Cette étude porte sur les facteurs d’émigration vers l’Europe des jeunes hommes du village de Diobakane, en Casamance (Sénégal). L’autrice, Jeanne Heurtault fait ici une recherche ethnologique qui cherche à comprendre les enjeux des migrations en Afrique de l’Ouest. Ce livre est d’autant plus intéressant que les migrations irrégulières des jeunes sénégalais connaissent une augmentation ; ils s’aventurent à bord de pirogues en direction des Canaries ou par la route en direction de la Libye et du Maroc.
L’enquête a porté sur des entretiens parmi une soixantaine de migrants qui, depuis 2006, ont tenté de rejoindre l’espace Schengen, soit 2% des jeunes du village de Diobakane, malgré les efforts d’une association, AmDiobaka, pour développer l’autonomie alimentaire et financière par la permaculture.
La recherche
L’autrice décrit la construction de l’objet de recherche, la population enquêtée, les hypothèses tirées des observations et des entretiens ethnographiques. Elle étudie le rôle du dispositif AmDiobaka et définit ce qu’est être jeune au Sénégal.
En matière de démarche, elle décrit les « observations participantes », les entretiens et le rôle du traducteur.
Les facteurs de construction du projet migratoire
Ils sont multidimensionnels. Les jeunes expriment leur volonté de partir pour participer à l’économie de leur famille. L’Europe apparaît comme un eldorado, alors que le premier exode était national vers Ziguinchor et Dakar. L’impact de la pandémie de la COVID-19 sur le marché de l’emploi est aussi une cause de départ.
L’autrice évoque les différentes migrations licites et illicites, le poids des politiques migratoires européennes et leur externalisation (Maroc).
La faiblesse du marché de l’emploi au Sénégal et l’inadéquation des formations aux emplois sont parmi les causes principales de désir de migrer ? Les enquêtes montrent l’importance des parcours scolaires avortés. Des extraits des entretiens montrent bien ces réalités.
L’autrice détaille l’imaginaire de l’eldorado européen : le « matériel » comme source de prestige, le rêve de construire une maison : « Avoir une maison en ciment et t’as tout carrelé, t’as tout dedans : télévision, tout, tu vois, et hum, ouais vous vivez bien. » (p. 59)
De nombreux jeunes renvoient une image faussée de ce qu’ils vivent réellement en Europe, notamment à travers les réseaux sociaux. Ils ont « les droits les plus élémentaires, ils ont accès quoi, et c’est l’eau potable, électricité. »
La réalité apparaît parfois : « « Si la famille attend quelque chose de toi et que tu ne parviens pas […] tu as des soucis » (p.76). Ce qui permet de montrer le rôle de la famille et des pressions qu’elle exerce pour pousser les jeunes au départ, notamment des aînés, en dépit du danger.
Ce danger est souvent mal perçu, car ceux qui reviennent ne racontent pas leur périple.
L’autrice consacre une partie à la description des projets menés pour éviter les départs : construction d’une route, d’un lieu communautaire… et le jardin en permaculture (techniques et limites).
En conclusion, si l’autonomie alimentaire et financière du village est en développement, le dispositif grâce au jardin, le maraîchage est une activité traditionnellement réservée aux femmes, les jeunes hommes ont du mal à s’investir dans les jardins.