Ce numéro des « Chroniques d’Histoire Maçonnique » n° 95 (Printemps-Été 2025) : « L’expansion maçonnique dans le monde pacifique : le Costa Rica », dernière parution de l’année 2025, est composé de l’habituel avant-propos du Comité de rédaction, d’un dossier et d’un portrait comportant un unique article mais aussi de deux nouvelles rubriques intitulées débat et sources et travaux. L’article de la rubrique Dossier est rédigé par Ricardo Esquivel : Loges maçonniques et réseaux négociants dans le Pacifique : l’exemple de Puntarenas (Costa Rica), celui de la rubrique Débat est écrit par Jean-Jacques Chauvin (La maison des Élus de Yahweh : matériaux pour servir à éclairer l’inversion maçonnique des colonnes) sans oublier celui du Portrait (Les 40 jours de liberté de Félix Lebossé) par Abel Maupas. Après cet article, la dernière rubrique Sources et travaux est consacrée à la Bibliographie pour l’étude des loges maçonniques belges par Jean-Michel Dufays ainsi que Trois années mal connues de la vie maçonnique d’Armand Gaborria. Les Amis Philanthropes à l’orient de Bruxelles (1798-1801) par Éric Saunier.
DOSSIER
« L’expansion maçonnique dans le monde pacifique : le Costa Rica »
Avec l’étude des liens entre le grand commerce international par voie de mer et la formation des réseaux maçonniques au Costa Rica aux XIXe et XXe siècles, voici une thématique récurrente dans la recherche actuelle sur la franc-maçonnerie, mais analysée dans un espace géographique qui l’est beaucoup moins en comparaison du monde atlantique.
Loges maçonniques et réseaux négociants dans le Pacifique : l’exemple de Puntarenas (Costa Rica) (par Ricardo Esquivel)
Dans cet article de Ricardo Esquivel, nous retiendrons à la fois la confirmation de la capacité de la sociabilité maçonnique à amalgamer les élites locales costa-ricaines et les élites étrangères européennes avec l’exemple de la ville portuaire de Puntarenas, entre 1821 et 1875, mais aussi de sa relative fragilité dans le monde pacifique à travers l’histoire de ses deux loges Flor del Pacifico (Fleur du Pacifique) (1870-1872) et Amistad Sincera (L’Amitié sincère) (1874-1876) liée à la grave crise politique centraméricaine survenue au milieu des années 1870, où la franc-maçonnerie interrompit ses activités jusqu’à la fin du XIXe siècle pour connaître à nouveau une période d’industrialisation et de nouvelle ouverture du Costa Rica aux étrangers ainsi qu’à leurs capitaux, aux alentours des années 1910.
DEBAT
La maison des Élus de Yahweh : matériaux pour servir à éclairer l’inversion maçonnique des colonnes (par Jean-Jacques Chauvin)
L’article de Jean-Jacques Chauvin a trait à un sujet qui est l’objet d’un vif débat en franc-maçonnerie (pour les Frères et les Sœurs férus de maçonnologie) : la question de l’inversion des colonnes Jakin et Boaz. En accord ou non avec la position de l’auteur, l’un des mérites de cet article totalement hétérodoxe est de rappeler que l’inversion des colonnes, loin d’être anodine, exprime également un conflit philosophique, religieux et politique : le conflit entre les deux courants de la franc-maçonnerie britannique entre les Modernes (judéo-protestant, à caractère libéral et connaissant bien l’Ancient Testament) et les Anciens (traditionnaliste, plus proche du catholicisme, constitué entre autres par les Irlandais, une partie des Ecossais et un certain d’anglais, beaucoup moins familiarisés avec l’Ancien Testament), entre 1724 et 1742.
