulation mondiale en quête de sens. Il y dresse des prospectives intéressantes qui aboutiraient à un droit international de l’eau, véritable instrument de la coopération entre les Etats. Il insiste, enfin, sur la nécessaire patrimonialisation de l’eau qui, seule, contribuera à sa gestion pérenne.
Entre temps, le couple eau et territoire français fait l’objet d’une étude particulière de l’état de la ressource au débat sur la dégradation de l’environnement par les agriculteurs, qui est une réalité pour l’auteur. Il expose ensuite les différentes politiques de l’eau menées en France qui lui permet de décrypter les modes de gestion en cours. Les différents échelons administratifs des ECPI aux communes sont en confrontés à une privatisation du traitement et de la distribution de l’eau de plus en plus massive.
Cette thématique sera familière aux enseignants de seconde qui doivent traiter de la partie « L’eau : entre abondance et rareté ». De lecture très facile cet ouvrage peut s’avérer utile à l’enseignant pour préparer son cours. Les élèves y trouveront des informations de base sur le cycle de l’eau et ses multiples enjeux. On pourra quand même regretter le choix des illustrations qui, parfois, son tout sauf adaptées, comme cette femme en maillot de bain se rafraîchissant (p.23) qui est censée définir ce qu’est la pénurie. Ce sont les photos satellites qui sont, et de loin, les plus utiles pour nous guider dans les explications de l’auteur, même si les localisations parfois manquent (p.160) . De même, cet ouvrage donne à penser le problème de l’eau autrement grâce à une bibliographie thématique très fournie et qui sera sans doute utile au plus grand nombre.
On complétera cet ouvrage par la lecture de la Documentation Photographique, « De l’eau pour tous ? » de Georges Mutin mais aussi et surtout des ouvrages essentiels de Jacques Bethemont de l’Université de Saint-Étienne. En somme, cet ouvrage peut trouver naturellement sa place dans le rayon des CDI des collèges et des lycées.
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