La Grande Guerre sert très souvent de source d’inspiration au roman graphique, des œuvres incontournables de Jacques Tardi aux paroles de poilus illustrées par de multiples dessinateurs.
Chiens Bleus, Chiens Gris retrace le parcours du sous-lieutenant Francis Régeard, instituteur devenu officier à la faveur des combats.
Le propos débute par la lecture de son nom sur le monument aux morts du cimetière de Bécherel en Ille-et-Vilaine.
Tombé le 5 novembre 1916, le corps de Francis Régeard est resté dans la Somme, à Combles et c’est sa sœur Henriette qui va se charger de le ramener vers sa Bretagne natale.
Après identification du défunt, Henriette récupère sa plaque militaire et un carnet dans lequel l’officier a soigneusement consigné son expérience de guerre et son ressenti sur la période.
Les premières illusions du jeune soldat laissent vite place à l’effroyable spectacle de la mort et aux disparitions/mutilations des camarades du front.
Deux années de guerre le privent progressivement, comme les autres, d’une forme d’humanité, ce que le récit retranscrit graphiquement par l’apparition progressive de gueules de chiens en lieu et place de visages humains.
Ce statut animal devient permanent pour les hommes de troupes français comme allemands vers la fin de la bande dessinée, « les gavés » de l’arrière prenant l’aspect de félins cyniques jouant avec la destinée de soldats qui leur importent peu.
Plus qu’un énième témoignage sur les carnages du premier conflit mondial, Chiens Bleus, Chiens Gris, est un beau plaidoyer contre la bêtise guerrière et sociétale, basé sur des archives personnelles et une recherche de qualité (la bande dessinée comporte, en sus, un « livret historique et graphique »).
Le dessin de Leyho n’est pas s’en évoquer celui de Juanjo Guarnido lors des « transformations » animales de ses personnages.
Une très belle réussite que l’on ne saurait que trop recommander.
Grégoire Masson
Note de l’éditeur: « Automne 1921 dans la Somme, exhumation du corps d’un soldat originaire d’Ille-et-Vilaine. sa soeur est là pour l’identifier. On lui confie la plaque d’identité et un carnet retrouvés sur le corps du défunt. Henriette tourne les pages… Le soldat Francis Régeard part à la guerre plein d’insouciance. Il y perdra ses illusions, ses amis, son Amour… jusqu’à son humanité! Amené à vivre comme un chien, il mourra comme tel. »