PORTRAIT
Les 40 jours de liberté de Félix Lebossé (par Abel Maupas)
Grâce à l’article d’Abel Maupas, nous allons découvrir la figure de Félix Lebossé (1878-1971), inspecteur de l’enseignement et rédacteur en chef du « Coq enchaîné », il enseigna la législation scolaire à l’université de Lyon où il se fixa après la Première guerre mondiale, fut l’un des grands promoteurs de la pédagogie en France et à l’étranger, avant de recevoir la Légion d’honneur pour ses engagements en faveur de la jeunesse. En sus, parmi les innombrables engagements associatifs et politiques au profit de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), de la Libre Pensée et de la Ligue de l’Enseignement, Félix Lebossé entra en franc-maçonnerie, en 1898, à l’obédience du Droit Humain (DH), dans la Loge n°3 à l’orient de Rouen. En 1901, il est à nouveau initié mais au Grand Orient de France (GODF) dans la loge La Jérusalem Ecossaise à l’orient de Paris, où il est reçu maître. Puis, au fil des mutations, il s’affilia à différentes loges de ses orients de résidence ((Le Mans, Auxerre, Caen et Lyon). Dès 1909, à Caen, il est élevé dans les hauts-grades au 18e degré (Chevalier Rose-Croix). Affecté, lors de la Première guerre mondiale, à l’infirmerie militaire, il en revint vivant en étant cité et décoré de la croix de guerre. Sitôt la Grande Guerre finie, il s’installe à Lyon où il poursuit la promotion de la pédagogie en France et à l’étranger. En parallèle, Félix Lebossé accède aux plus hautes responsabilités maçonniques en étant vénérable à plusieurs reprises de sa loge lyonnaise et président du conseil des vénérables des loges lyonnaises en 1927, 1939 et 1940. Il continue également son élévation dans les hauts-grades : 30e en 1920, 31e en 1926, 32e 1929 et 33e en 1946. Enfin, Félix Lebossé fut conseiller de l’Ordre du GODF de 1928 à 1930, sous la présidence d’Arthur Groussier. Pendant l’Occupation, il devient le principal inspirateur du mouvement clandestin maçonnique « Le Coq enchaîné » publiant son propre journal et collectant des renseignements pour Londres. Arrêté deux fois en octobre 1940 et février 1943 puis interné (Montluc à Lyon et Royallieu), il échappe à la torture et à la déportation en raison de sa santé fragile. Libéré en août 1944, il participe à la reconstruction de la maçonnerie lyonnaise (DH et GODF). Il mourut en 1971, à Villeurbanne, à l’âge de 93 ans.
SOURCES ET TRAVAUX
*Sources : Bibliographie pour l’étude des loges maçonniques belges (par Jean-Michel Dufays)
La première contribution est un essai de synthèse exhaustive de la production historiographique sur la franc-maçonnerie belge jusqu’à la fin des années 1980 (classée par ordre alphabétique des villes principales belges).
* Travaux : Trois années mal connues de la vie maçonnique d’Armand Gaborria. Les Amis Philanthropes à l’orient de Bruxelles (1798-1801) (par Éric Saunier) : p. 90-92
La seconde contribution concerne également la franc-maçonnerie belge. Elle présente le résultat du dépouillement du premier registre de la loge des Amis Philanthropes conservés à Bruxelles. Son exploitation permet de restituer un épisode mal connu de la vie maçonnique de l’une des figures de la franc-maçonnerie des Lumières et des Révolutions ayant suscité un grand nombre de travaux depuis la fin des années 1990 : Armand Gaborria. S’agissant de son riche parcours, ce dernier avait été réfugié à Bruxelles où il exerça le métier d’imprimeur et qu’il avait été membre de la loge Les Amis Philanthropes après avoir quitté Lille pendant la période de radicalisation de la Révolution française et avant son départ pour Turin où il allait construire l’une des branches du Rite Misraïm puis répandre le Rite écossais ancien et accepté (REAA) en Italie. La lecture du premier registre de la loge Les Amis Philanthropes permet de reconstituer le détail de sa vie maçonnique durant les trois années pendant lesquelles il vécut à Bruxelles.