Clair, accessible à un large public, l’Europe des femmes présente près de 80 documents témoignant des aspirations (mais aussi des obstacles) à une plus grande égalité entre les sexes en Europe, du XVIIIe à nos jours, et donnant chair à ces femmes du passé, dans la multiplicité, la diversité de leurs expériences. Chansons, discours, essais, correspondances, affiches, et toutes sortes d’autres documents nous sont offerts, dans leur version originale, puis leur traduction, chacun suivi d’un article court les contextualisant et faisant le point sur les dernières avancées de la recherche.

Les documents sont présentés au sein de grandes thématiques et interrogent autant l’éducation des filles (la méthode d’éducation corporelle pour les filles sous le IIIème Reich est suivie d’un extrait de l’ouvrage éducatif du docteur Spock!), l’influence des religions (intéressant appel de femmes musulmanes de Sarajevo en 1919), le rapport au corps (au travers par exemple du mannequin d’accouchement de Mme de Coudray, ou d’une magnifique photo prise à l’Isle of Wight en 1969), la lente reconnaissance dans les domaines des arts ou des sciences…. Certains thèmes sont anciens et les auteur.e.s familier.e.s ; ainsi « Féminismes en tous genres » ou « On ne naît pas femme on le devient » qui ptopose des textes de Mary Wollstonecraft, Alexandra Kollentaï ou Simone de Beauvoir aux côtés d’auteures moins connues du public français. On lit dans « Entrées en politique », des textes célèbres comme ceux de Condorcet ou d’Olympe de Gouges, mais aussi l’intéressante analyse d’une photographie de suffragette arrêtée en 1914 ou la surprenante interview d’une paysanne et cheffe de guerre turque, députée en 1935.

D’autres thèmes sont plus novateurs et on trouvera par exemple dans « La guerre une affaire de femmes », une belle analyse du « chant du départ (1794), l’intéressante présentation de trois affiches de la guerre d’Espagne, les mémoires d’une tireuse d’élite russe, un appel de 1914 aux « combattantes » pour la paix… Nombre de documents nous sont inconnus dans « Parcours d’exil » où apparaissent aussi bien l’émigration de bourgeoises anglaises vers les colonies à la fin du XIXe que le personnage de Bécassine, le récit d’un départ de RDA, ou un magnifique poème sur les naufragées de Lampedusa. « Travailleuses de tous les pays… » fait également entendre la diversité des expériences féminines, de Coco Chanel à la socialiste Adelheid Popp, et dans cette partie encore on note la volonté de réaliser cette histoire « par le bas » qui permet de donner voix aux femmes du peuple.

C’est donc un livre d’une grande richesse que L’Europe des femmes. Il trouvera bien sa place dans les CDI et cabinets d’histoire des établissements scolaires. Certes, il ne couvre qu’une (large!) période contemporaine, et ne répond toujours pas entièrement aux besoins des enseignants du secondaire, en mal de réaliser une histoire mixte avec les documents qui leurs sont proposés par les manuels scolaires, mais il offre d’intéressantes perspectives dans le domaine historique, et l’on ne peut qu’être séduit.e par l’ambition européenne de l’ouvrage.
Fruits d’un travail commun de l’association Mnémosyne et du LabEx EHNE, les pistes offertes par cet ouvrage pourront par ailleurs être complétées par la consultation de ces sites : l’EHNE (Encyclopédie pour une Histoire Nouvelle de l’Europe) offre en ligne un thème « Genre et Europe, et l’association Mnémosyne (association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre), propose notamment deux articles intéressants pour les enseignant.e.s du collège et de lycée : enseigner la place des femmes dans les sciences, et enseigner les migrations de travail des femmes.
Gaëlle Ruffel